T'es jeune, mais tu encaisses déjà tant. La vie fait pas d'cadeaux c'est clair, mais j'en rajoute une couche en plus. J'te fais galérer comme pas possible. J'ai soufflé toutes les tempêtes possibles sur ta bouille, mais t'es toujours là. Patiente. J'ai honte de t'embarquer là-dedans. Tu devrais être avec tes amis, à sortir; avec un copain, à t'amuser. Tu pourrais, avec une nourrice dans l'coin. Et j'suis un boulet supplémentaire que tu t'accroches au pied. C'est pas réglo pour toi. C'est pas correct, tu vois ? J't'ai aidée au début c'est vrai, mais maintenant ? Tout c'que je fais, c'est t'entraîner avec moi. Dans mes travers, mes états-d'âmes. " Tu t'rends pas compte de c'que tu fais. Mais moi, si. " c'est pour ça que j'suis tout seul Abso', c'est pour toutes ces raisons qui t'font galérer en c'moment même. Parce que j'suis pas vraiment disposé à m'ouvrir, parce que j'suis froid et insensible. Mais t'es là, contre toute attente. Bien réelle. Complicité affirmée au fil du temps, les rapprochements sont là bien qu'encore hésitants. Un baiser sur la joue et te voilà repartie, écroulée sur le matelas qu'attends clairement qu'ça. Ta question m'ramène dans le présent, et m'tire en même temps dans c'passé que j'aimerais parfois nexter. J'imagine que ça faisait pas partie d'tes plans quand on est entrés dans la chambre, que d'savoir comment elle était. Mais j'suis disposé à en parler. Alors j'me relève et me dirige vers le placard, ouvert avec précaution. Il y a un carton dedans, de taille assez conséquente, avec "Tanwen" marqué au feutre noir dessus. C'est comme une boîte à souvenirs, et c'est c'que je viens poser sur le lit, entre nous. Une belle rousse aux cheveux bouclés, sourire éclatant et opales plus claires que les miennes. Un visage qui inspire naturellement la confiance, et l'énergie positive; le soleil incarné en femme, des rayons qui n'ont cessé d'me réchauffer. On remarque facilement sur le portrait qu'j'ai choisi, à quel point elle était forte et tendre tout à la fois, une femme de caractère, droite dans ces bottes mais toujours douce. Notre première image commune, à l'académie des pompiers; la vingtaine à tout casser, jeunes et insouciants même si Tan' était toujours plus raisonnable que moi. Notre mariage ensuite, ce bonheur infini; le oui formulé au milieu des champs, dans notre nature d'origine. Une étoile parmi les étoiles; elle rendait simplement le monde meilleur. Une photo avec Jared alors qu'on venait d'sortir de la maternité; maman crevée mais surtout comblée, en témoigne son sourire éternel. Et une larme s'invite, rebelle, dévale ma joue alors que j'tente de toutes mes forces de rester fier. " C'est elle, qui aurait dû rester. C'est elle, qui devrait être là. La faucheuse s'est plantée d'cible. " et j'coince mes phalanges contre mes yeux, j'retiens l'effondrement total, parce que j'peux pas m'le permettre. " J'ai trouvé son corps dans les décombres. Brûlée, calcinée. Elle était là et j'ai rien fait. " le film repasse; l'explosion, les flammes par les fenêtres et j'savais qu'elle était dedans. " J'vais trouver le coupable, et.. " tu connais la suite, tu peux la lire dans mes yeux. C'est plus d'la colère, c'est la haine à l'état pur. Voilà le véritable Dwayne; j'ai rien d'un ange, j'ai rien d'une belle personne. J'suis là pour envoyer un mec en enfer, et pour brûler mon âme par la même occas'. J'suis là pour une vengeance, et t'as pas idée de c'que je serais capable de faire, pour arriver à mes fins. Tu voulais m'connaitre ? Me voilà. J'suis pas beau à voir. Tanwen était l'ange, j'suis son contraire; le démon.  

Une boite s’invite entre nous. À genoux, je me rapproche de toi et m’assois en tailleur pour découvrir des morceaux du passé. Les yeux décryptent le prénom sur le couvercle : Tanwen. Rare. Unique. Un bijou de femme. Une maman radieuse. Je m’attendais à recevoir des souvenirs marquants et heureux, mais ce n’est que de l’aigreur qui émane de toi. De la colère. De la culpabilité. Une rage puissante contre l’homme qui lui a ôté la vie. La tension est palpable. Ma main qui agrippe ton épaule, je la masse, incapable de pouvoir te secourir. Rien ne soulagera ta douleur immense. Je n’en ai même pas la prétention, j’sais que c’est peine perdue. Elle était la bonne, le reste ne sera que fade. « Je suis désolée, je ferais tout ce que je peux pour t’aider à le retrouver » Je reprendrais le dossier à zéro, je fouillerais encore et encore. Tant que j’aurais une place à tes côtés, je le poursuivrais. Merde, j’étouffe dans cette pièce. Je me sens de trop, occupant une place qui n’est pas mienne. J’me suis un peu emballée. J’enclenche doucement la marche arrière. Je retire ma main et sors de ton lit. Je n’ai rien à foutre ici, je suis un imposteur au féminin. « Je te prendrais bien un oreiller et une couverture, le canapé m’appelle » J’aimerais continuer à ramener Tanwen parmi nous, mais j’ai l’impression que cela te fait plus de mal que de bien. Abso la reine des mauvaises idées. Baskets retirées, j’ouvre le placard et sautille pour tenter d’atteindre la couette. « Bon, il me faudrait une échelle » Incapable de m’équiper de la précieuse, je reviens à toi et te dérobe la photo entre tes doigts. « Ok, aucune femme n’arrivera à sa cheville. Elle était magnifique, je me demande comment elle a fait pour tomber amoureuse de toi, elle avait peut-être besoin de lunettes, veinard » Je m’esclaffe, cherchant à éloigner l’ambiance pesante qui s’est installée. À défaut de pouvoir enlever ton chagrin, j’peux toujours tenter d’rajouter un peu d’humour. Ça passe ou ça casse. « Tu crois qu’elle m’aurait bien aimé si je matais pas ton cul des fois ? »

Tanwen a emporté la meilleure partie d'moi dans sa chute, c'est une réalité. Jusqu'à présent, j'ai jamais cherché à retrouver c'morceau perdu d'ma personnalité, un fragment d'âme particulier. Enfin, jusqu'à toi. La jeune Absolem et ces manières. J'comprends pas comment, encore moins pourquoi, mais j'vibre vraiment à ton côté. C'est pas parfait, mais j'reste indulgent puisque j'estime repartir du point de départ. A ton rythme, tu parviens à écarter les pans d'l'armure. A m'révéler, comme j'suis vraiment. Torturé pour sur, violent et ténébreux, mais pas aussi insensible que j'le prétends. Surtout pas avec toi. Je sais qu'tout a l'air encore plus noir, lorsque j'évoque ma vengeance, mon envie d'meurtre et tout c'bordel qui gonfle dans ma tête, mais vois-y surtout la preuve d'ma confiance. J'me confie, et j'ouvre une boîte à souvenirs fermée depuis deux ans. J'te cache même pas mon intention finale. " Reste en dehors de ça. J'ai conscience qu'tu veux aider, mais.. J'veux te protéger, avant toute autre chose. " tu comprends pas. J'peux pas accepter de perdre un autre proche. Pas toi, alors qu'tu prends une place importante juste là, sous le sternum. J'refuse simplement d'impliquer trop d'monde dans cette affaire. Et t'en sais déjà suffisamment pour que je m'inquiète. Absolem la tempête, bon retour parmi nous. Tu tiens pas en place, c'est juste hallucinant. Et j'pousse un soupir, à comprendre qu'tu cherches à reprendre la distance. Que l'instant confession s'retourne contre moi, puisque tu n'vois en Tan' qu'une femme indétrônable. Et moi, j'te demande pas de la remplacer. " Absolem, ça suffit. " et je t'appelle jamais par ton prénom, en dehors du taff. A mon tour, j'me relève et reprend la photo, avant d'la remettre dans l'carton. C'est du passé. Mon attention s'reporte sur toi, et j'sais que j'ai merdé. Encore. Dans l'approche, la façon, les réactions; bref, c'est pas encore ça. " J'te demande pas d'être sa copie. J'te demande pas d'être comme elle, ou de prendre sa place. Arrête ça. " et n'pars pas en courant cette fois. Ma main glisse contre la tienne et je t'invite contre mon torse. " Sois toi-même, rien d'plus. " ai-je murmuré avant d'embrasser ta chevelure blonde. Le carton va retrouver la place sur l'étagère, et j'crois qu'il est temps qu'on s'mette au lit. " Est-ce que l'canapé t'appelle encore ? " ou est-ce que tu veux tenter d'dormir près de moi ?

Je resterai en dehors de cette histoire de pyromane aussi longtemps que je le pourrais. Bien entendu, ça me démangera de mettre mon nez dans cette affaire, mais j’essaierai de respecter ta volonté. Dispersée comme à mon habitude, entre la gêne et l’excitation, je bouge aux quatre coins de la pièce et finis par revenir vers toi. Le sermon tombe. Mon coeur vibre de douleur. Le ton que tu as employé m’a intérieurement fait vaciller vers la montée des larmes. Absolem dans ta bouche, c’est pire que n’importe quelle insulte. Je suis presque pétrifiée un instant avant que tu ne ramènes un peu de tendresse dans la scène. La mise à jour effectuée, je plaque mon oreille contre ta poitrine et me réfugie dans le silence. J’me sens épuisée. J’ai trop bougé. Je veux plus lutter, aussi bien contre cette femme que contre la fatigue. Je baisse les armes. Plus de résistance. Les muscles se détendent au rythme de ta respiration « Le lit m’appelle, si ma présence t’incommode, le canapé est là » Je relève mon minois vers le tien et déploie mon sourire narquois. Je suis de retour pour te jouer un mauvais tour. Absolem n’est jamais partie à la conquête d’une autre. Je me sentais juste en .. compétition. J’abandonne, promis. Petites mèches balayées derrière ton oreille, j’embrasse ta tempe et resserre l’étreinte autour de toi. J’ai pas envie de me séparer, mais il va falloir pour mieux se retrouver. Enfin, ce choix t’appartient. Je ne fuirais pas cette fois, j’affronterais ce que je convoite timidement. Alors je te laisse avec ce fantôme du passé, je te laisse le temps qu’il faudra. Pour le moment, j’retire ce jean trop petit depuis que le grignotage s’est invité dans ma vie. Le haut saute dans la foulée et le tee-shirt trop grand qui sent ta lessive vient se déposer le long de mes formes. « Je suis éclatée » Bien que chamboulée par tes propos, je me glisse sous la couette et pousse un soupir de soulagement. « Bonne nuit Dway-ne Rash-ford » En réponse au Absolem de toute à l’heure, il est passé de travers tu vois, mais il ne m’empêchera pas de ronfler, parce que je sais qu’il n’a pas été prononcé contre moi, mais pour moi. Les paupières lourdes, seul dans ton coin, je déraille déjà vers le pays des songes. Me suivras-tu ?

C'est un combat quotidien, que d'retrouver la foi et l'envie d'avancer. Tu l'sais aussi bien, un deuil ne s'fait pas en trois jours. C'est long, périlleux et mouvementé. Parfois, comme souvent avec moi, c'est un pas en avant pour trois en arrière. Et on doit faire avec, pas l'choix. Mais quelque part, depuis qu't'es entrée dans ma vie, les choses ont tendance à bouger. Changer. J'commence à m'ouvrir, à reprendre goût, à retrouver les saveurs. T'y es pour beaucoup. Mais j'peux juste pas t'laisser continuer c'délire incensé, chercher à atteindre ou remplacer une femme qui restera malgré tout présente dans mon coeur. Tanwen a une place que personne n'saurait effacer. J'dois juste trouver l'moyen d'ouvrir c'te partie d'moi, ranger l'bordel du palpitant et t'offrir la chance d'y accéder. " Alors va pour le lit. " miss change d'avis aussi vite qu'elle enfile son pyjama. J'ai jamais été insensible à ces p'tits détails, des gestes anodins pour d'autres et importants à mes yeux; j'suis même prêt à parier que toi, tu l'as remarqué. Te voilà d'nouveau en tenue cosmonaute, prête à rejoindre Morphée. Eclatée et pourtant pleine d'énergie. Tu sautes toujours partout, même avant de t'mettre au lit. Et tu soupires, comme toujours. Tu l'fais quand t'es mécontente, frustrée aussi. Mais là, t'es juste bien. Sans oublier ton entêtement, ta passion chieuse d'service. J'ai appris à l'apprécier, t'inquiètes. " Silence Altman. " notre répondant commun m'fait marrer. La soirée a été riche en émotions, et on mérite un brin d'repos. Le carton retrouve sa place dans l'placard, et j'doute qu'il en ressorte de sitôt. J'hésite une seconde avec le canap', avant d'm'autoriser à te rejoindre sous la couette. De mon côté, évidemment. Une tape sur l'interrupteur et nous voilà dans l'noir complet. Bonne nuit, j'imagine ?

Vieille habitude de princesse. Le canapé est boudé en faveur de ton lit. Matelas confortable, ni trop ferme, ni trop moelleux. Le pyjama enfilé, je ne tarde pas à me glisser dans la fraîcheur de tes draps, le corps endolori par le marathon de la journée et de la soirée. Les poumons se vident et se remplissent longuement. Les paupières qui clignent, je capte tes mouvements autour du pieu jusqu’à ce que la lumière soit chassée. Obscurité totale, tu me rejoins au chaud et je reste étendue de mon côté, n’osant pas empiéter dans ta zone. « Personne ne me dit de me taire, mais je vais le faire parce que je suis cassée » Menton haut, même dans le noir, je pousse un petit son de fierté et roule sur le côté pour me blottir contre toi. Le bras qui t’encercle, je me colle autant que je peux et le rythme cardiaque ralentit. Je crains le rapprochement. Il s’est passé beaucoup trop de choses ce soir. Il y a eu Tanwen. Elle a posé involontairement un mur entre toi et moi. Je ne dis pas qu’il ne finira pas par s’effriter et tomber totalement, mais pour l’instant, je ne me vois pas aller plus loin que cette étreinte chargée de douceur et d’affection. Le nez qui se frotte contre ton torse, je ronronne et finis par ne plus bouger. « Bonne nuit, réveille-moi si tu fais un cauchemar » Est-ce que je te maternerai pas un peu ? Depuis quand j’inverse les rôles comme ça ? Depuis quand je suis aussi sage et mesurée ? Arlo m’a refilé un sacré coup d’vieux et de maturité. « Mon corps est tien, on verra si cela le sera toujours demain » Dernière sourire et je cède à la fatigue écrasante, mon souffle ralentissant et mes pensées s’agitant jusqu’à s’éteindre au profit des rêves. « Dors bien »