Six mois. Les deux tiers. J’entre officiellement dans mon troisième et dernier trimestre et je dois avouer que j’ai autant hâte que peur. Pourquoi ? Tout simplement parce que j’aime être enceinte. Je ne pensais pas dire cela un jour mais j’aime être enceinte. Ce n’est pas facile tous les jours - j’ai de plus en plus de mal à me relever du canapé qui est plutôt bas, mon dos me fait mal, je ne peux plus mettre de talons hauts - mais c’est merveilleux. Porter la vie, mettre au monde quelque chose qui est à moitié moi et à moitié Jeremiah… J’observe mon reflet dans mon miroir et lorsque j’entends la voix de Greg raisonner dans la suite que j’occupais jusque là, je me dirige vers les escaliers. La main sur la rambarde de l’escalier, je souris largement et lui souffle Bonjour Greg ! Comment vas-tu aujourd’hui ? Cela fait un petit moment que je n’ai pas vu mon employé et je sais qu’il est bien ‘tranquille’ depuis que je ne vis plus ici mais je suis sûre que je lui manque. Une petite discussion s’en suit et il vient m’apporter les différents mets et boissons - qui vont au frigo - dont je pourrais avoir besoin pour mon après-midi avec Taylor. Quelques messages ont été échangées et je l’ai invité à venir boire un coup et discuter. Cela fait quelques semaines que nous ne nous sommes pas vues et je suis sûre qu’elle a des tas de choses à me raconter ! Mes louboutins prêts de la table, je les regarde avec envie et ce n’est que lorsque j’entends Taylor frapper à la porte que je détache ma vue de ces merveilles blanches qui n’attendent que moi et mes pieds enflés ! J’ai accepté de ne plus mettre de talons et marcher… Mais quand je suis assise, je les enfile ! Je me sens plus forte, plus grande, plus belle et respectable avec. Je n’y peux rien ! J’ouvre rapidement la porte et lui adresse mon plus beau sourire. Bienvenue dans mon ancien chez moi ! On aurait pu aller à la maison mais Jeremiah prépare la révélation de la nouvelle voiture et ça nous fait du bien de ne pas être collé l’un à l’autre aussi. Il peut faire ce qu’il veut et moi, je peux me faire servir trois fois plus qu’à la maison ! J’embrasse la joue de mon amie et lui dis Comment vas-tu depuis la dernière fois ? Personnellement, professionnellement parlant… Je veux tout savoir !

@Taylor V. Foster

C’est toujours impressionnant, de se retrouver devant cet hôtel. J’ai parfois du mal à réaliser qu’Ella gère un empire tel que celui-là, et plus encore d’ailleurs, du moins je le crois. Mais ici et maintenant, mes pensées, elles ne sont pas vraiment tournées vers elle, non. Elles glissent, sans que je ne puisse le contrôler, vers la dernière fois que je suis venue ici et cette fameuse nuit, avec lui. J’en oublierai presque tout le reste qui a suivi. Notre dispute, sans cœur amoché, Joshua, la fin de l’année, une tempête que j’ai voulue envers et contre tout, contrôler. Pour constater que j’ai lamentablement échouée. Une Taylor ridicule à souhait.

Et j’en ai même une appréhension à pénétrer dans le bâtiment, une boule au ventre à l’idée de croiser Jasper alors que ce n’est pas arrivé depuis longtemps. Depuis l’hôpital. Depuis que sans qu’il ne le sache, il me fasse une nouvelle fois mal. Mais voilà, on ne peut pas rester une peureuse pour tout et n’importe quoi, alors je la franchis, la porte. J’avance jusqu’à l’ascenseur, je maitrise les pulsations de ma cage thoracique pour ne pas repenser au fait qu’on s’était embrassé, à l’intérieur. Je tente même de ne pas faire une crise de panique quant à la solitude qui est la seule qui veut bien m’accompagner. Je traverse rapidement le couloir, et trouve une libération lorsque je toque à la porte de mo amie, et qu’après l’ouverture de cette dernière, elle me sourit. « Bienvenue dans mon ancien chez moi ! » une bise, quelques pas, et puis « Comment vas-tu depuis la dernière fois ? » constate que ça fait trop longtemps. Parce que son ventre est devenu très imposant. Tout de même plus à l’aise lorsque les enfants se trouvent encore dedans. Quand ils sont sortis, c’est une autre histoire dont il ne faut certainement pas parler aujourd’hui. « Ella t’es magnifique ! » j’élude la question, et préfère une vérité, parce que j’ai beau ne pas être dingue de bébé, il faut savoir l’avouer. Puis je m’en veux, aussi, d’angoisser alors qu’ils ne m’ont rien demandé. « Oh écoute, » de toutes façons, ce n’est pas comme si j’allais pouvoir éviter la discussion, « j’ai passé une fin d’année foutrement merdique, et toi ? » Un début aussi, je crois. Honnête, jusqu’au bout des doigts.

@Ella Marriott-W. on est sur une flemme de codage et de recherche de gif

Il y a toujours une sorte de nostalgie qui me traverse lorsque je me retrouve au Copley. Cet hôtel, ce logement luxueux a été mon repère, ma maison pendant des années. J’y ai vécu de belles choses, d’autres beaucoup moins belles mais il a été là pour accueillir mes coups de folies mais aussi mes coups de colères, mes plus belles victoires ainsi que mes larmes et mes plus grosses déceptions. Je sais bien que la vie en hôtel n’est pas ce que Jeremiah veut pour lui ni pour les enfants mais à chaque fois que je quitte ma suite, j’ai un léger pincement au cœur. Je suis heureuse que mon frère ait décidé d’oublier son envie d’agrandir sa suite parce que ce serait si difficile pour moi de dire adieu pour toujours à ce logis qui m’a vu grandir. Aujourd’hui, tout est différent mais j’aime y revenir pour me poser, pour travailler mais aussi pour recevoir mes amies, comme c’est le cas avec Taylor cette après-midi. Ce n’est pas que je n’ai pas envie qu’elle vienne à la maison mais le luxe de pouvoir se faire servir tout et n’importe, ainsi que la vue sur tout Boston est intéressante aussi. Et il faut que je sorte de la maison avant de finir collée à Jeremiah et qu’il ait envie de me tuer parce que je suis toujours dans ses pattes. Je ne sais pas faire avec l’ennui, avec le calme alors je cherche toujours de quoi m’occuper et il en paye souvent le prix. Mais aujourd’hui, c’est sur une de mes amies que je vais me consacrer. Elle et moi, ce n’était pas écrit, pas prévu, rien de tout cela mais nos chemins se sont croisés à un drôle de moment et presque deux ans plus tard, nous sommes toujours en contact. Rien n’est régulier mais quand l’une a besoin de l’autre, on trouve le temps et ça, je trouve que c’est beau. Une bise, des sourires échangés et je sais que l’on va passer une bonne journée. À ses mots, je rougis et glisse une mèche invisible derrière mon oreille, baissant doucement le visage. Merci… Il paraît que la grossesse me rend radieuse même si les kilos pris dans les cuisses et le visage ne m’enchantent pas du tout. J’aimerais n’avoir pris que du ventre mais il n’y a que dans les films que ça se passe comme ça. Mes mains glissent sur mon ventre alors que je ferme la porte d’entrée d’un coup de talons et l’invite à entrer dans la pièce de vie. Je la laisse se débarrasser de son manteau et l’écoute. Je vais bien. La grossesse se passe bien, j’entre dans mon dernier trimestre. Je n’arrive pas à y croire, ça passe si vite… Et tout se passe bien avec Jem alors je n’ai pas à me plaindre. Et je ne prends pas vraiment la peine de lui dire que même avec mon frère, ça va mieux. Je crois que tout rendre dans l’ordre, je crois que mon bonheur, je l’ai trouvé et cette recette, je ne compte pas l’oublier ! Au moins, c’est derrière toi. 2021 est terminée, tu peux te concentrer sur 2022. Il faut le voir comme ça, non ? Je n’en sais trop rien. Un sourire sur le visage, je dis Qu’est-ce que tu veux boire ? Ce qui est bien avec un hôtel, c’est qu’il y a absolument tout de disponible à portée de main. Tu veux m’en parler ? Des tourments passés qui ont sûrement laissé quelques séquelles dans le présent ? Après tout, après chaque tempête, chaque ouragan, il faut tout reconstruire… Et je me demande si Taylor sait à quel point elle est forte. Bon sang, elle est toujours debout ! Et ça me fascine. Elle m’impressionne et est un réel modèle, il n’y a pas à dire.

C’est bien connu, je ne suis pas douée, pour parler de moi, je préfère tout garder, jusqu’au jour où j’implose et que j’emporte tout le reste du monde avec moi. Une explosion d’une Taylor, partout, ici et là. Et aujourd’hui, je crois, que nous sommes dans un jour comme ça. Je crains même de faire fuir Ella. Ella qui me remercie, de la trouver jolie. Il n’y a pas de quoi, évidemment qu’elle l’est, elle porte la vie, tout ce qu’elle a toujours voulu. Ce pourquoi elle s’est battue. « Je vais bien. La grossesse se passe bien, j’entre dans mon dernier trimestre. » Le temps s’est envolé, impossible d’en douter. Déjà le dernier… Et très vite c’est avec deux bébés que je la croiserais. « Et tout se passe bien avec Jem alors je n’ai pas à me plaindre. » C’est beau, c’est bien à entendre. Je suis si contente pour elle. Sincèrement. Elle mérite tout ce qu’elle a. Si bien que je me sens un tantinet stupide de me plaindre, je devrais me taire, laisser les soucis s’éteindre. « Au moins, c’est derrière toi. 2021 est terminée, tu peux te concentrer sur 2022. » Seulement, je ne suis pas certaine parce que les casseroles de deux milles vingt et un, elles se sont traînées, forcément, elles sont passées en deux milles vingt-deux. « Qu’est-ce que tu veux boire ? » Par habitude, je m’apprête à répondre un café, et comme si je pouvais contrer mon naturel, je me force à lui répondre « Un thé ce sera parfait. » Tu parles d’une perfection, moi, j’appelle ça une infidélité. « Tu veux m’en parler ? » De mes déboires sentimentaux risibles à souhait ? Ouais, peut-être à dire vrai. Parce que je ne le dis jamais, parce que Mila et bien, elle est avec Snow et que moi, je n’ose plus, je n’ose pas. D’ailleurs, je devrais certainement faire de même avec toi. Te laisser tranquille, et continuer de vaciller sur un étrange fil. « Je… » Par où on commence pour expliquer qu’il y a tout qui merde et que je me devrais de rester marier à cette carrière comme on me l’a si souvent soufflé. Frigide qui ne pense qu’à son métier. Cœur de pierre, trop abîmé. « Joshua est revenu, je te l’avais dit ? » Je ne crois pas, j’en ai parlé à personne, parce que ce serait dire à haute voix, que je rate tout, chaque fois. « Jasper… m’a légèrement jetée, » puis son cœur s’est arrêté. Le tout pas dans la même journée. « J’ai beaucoup dansé. » C'est stupide de le préciser. Mais j'ai dansé, oui, trop, à dire vrai, dans l’espoir d’oublier. Fait amusant ; Ca n'a pas fonctionné. « Et j’ai un nouveau colocataire. » et je ne suis pas certaine que l’envahisseur puisse me plaire. « Ca fait un an que je n’ai pas vu ma mère. » J’ignore pourquoi je m’aventure à l’articuler. Seulement, c’était plus fort que ma volonté. De ma mère, je n’en parle jamais. Et ça me pèse, plus que ça ne le devrait.



@Ella Marriott-W.

Cette vie idyllique que je lui dépeins, je n’ai jamais cru que j’y aurais droit. Je n’en voulais pas jusqu’il y a un peu plus d’un an déjà, pour commencer. Ma vie, je me voyais la passer seule à passer d’homme en femme pour changer et recommencer. Un peu comme une abeille, à butiner un peu partout et à refaire le même circuit indéfiniment. En roue libre, complètement libre et affirmée dans ma sexualité, je n’ai jamais regretté ces années à profiter mais je dois avouer que d’avoir trouver chaussure à mon pied, de construire quelque chose avec Jeremiah me fait un bien fou. Moralement, mentalement et puis, j’ai l’impression que je me suis réellement voilé la face pendant des années. Je ne voulais pas souffrir, pas m’engager de peur d’être abandonnée et au final… Je ne dis pas que le risque en vaut la chandelle mais plutôt que j’ai confiance en mon fiancé et en moi pour que tout se passe bien. Notre couple risque d’être mis à rude épreuve avec l’arrivée des jumeaux mais j'ai vraiment hâte. Enfin, aujourd’hui n’est pas considéré aux deux cascadeurs qui se trouvent dans mon utérus mais bien à mon amie que je coule sous mon court résumé plein d’amour et de bonnes choses. J’aimerais tellement que ça lui donne de quoi sourire, de quoi voir le bon dans la vie et qui sait, peut-être que le positif attirera réellement du positif… Mon corps qui se dirige vers la cuisine, je parle un peu plus fort, nous sortant deux tasses et mettant de l’eau à bouillir. Quand ma question est posée - et que j’ai jeté un coup d’oeil dans sa direction - je sors toutes les boites que j’ai encore ici. Je n’ai pas pu tout prendre avec moi à la maison et… en bonne anglaise qui se respecte, j’ai du choix. Thé vert, thé noir, des goûts fruités et d’autres bien moins, je ramène le plateau avec le choix que je pose sur la table basse du salon où nous allons nous installer. Penchée en avant, je tourne rapidement le visage vers elle quand elle me dit que Joshua est revenu. Nooooooon. J’ai la bouche en forme de O et aucun doute que mon visage ressemble à celui de cet emoji dont le cerveau explose. Et tu le vis comment ? Je suis choquée. Le retour du petit-ami avec qui tout allait si bien avant que plus rien n’aille. Je me redresse, grimaçant à la remarque sur Jasper. Je crois qu’il ne sait pas ce qu’il veut ou qu’il est comme notre ex commun, toujours à se trouver de quoi faire du mal pour ne pas souffrir. Et j’aimerais lui dire que ces personnes détruisent plus qu’autre chose, qu’il n’est pas pour elle et qu’elle ne devrait pas s’attarder sur la chose, sur la question, sur cet homme qui ne l’apprécie visiblement pas à sa juste valeur s’il l’a jeté… La confession suivante m’arrache un léger rire et je me laisse tomber sur le canapé confortable. Je l’écoute et ne la quitte pas du regard. Eh bah, c’est que tu as une vie chargée… Prête pour “danse avec les stars” du coup ? Que je lance en lui souriant légèrement. Il fut un temps où ce récit aurait été le mien avec mes conquêtes à répétition et mes soirées à répétition en bar et club. La bouilloire fait un peu de bruit, signifiant que l’eau arrive presque à température et je dis S’il t’a légèrement jeté, jète le complètement avant qu’il le fasse. S’il y a une chose que je sais c’est qu’un homme, quand il repousse, c’est pour finir par assassiner et je ne lui souhaite pas cela. Je me relève, parfaite maîtresse de maison que je suis, et file vers la cuisine ouverte sur la pièce de vie. Ton nouveau colocataire est un chien, rassures moi ? Histoire de ne pas compliquer les choses parce que c’est sur qu’avec Joshua et Jasper, ça pourrait compliquer les choses plus qu’autre chose, justement. Je prends les tasses dans une main, la bouilloire dans l’autre et souffle Il n’y a qu’eux qui sont fidèles en amour. Et Jeremiah, bien entendu. Mais je n’ai pas besoin de le préciser ni de le comparer à un toutou mignon. Je m’asseois, la laisse se servir et opte pour une tisane aux fruits jaunes. Les mères sont… Importantes mais souvent fatigantes. Je ne connais rien de Maman Foster mais il y a bien une chose dont je suis sûre, elle a fait un super travail pour élever Taylor. Elle te manque ? Je crois que je lui demande autant à elle qu’à moi. Et pour ma personne, la réponse est oui. Mon abrutie de mère me manque. Nos relations vont mieux depuis quelques mois mais ce n’est toujours pas comme avant et je crois que ça ne le sera jamais. Après tout, cela fait plus d’un an que nous nous sommes vraiment disputées au sujet de son implication dans ma vie et de ses commentaires face à la bisexualité de Dimitri… Un moment de ma vie que j’aimerais modifier, que j’aimerais oublier.  

Tu te souviens, Ella, de ce qu’on était lorsqu’on s’est rencontrées ? Toi, perdue, accrochée à cet ex qu’on a en commun, et moi, qui m’apprêtais à retrouver Joshua. Tu te souviens comme je donnais des leçons, après ça ? Comme je jouais celle qui comprend tout à l’amour, puisque j’avais trouvé celui qui se devait de rimer avec toujours. Tu te rappelles, oui, mes grands conseils ? Avant que tout s’écroule ? Avant que la Taylor Foster coule ? Et maintenant… A présent tu me prépares du thé, avec ton joli ventre, avec ta joie que je peux sentir irradier. Tandis que moi, je fais tout bonnement n’importe quoi. J’ai perdu le fil, en même temps que Joshua. J’ai justifié mes conneries en disant que c’était parce qu’il était parti. Mais en réalité, ça vient de moi, de mon caractère compliqué. De mes envies de grande carrière, et de ma passion pour tout bousiller.

Installées l’une à côté de l’autre, le panel de boisson sous les yeux, quand je commence à conter mon quotidien malheureux. « Nooooooon. » Et si… D’ailleurs, ma tête hoche par la positive pour appuyer le fait que oui, il est ici. « Et tu le vis comment ? » Mal, forcément. « Je crois que le pire c’est que si je n’étais pas tombée sur lui au Festival de l’hiver, je ne l’aurais pas su. » Parce qu’on s’était séparé, et qu’il n’avait aucune raison valable de me contacter. « Il m’a écrit, un peu avant Thanksgiving. » Mes doigts jonglent au dessus des différents thés. « Pour me dire aurevoir, je crois. » Parce que la lettre c’était bel et bien ça ? « Puis le revoilà à me dire qu’il m’aime depuis six ans et que je lui ai manqué. » Des choses auxquelles je n’ai pas réussi à répondre, la gorge totalement obstruée. Des sentiments, handicapée.

Continuant sur le fait que je suis beaucoup sortie… « Eh bah, c’est que tu as une vie chargée… Prête pour “danse avec les stars” du coup ? » Je me permets de rire à sa réflexion, sans répondre parce que le pire c’est que je pense que malgré tout, la réponse serait non. « S’il t’a légèrement jeté, jète le complètement avant qu’il le fasse. » Dans le fond, je crois que je sais qu’elle a raison. Y a un soupir qui traverse mes lèvres lorsqu’elle va récupérer la bouilloire… « Je sais… Mais il a été malade et moi … » Moi j’ai effacé ses mots, j’ai couru à son chevet, « Je suis faible ? » j’en ris sauf que c’est atrocement vrai.

Et je poursuis, à croire que c’est un foutu feuilleton, ma vie. « Ton nouveau colocataire est un chien, rassures moi ? » Y en a un, en tous cas, alors on peut dire que c’est déjà ça ? « Il n’y a qu’eux qui sont fidèles en amour. » Clairement, je m’entends mieux avec Glasgow qu’avec Hanzo… « J’aurais peut-être du dire deux ? » Colocataires. « Le chien et son propriétaire. » Trent, même absent, m’a offert ce cadeau. « Mais ! » que je reprends en l’indexant. « De ce que j’en sais, il n’est pas hétéro, donc pas la peine de débattre sur la fidélité, ou sur l’amour, d’ailleurs je pense qu’il ne m’apprécie pas trop, trop. » Il y a tout de même un bon point, c’est que l’on ne se croise pas vraiment, c’est déjà ça, au moins.

Puis on y est, à ma conclusion presque déplacée, au milieu des déboires amoureux. Ma mère et mon cœur malheureux. « Les mères sont… Elle te manque ? » J’en prends mon visage entre mes doigts, réalisant que je n’avoue jamais ça. Mon terrible secret, la chose qui me procure le moins de fierté. Taylor Foster loin de pouvoir s’amalgamer avec le mot parfait. « Elle est… » En écho à son début de phrase, « placée. » Ma mère, dans un établissement spécialisé. « Ma mère est démente, au sens propre. » Pas au figuré, et ça va finir par me briser. En mille morceaux, que personne ne pourra recoller.

@Ella Marriott-W.

Thanksgiving, adieu. En hiver, je t’aime et t’ai toujours aimé. Cela ressemble fortement à de la manipulation mais je ne sais pas si c’est la réponse qu’elle souhaite avoir. On ne ravale jamais son vomis. Que je souffle doucement, comme pour lui donner mon avis sur la question. Il lui a fait mal au coeur, l’a laissé seule et leurs visions de leurs vies et carrières étaient si différentes que ça ne pouvait pas coller. Enfin, à moins que tu ais changé d’envie de carrière. Que je rajoute rapidement. On évolue tous - j’en suis la preuve vivante - mais il y a des choses qui ne changent jamais. Aurais-je eu envie d’enfants maintenant si je n’avais pas cette ménopause qui est telle l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête ? Est-ce que je serais avec Jeremiah s’il n’y avait pas eu tous ces évènements qui m’ont fait réaliser ce que je voulais vraiment ? Je ne sais pas trop. Je ne peux rien promettre, rien prédire mais la seule chose dont je suis sûre est que j’ai bien changé en deux ans et c’est pour le meilleur. Mon passé ne me manque pas - sauf celui où je pouvais boire du champagne tous les soirs - et je n'éprouverai sûrement jamais de regret pour ce dernier. Il faut juste prendre les décisions que l’on ne regrette pas, elle est là la clé du succès et du bonheur. Ce n’est pas être faible ça, Taylor. Que je souffle de l’autre côté de ma pièce à vivre. Je reviens près d’elle et dis Si tu tiens à lui, c’est normal. Et puis, tant que tu ne regrettes pas… Je ne peux pas la blâmer. Je n’étais même pas avec Wesley que je courais à son chevet lorsqu’il s’est fait tirer dessus. Et c’était de la faiblesse, en quelque sorte. Je n’ai jamais regretté et c’est déjà ça de pris je crois. Et c’est vraiment ce que je lui souhaite. Être en paix dans son esprit. L’harmonie, c’est peut-être un peu trop demandé mais la paix, c’est le plus important, le plus beau des cadeaux qu’elle peut s’offrir. Mais je crois que le plus important, à ce moment même, serait de mettre un peu d’ordre là dedans. Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire sur les mots qu’elle prononce. Si t’es aussi douée pour comprendre ce qu’il ressent que tu sembles t’en sortir amoureusement, je ne croirais pas trop tes instincts. Que je lance en souriant légèrement. Ce n’est pas une critique mais on va dire que tu aimes bien te mettre dans des situations toujours plus complexes les unes que les autres. Joshua. Jasper. Trent et les fiançailles. Je me demande même où elle en est là dedans, s’ils ont mis fin à la mascarade ou si elle est toujours officiellement promise à un homme qui n’est plus dans le coin. Est-ce que ce n’était pas la raison pour laquelle ils étaient ensemble ? Rester à Boston. S’il n’est plus là, c’est qu’il n’y a plus d’engagement, non ? Et puis tu sais, niveau fidélité… T’as rien promis à personne non ? Est-elle célibataire ou pas ? Vu ses récits, je crois bien que oui. Alors pas besoin de s’emmerder avec des constructions sociales. Et alors que l’ambiance est bonne enfant, elle vire du tout au tout quand on aborde le sujet mères. Le courant passe bien mieux avec la mienne mais ce n’est pas la folie non plus et elle me manque. Je ne l’avouerai pas mais la réalité est là. Assise, laissant mon thé infuser, je l’écoute se confier. Pour quelqu’un de fier comme Taylor, je n’imagine pas le courage qu’il lui faut pour cracher le morceau. Oh. Que je souffle avant de poser mon thé sur la table et de poser une main sur son genou et de l’autre, attraper sa main libre. Je suis désolée Taylor. Je sais que nos pères sont les deux grands absents de nos vies et que le deuxième pilier ne soit plus vraiment, ce ne doit pas être facile. Je… ne sais pas quoi dire. Et je ne vais pas essayer de lui dire que ça va aller ni lui poser trop de questions parce que c’est à elle de m’en parler si elle le souhaite, si elle veut me donner les causes du placement médical de sa mère. Tu veux qu’on aille la voir ? Que je propose rapidement, comme si je pouvais quitter la ville alors que j’entre dans mon septième mois de grossesse. J’en connais un qui ne serait pas fan de l’idée. Bien qu’avec Taylor, je serais en sécurité. Et si mon amie a besoin de moi, je le ferai, quoi qu’il dise.

Oui, le retour de Joshua m’a perturbé, je ne peux pas mentir à ce sujet. Mais peut-être que c’était une manière de mettre un point final à notre histoire ? Lui retirer son goût d’inachevé. « On ne ravale jamais son vomis. » Je ne peux pas me retenir de pouffer. De toutes les façons, je me refuse le droit de flancher à nouveau, parce qu’il finit toujours par engendrer des maux. Il y a six ans, il y a en deux, et maintenant. Lui et moi, ce n’est pas possible, c’est juste comme ça. « Enfin, à moins que tu ais changé d’envie de carrière. » Absolument pas. Je sais bien que les gens évoluent, qu’ils changent, pour le mieux parfois, comme le prouve Ella. Mais pour ma part, rien n’est différent. Je veux le monde de la chirurgie à mes pieds et toujours pas de bébé. « Non… » je souffle en secouant le visage, négativement.

La poursuite de la discussion sur le problème Jasper, avouer que je suis faible, qu’il s’est fait une place en mon cœur. « Ce n’est pas être faible ça, Taylor. » Si un tantinet, parce que j’ai ravalé ma fierté. Mon égo touché. Cette part de moi qu’il a blessé. Lui et son bus de femmes qu’il dit baiser. Même si dans la chambre d’hôpital, les tensions se sont apaisées. « Si tu tiens à lui, c’est normal. Et puis, tant que tu ne regrettes pas… » J’en soupire, en commentant, « Je regrette pas, » autant le dire, parce que c’est vrai, je n’ai aucun remord même à l’idée de cette nuit qu’on a passé tous les deux, ici. Enfin dans cet hôtel, pas dans cette chambre, s’entend. « C’est juste que je crois qu’il est encore plus en bordel que moi. » Et ce n’est pas rien, car il est élevé, le mien.

Son rire est communicatif lorsque je lui parle des préférences d’Hanzo, du fait que l’intru ne m’aime pas trop. « Si t’es aussi douée pour comprendre ce qu’il ressent que tu sembles t’en sortir amoureusement, je ne croirais pas trop tes instincts. » Alors je continue à pouffer aussi, je ne m’évertue même pas à la contredire, je crois que c’est ça le pire. « Ce n’est pas une critique mais on va dire que tu aimes bien te mettre dans des situations toujours plus complexes les unes que les autres. » Enfin, un peu tout de même, « Mais je te promets, Trent m’a dit qu’il était gay ! » En mode attention pas toucher. « Et puis tu sais, niveau fidélité… T’as rien promis à personne non ? » Non mais ce que je voulais dire, c’est qu’avec lui, ça ne pouvait pas se compliquer. « J’sais même plus. » Vois combien je suis perdue. Je m’en arrache les cheveux tant je cherche du sens à tout, tellement je m’y évertue. Je devrais simplement essayer de vivre, de laisser la peur sur le bas-côté.

Mais pour laisser la peur s’envoler, il faudrait que je sois honnête, de ce fait, je m’essaie à l’être, à expliquer, le pourquoi je me retiens de vivre et je fais tout à moitié. « Je suis désolée Taylor. » Elle prononce en prenant ma main, et je lui lance un regard parce qu’elle n’a pas à l’être, elle n’y est pour rien. « Je… ne sais pas quoi dire. Tu veux qu’on aille la voir ? » Mais il n’y a rien à dire, bien qu’à sa proposition, je ne peux que sourire. « Oui, bien sur Ella, on va aller toutes les deux dans le Kentucky, comme ça tu pourras accoucher sur la route. » L’idée du siècle, sans aucun doute.

@Ella Marriott-W.

Je ne sais pas trop comment je réagirais à sa place, de voir l’homme que j’ai aimé ressurgir de nul part après une rupture douloureuse. Je crois que le plus triste là dedans c’est le temps qu’il a mis pour revenir vers elle et lui ouvrir son coeur. Pour être honnête, je ne préfère même pas me mettre à sa place parce que je crois que je pourrais me mettre à pleurer. La séparation, je l’ai vécu une fois - et dans le pire des scénarios possible - et je n’en suis pas sortie indemne. Dieu merci que l’homme avec lequel je suis maintenant n’a rien en commun avec le précédent. Peut-être que c’est de ça dont elle a besoin Taylor, d’un homme qui n’a rien à voir avec celui qui lui a brisé le cœur - à savoir qui partage les mêmes valeurs qu’elle. Alors continue ton chemin sans lui. Que je souffle légèrement en haussant les épaules. Tant qu’elle n’aura pas ce déclic - ou lui le sien - ils sont voués à l’échec et bon sang, personne n’a le temps de faire les mêmes erreurs à maintes reprises. Les échecs sont là pour apprendre, pas pour être réitérés. Mais en l’écoutant, je crois bien qu’elle est en train de réitérer. Mais avec une tangente qui ne lui appartient pas et c’est le pire. Ah. Que je souffle rapidement. Les femmes lui font tourner la tête autant que les hommes peuvent faire tourner la tienne ? Je n’ai rien à demander sur Jasper mais, pour sûr, je ne veux pas voir mon amie souffrir un fois encore. J’aimerais lui dire qu’elle est plus forte que ça, qu’elle mérite mieux que les miettes que ces putain de prétendants lui laissent. Est-ce que c’est comme ça qu’elle se voit ? Seulement capable d’avoir les fonds de casseroles, le riz qui a accroché à cette dernière ? Mais Taylor n’est pas un reste, un grain de riz laissé à sécher sur le plan de travail. Et je ne me gênerai pas pour lui dire si tout cela continue dans une direction qui ne lui convient pas. Son sourire, où est-il ? De retour lorsque je ne me gêne pas à la titiller un peu, la pousser et lui dire ses douces vérités. À ses mots, je dis Ça c’était juste une astuce de pervers pour que tu te balades nue devant lui ! Et je ne peux m’empêcher de glousser tout en croisant fortement les jambes pour être sûr que ma vessie ne me lâche pas sur le canapé de ma suite. Si tu ne sais plus, c’est que tu n’as rien dis ou pas à la personne que tu souhaites alors… Me voilà à ressembler à l’emoji shrugging, les bras levés et un léger mouvement d’épaules vers le haut. Si elle avait promis fidélité à celui qu’elle veut à ses côtés, elle s’en souviendrait. Et je ne peux pas la juger là-dessus. Elle ne le cherche pas volontairement son prince charmant mais je crois bien que son coeur, lui, ne se contente pas de ce que son cerveau veut. Je n’ai aucun doute que le jour où elle décidera réellement de ce qu’elle veut, tout se passera à merveilles mais là, c’est un peu comme si elle était dans le brouillard. T’as besoin de lumière pour t’y retrouver ? Que je demande rapidement, clairement prête à aller chercher un calepin et des stylos pour marquer le pour et le contre de ces prétendants qui n’en sont pas vraiment, quand je l’écoute. Mais je le vois bien, ce changement dans ses yeux quand elle parle de celui qui vit gracieusement dans les murs de Copley depuis quelques mois maintenant. Et ma proposition fonctionne aussi pour le nouveau sujet à aborder : sa mère. Ma main autour de la sienne, un sourire aux lèvres, je dis T’es médecin, tu saurais mettre au monde les jumeaux. Et j’en hausse les épaules, comme si c’était carrément une bonne idée. Jeremiah risquerait de me tuer... Parce que monsieur peut partir à l’autre bout du monde mais moi, il ne faudrait pas que je quitte Boston. Je sais, c’est de la jalousie très mal placée mais j’ai l’impression de me perdre depuis quelques semaines et je ne le vis peut-être pas aussi bien que j’aimerais. C’est pas si loin le Kentucky. Que je souffle en sortant mon cellulaire. Et face aux quatorze heures de route, je ne peux me retenir et éclate de rire. On avorte la mission, je ne survivrais pas si longtemps dans une voiture. Je ne peux m’empêcher de rire. La géographie américaine n’est pas mon fort et pourtant, j’ai grandi dans ce pays. Mais je crois tout simplement que les voyages en avion m’ont fait perdre de vue la réalité de la chose. Je nous voyais déjà comme Telma et Louise sur la route ! Mais on va peut-être attendre pour cela. Ceci dit, quand j’accouche, à trois heures d’avion, si on part tôt le matin, que j’ai réussi à bien pomper le lait pour les jumeaux, l’aller-retour dans la journée est faisable. Ce sera comme une longue journée de travail sans mes futurs amours.

« Alors continue ton chemin sans lui. » C’est tout ce qu’il me reste à faire de toutes les manières. Je ne le sais que trop bien, qu’il n’y a pas de retour en arrière. Et puis, depuis lui, il y a eu la vie, il y a eu celui que je viens de citer, Jasper. Qui a foutu un sacré bordel en mon intérieur. « Les femmes lui font tourner la tête autant que les hommes peuvent faire tourner la tienne ? » J’en ai un petit rire, incontrôlée, et je me permets même de le citer. « Apparemment y en a un bus tout entier. » Je ne sais pas ce qui m’a pris le jour où j’ai flanché. Comme s’il me fallait une excuse pour me justifier. Ne pas assumer le fait que j’en avais envie. Et que je n’ai pas contrôlé ce qui a suivi. Pour me retrouver à me morfondre ici. Il est pathétique, le côté sentimental de ma vie.

« Ça c’était juste une astuce de pervers pour que tu te balades nue devant lui ! » Et parce qu’elle glousse, je le fais aussi, l’espace d’une seconde, je nous vois comme deux gamines, depuis des années amies. « N’importe quoi ! » Mais je rigole encore car si c’était le cas ce serait aussi ridicule, que vicieux, et que fort. « Si tu ne sais plus, c’est que tu n’as rien dis ou pas à la personne que tu souhaites alors… » Le regard baissé, je n’ai rien dit car je ne sais pas ce que je dois faire pour me récupérer. Redevenir celle que j’étais avant de me paumer. « T’as besoin de lumière pour t’y retrouver ? » Si c’était si simple, bien sûr que je le ferais. « Tu te portes volontaire pour me guider ? » Elle qui est une femme accomplie, posée. Prête à enfanter.

Sa main toujours positionnée dans la mienne, j’exulte le fait qu’on ne peut pas y aller, d’ailleurs, je ne crois pas que je saurais y arriver. Chaque fois que je la vois, ça me rappelle tout ce que je crains pour moi. C’est la faute de sa démence, si je suis comme ça. Si je suis perdue. Si je ne sais pas. Même si je l’aime plus que je ne sais le dire, j’ai perdu mes deux parents ce jour là, et de ma vie, c’est le pire. « T’es médecin, tu saurais mettre au monde les jumeaux. » Oui, certes, mais étrangement, je ne suis pas tentée par l’idée. « Jeremiah risquerait de me tuer... » Aussi. Alors c’est bon, c’est acté. On arrête de délirer. « C’est pas si loin le Kentucky. » Je m’apprête à lui dire qu’elle ne réalise pas, mais puisqu’elle sort son téléphone, je sais que Google va le faire pour moi. Quelques secondes et … « On avorte la mission, je ne survivrais pas si longtemps dans une voiture. » Encore, j’éclate de rire. « Je nous voyais déjà comme Telma et Louise sur la route ! » L’idée me plaît, mais elle est à réaliser sans prendre le risque de voir deux passagers clandestins débarquer. « Une autre fois, on se le note sur nos agendas ! » Y en trop d'entrain dans ma voix quand je prononce ça, un piètre mensonge pour noyer cette idée n'est-ce pas ? Et puis... Agenda, le sien va être plus remplis que le mien durant les prochains mois. D’ailleurs, on a assez parler de Taylor, il est temps de passer à Ella. « Tu appréhendes ? » Leur arrivée. Avoir deux bébés.

@Ella Marriott-W.