C'est étrange maintenant. J'ai l'sentiment d'être coincé entre deux époques, entre deux âmes différentes. Le seul point commun entre vous, c'est l'naturel qui guide nos pas. Avec Tanwen, tout s'est fait dans la durée; on était des rivaux avant de devenir amants, avant même d'comprendre qu'on était bien plus que ça. Deux contraires rassemblés en une parfaite entité, un coup du sort; faut dire qu'j'étais loin de la mériter. Avec toi Abso', tout est bouleversé. T'arrives après les flammes, mais pendant la guerre. L'étincelle me pousse vers toi, et j'fais rien pour l'en empêcher; j'me laisse porter, voilà tout. Je cherche pas une remplaçante, à vrai dire j'cherche rien du tout; mais j'veux pas non plus que t'en viennes à t'remettre en question, t'es différente sans doute, mais tu vaux pas moins pour autant. " En temps voulu. Quand tu seras prête. " et crois moi, tu l'es pas. Pas encore. D'abord, tu dois apprendre à t'faire confiance. T'es pas Tanwen, et j'te demande pas de l'être. J'te demande pas d'être mieux, ou équivalente. Tout c'que je souhaite, c'est voir Absolem Altman, telle que t'es vraiment. Toi, avec tes blessures et tout l'reste. Les casseroles, les fantômes derrière toi. J'accepte avec plaisir ce p'tit baiser supplémentaire, conscient qu'les gosses peuvent nous observer, et - visiblement - du même avis qu'toi sur la question; comment gérer la chose avec eux ? J'suis pas partisant des mensonges, alors j'crois qu'un jour, si nécessaire, faudra leur dire. Mais pour l'heure, j'veux surtout pas perturber leurs p'tits esprits déjà tourmentés. Ils sont mignons ensembles, et c'est ce point précis que j'veux préserver. Mon rouquin aux yeux clairs finit par s'écraser contre mes jambes, et j'le prends dans mes bras, te laissant l'soin de gérer avec Arlo. Il est déjà tard pour Jared, et j'sens qu'il va piquer du nez. Enfin j'dis ça, mais on entend le fameux compte à rebours. " Cinq.. Six.. " il compte dans l'mauvais sens mais l'intention y est, et j'demande pas plus. J'finis par m'asseoir à ton côté, glissant en regard en coin à ton intention, liant mes phalanges aux tiennes, comme un signe pour la nouvelle année. " Deux ! Un " et boum, les applaudissements. Le son des pétards tirés dans l'ciel. Jared me fascine; main levée vers les étoiles, il désigne les explosions en criant " rouge ! bleu ! " et l'espace d'une seconde, j'en oublie l'reste. C'est sa bouille qui m'fait rêver, ces étoiles colorées déposées contre ces opales. J'glisse un baiser dans sa chevelure, comme Ludo me l'a demandé, avant d'me tourner vers vous. " Nouveau chapitre. " à nous d'écrire la suite, d'faire au mieux pour l'avenir. Ensembles.  

Quand je serais prête ? Incompréhension qui se lit sur ma frimousse de teigne. Pourquoi je ne serais pas prête à connaître son histoire, enfin, votre histoire … ? La soirée étant toute particulière, je ne relève pas et acquiesce, dissimulant ma déception. Doux baiser déposé sur le bout de tes lèvres, la tornade Jared déboule et le compte à rebours tant attendu démarre. Poignée de chiffres débités, je lève le nez vers le ciel obscur, me préparant au spectacle de lumières. Avant cela, je récupère mon téléphone avant la première explosion, Arlo soupire et m’imite ensuite, prunelles liées à l’univers. La chaleur humaine se diffuse et fait fondre les glaciers. Larmes de bonheur qui s’écoulent, je souris simultanément tout en captant ton regard. « Que tes voeux se réalisent » Les pupilles se re-connectent au feu d’artifice. C’est grandiose, éblouissant, bruyant. Les sens sont gâtés. Les enfants sont hypnotisés par la danse des étincelles. Mon coeur est gavé d’amour. J’absorbe autant que possible, avant qu’une quelconque mauvaise nouvelle ne vienne entacher tout ça. Les « wouah » sont nombreux. Un bébé pleure au loin, apeuré par le tonnerre de cette attraction. Boum, boum, ça tonne fort et éclaire les faces pâles, celles de l’hiver. Je me sens à ma place, trop à ma place. Alors je lâche ta main pour pincer l’autre. Rien ne se produit, aucun réveil. Tout ceci est réalité. Explosion monumentale vers la fin, trois coups viennent clôturer le show. Joignant mes applaudissements aux autres, l’excitation retombe peu à peu. Les familles se pressent de quitter le parc, les amoureux traînent. Et il y a nous. « C’était super, pas vrai les enfants ? » Jared qui fait oui de la tête, Arlo lâche un pauvre « ouais » dépité. Sept ans et déjà en pré-adolescence, la poisse que j’ai. « J’peux vous offrir un peu de sucre avant d’aller au lit ? » J’ai aperçu un petit stand de gourmandises près de l’entrée. Je sais que c’est pas conseillé pour les mioches, surtout avant le coucher, mais les règles sont souvent faites pour être brisées. Surtout en ce nouveau jour. « Gaufre, crêpe, barbe à papa ? » La tentation personnifiée, je ne te pose même pas la question, parce que ton addiction, elle n’est pas au sucre, mais à la nicotine. « À moins que tu préfères manger la barbe de ton papa Jared ? Moi j’dis beeeerk » Je ris, chatouillant ton petit revigoré par le feu d’artifices et les acclamations du public. « C’est comme tu veux, si tu as sommeil on rentre, n’est-ce pas Mr Ours ? » Que je t’adresse après un furtif coup d’coude.

Les feux d'artifice ne sont pas ma tasse de thé, en règle générale. Pas qu'ce soit moche, bien au contraire; juste le son, ce "boum" qui m'ramène sans cesse à une expérience douloureuse. Au même titre qu'un soldat pourrait y voir l'explosion d'un obus, j'y vois l'implosion d'une maison. Et tout c'qui en a suivi. J'vous laisse le soin d'admirer le spectacle, profitant du retrait d'ta main pour crisper mes muscles, fermer les poings. J'me raccroche à Jared, à sa bouille parfaite; opales en reflet du spectacle des lumières. J'tente d'ignorer le reste, de faire l'vide dans ma tête. Mais chaque explosion m'fait sursauter intérieurement. Avec l'intervention de l'autre jour et mon passage par la fenêtre, c'est décuplé. J'prie pour que le massacre s'arrête rapidement. Et j'réalise que j'avais oublié, à quel point ces intants de fête me font mal. Mon regard croise le tien, ton émotion positive distillée en cristaux salés. " Que le bonheur vienne toquer à ta porte. " j'vois pas c'que je pourrais te souhaiter d'autre. La fin est l'pire moment, ou l'meilleur si on en croit les gosses, regards rivés au ciel. C'est coloré, lumineux; plutôt bien pensé au niveau du jeu des couleurs. Et ça s'arrête, enfin. J'pousse un profond soupir, autorise enfin mes muscles à s'détendre. Jared est ravi et il te l'fait savoir sans plus attendre. Arlo est plus réservé, on dirait moi à l'instant présent; pas vraiment la réaction que t'attendais à c'que je peux imaginer. Le feu d'artifice t'as fait du bien et j'veux surtout pas briser cet élan de joie, parce que t'en as besoin, encore plus que moi. " barbe à papa ! " s'exclame le p'tit, sans avoir pigé la blague. Heureusement qu'il pige pas tout c'qu'on dit, dans un sens. " On peut faire exception pour ce soir, va pour une touche de sucre. " ça fera plaisir aux gosses, et qu'est-ce qu'on ferait pas pour eux ? Jared est désormais réveillé, gonflé à bloc par cette promesse de sucre rosé. " Et tu vas dire.. " " merci ? S'il te plait ! " l'intention y est, c'est c'que je retiens d'sa réponse. " Suivez Ministorm, elle ouvre la voie. " dis-je en me levant, regardant Jared te secouer pour t'inviter à te dépêcher. Entre nous, j'sais pas qui des enfants ou des adultes sont les plus en forme ce soir.  

Le compte à rebours s’est terminé. Le feu d’artifice à allumer le ciel et puis tout est retombé. Nous avons tous franchi la ligne vers la nouvelle année et rien n’a changé. Mes parents dorment toujours six pieds sous terre ainsi que ta femme. Nos êtres chers ne reviendront pas. Nos blessures ne disparaîtront pas. Tout ceci n’est que de la poudre aux yeux. Une invention humaine pour nous donner un peu plus d’espoir en l’avenir. J’préfère pas me projeter, ce serait inutile. J’connais le destin, c’est un bâtard avec moi. Il me fait miroiter de belles choses et me le reprend aussitôt. C’est pour cela que je crains le pire avec toi. J’ai peur de la grande faucheuse. Elle m’aime un peu trop. Le noir, encore le noir. J’en ai ras le cul de me déplacer avec un nuage gris au-dessus de la tête. Alors je chasse tout ça en revenant dans le présent. Il y a deux petits bouts qui n’ont rien demandé. Ils méritent tout le bonheur du monde. Le sucre est d’ailleurs un excellent allié pour les attendrir. Mais je n’oserais jamais imposer mes idées à ton fils. Si tu décides que la fête se termine ici, je ne t’en voudrai guère. Rendons-nous juste compte que c’est maintenant qu’ils se créent leurs meilleurs souvenirs, dans quelques années, ce sera trop tard. Ne soyons donc pas rabat-joie. Profitons de la vie et de ce qu’elle a à nous offrir. Nouveau surnom dégainé, je plante mes dents dans ma lippe inférieure et te tords un téton avant d’emboîter le pas. « Que d’insolence ! » Arlo qui traîne des pieds, je tiens la petite main de Jared dans la mienne et c’est une putain de vague maternelle qui m’envahit. Il n’a plus sa mère, le sait-il ? A-t-il saisi que celle qui l’aimait le plus au monde a dû le quitter ? L’émotion gagne du terrain, mais je la freine automatiquement. C’est pas le moment. Marchant au rythme de ta progéniture, je me sens peu à peu comme un imposteur dans votre vie. Je ne mérite pas tout ça. Je n’ai surtout pas les épaules pour soutenir une histoire pareille. C’est alors le coeur tiraillé que j’ai osé laisser s’échapper quelques mots longtemps emprisonnés « Tu es very sexy papa grincheux, mais un peu fatigué, je me trompe ? » La halte au marchand de sucreries sera brève, je ne désire pas t’épuiser pour le lendemain, parce que ça ne m’étonnerait même pas que tu sois d’astreinte. D'ailleurs, vérifions. « Tu bosses demain ? Je me disais que .. non rien laisse tomber » C’était idiot de ma part de croire que je pourrais remplacer de bonnes heures de sommeil.

C'est vrai, j'ai pas la tête à ça. Honnêtement, j'ai pas la tête à quoi qu'ce soit. Si ce n'est l'travail, mon éternelle occupation. En c'te soirée particulière, j'pense évidemment à ma femme, à tes parents et aux miens; à mon père qui doit être ravi d'me voir galérer et aux vies qu'j'ai pas été fichu de sauver. C'est arrivé quelques jours plus tôt, tu l'sais; et ces démons là sont les plus coriaces. J'revois le corps du gamin, quasiment posé entre mes bras avant que j'choisisse d'me jeter par la fenêtre. J'revois les flammes, et j'ressens encore ce sentiment; l'impuissance mêlée à l'échec. C'est un tout, une autre accumulation les détonations successives ne m'ont pas permis d'échapper à cette réalité. Tu sais, c'est l'gros du travail; le pompier rentre, garde les apparences intactes alors qu'à l'intérieur, c'est l'bordel. J'suis une épave qui tend péniblement la main à la surface. Pourtant, j'ai aucune idée d'la façon avec laquelle j'vais m'en sortir. Peut-être que dans cette partie, il n'y aura aucun gagnant; peut-être que l'gentil et le méchant finiront tous les deux morts à l'arrivée. " L'hôpital qui s'moque d'la charité ! " t'es la figure même de l'insolence, qu'on soit honnêtes. Arlo semble pas vraiment enjoué et je m'empresse d'lui prendre la main, l'incitant à garder la tête haute malgré tout. J'suis pas un exemple mais j'vous laisserai pas tomber. Ebauche d'un sourire glissée sur mes lèvres, lorsque je t'observe avec Jared; l'image est belle, plus sympa à regarder que n'importe quel feu d'artifice qui puisse exister. Et j'me demande une seconde.. Qu'est-ce qu'un papa comme moi pourrait t'apporter ? Ta place est auprès d'un jeune, qui saura te donner un enfant, une vie d'famille décente. J'sais pas, on forme un drôle de duo quand même. J'sors de mes pensées à tes mots, clairement surpris par ton choix d'vocabulaire, même si t'as pas tort pour la partie fatigue. " Sans doute. " retour des bonnes vieilles habitudes, la parole reste brève. Oui, j'suis crevé. Et j'ai conscience de plomber l'ambiance, même si c'est pas mon objectif. J'ai encore énormément à faire, la vie est une partie qui n's'arrête jamais. " Demain soir, oui. Tu te disais.....? " regard appuyé cette fois, j'veux connaitre cette fin de phrase, l'fond de ta pensée. A quoi penses-tu, jeune Altman ?  

Dwayne est éteint. Le feu d’artifices n’a mis aucune étoiles dans tes prunelles glaciales. La petite main de Jared dans la mienne, je ralentis le rythme pour être à ton niveau et discuter avec un bloc de marbre. Tu as pris l’habitude, je ne passe plus par quatre chemin avec toi, je fonce droit au but. Ma joie d’un avenir commun retombe aussitôt comme un soufflé. Je n’ai probablement pas la force pour te tirer des ténèbres. Tu es bien silencieux ce soir, quoique je fasse. Je traîne un putain d’iceberg et malgré mes rayons ardents, tu ne fonds pas. Mes efforts sont vains et je commence à penser qu’il faudrait probablement s’arrêter au chapitre forain et gourmandises. « Je pensais passer la fin de soirée avec toi, à prendre soin de toi » N’y vois pas spécialement de sous-entendus, il n’y en a pas. Je désirais juste opérer un rapprochement, te recouvrir de tendresse et te guider vers les bras de Morphée. Seulement, je crois que j’ai choisi le mauvais moment. Tu es absent, dans un monde parallèle, probablement avec ta femme. Je ne pourrais que comprendre, cette transition vers une nouvelle année peut aussi être un grand moment de nostalgie. Les épaules qui se haussent, je continue de piétiner au rythme de ton fils et au loin apparaît enfin le stand qui enchante les papilles. Jared fait de petits bonds et m’arrache un sourire. Entourée de tous ces enfants, mon désir de maternité ne cesse de grandir et forcément, j’imagine que pour toi, tout ceci est terminé. Demeurant difficilement impassible, je laisse ton petit bout terminer les derniers mètres pour aller s’émerveiller devant les vitrines du marchand. « Je ne voudrais pas m’imposer, surtout avec Arlo, c’était une mauvaise idée, oublie » Je suis affreusement gênée d’avoir pu rêver l’espace de quelques secondes. Effaçons et reprenons comme si de rien n’était, c’est mieux. Le portefeuille extirpé du sac, je regroupe nos garçons devant moi et retransmets leur souhait au monsieur sur élevé. « Tu as une petite faim ou l’estomac noué ? » J’sens bien que tu es à moitié parmi nous, je sais pas quoi faire pour changer ça, je dois peut-être juste subir et espérer que tu iras mieux demain. « Je vais prendre une crêpe nutella s’il vous plait » Parce que je suis en vie et j’remercie le Seigneur pour ça. Sur ce coup-là, je choisis le péché, avec ou sans toi, mais j’aimerais vraiment que t’en fasses partie. Sors de ta tête un peu, reviens avec nous.

Un ensemble de pièces détachées, un truc en mauvais état, voilà à quoi j'ressemble maintenant. J'étais pourtant d'bonne humeur, mais le feu a tout annihilé. J'me déteste à être aussi froid, distant, cassé de l'intérieur au point d'pas savoir rebondir, alors que bon sang, t'es merveilleuse. Encore maintenant, j'm'attendais certainement pas à cette proposition. Que j'devine dénuée de sous-entendus, t'es pas de c'style là avec moi. Comment tu peux vouloir rester avec un type pareil ? T'es attirée par l'froid polaire ? Tu sais, c'est pas pour rien qu'les gens finissent tous par s'écarter d'mon chemin; ça donne pas envie, un gars comme moi. J'abats les rayons lumineux et j'les remplace par des ténèbres. J'détruis pratiquement tout c'que je touche. Même Ludo s'est éloignée, pour pas sombrer. Ca viendra aussi avec toi Absolem, c'est qu'une question d'temps. Enfin, c'est c'que je pense, même lorsque tes intentions sont au delà d'mes meilleures attentes. J'réponds pas de suite, prenant sans doute l'temps d'y réfléchir un peu plus. Comme si la décision était capitale. Ou parce que j'adore te voir main dans la main avec Jared. Il t'apprécie énormément, ça s'voit au premier coup d'oeil. Et j'imagine sans mal qu'un jour, toi aussi tu voudras connaitre ce sentiment. Devenir parent. Ce bonheur qu'on qualifie pas vraiment. " Au contraire, c'est une bonne idée. Jared partagera sa chambre. " et j'suppose que je te laisserais la chambre, comme d'habitude. A moins que j'sois encore à côté d'la plaque ? Une nouvelle clope portée aux lèvres, j'me sens sacrément con quand tu poses la question. " Nicotine. " et tu vas m'détester pour ça. J'regarde la fumée former ce p'tit nuage blanc avant de disparaître dans l'ciel, et j'me rends compte de c'te négativité que j'dégage en permanence. Merde. Un effort pour toi, j'crois que c'est faisable. Le bâton échappe à mes lèvres et j'le piétine du talon, avant d'me recentrer sur vous, les trois mignons du soir. " Gaufre nutella, please. " vois ça comme un p'tit signe, à mon échelle. Un sourire que je t'adresse, comme pour dire "merci d'être patiente" parce que j'suis compliqué à vivre. " merci Absolem " père et fils synchronisés, on saluera la p'tite voix du bonhomme. Allez, j'ai encore moyen d'rattraper la soirée, non ?  

Je crée l’invitation, hésitante, craignant le râteau. C’est une soirée particulière et j’ai remarqué que de vieux démons tourmentaient ton esprit. C’est surtout pour cette raison que j’ai osé m’incruster. J’aimerais avoir le pouvoir de guérir tes plaies, mais c’est peine perdue, je le sais, quelque part, au fond de ma conscience. « Ton fils est exceptionnel » Il a le coeur sur la main, comme toi, le grand bourru. Enfin téléportés devant le marchand, j’commande pour les enfants et lorsque je me retourne, je t’aperçois avec la clope au bec. Soupir de déception, regard appuyé et tu nous suis dans notre délire gourmand. Le visage s’illumine, doté d’un sourire éclatant. Tous les souhaits déposés, j’accueille votre merci et salue intérieurement ton effort pour m’faire plaisir. Je distribue ensuite les snacks et nous les dégustons sur le chemin du retour, plus précisément sur le chemin de ton appartement, celui qui m’a recueilli lorsque j’étais sans abri. Les papilles aux anges, nous terminons tous chez Jared et toi. Arlo fatigue et m’le fait savoir. J’te laisse t’occuper des garçons et rôde dans le salon, la nervosité grimpant en flèche jusqu’à ce que tu reviennes vers moi, le rituel du coucher terminé. Seuls, dans la nuit, le coeur cogne et transpercerait presque ma poitrine. Pas après pas, dans une lenteur féline, je nous rapproche et pose mes mains sur ton torse, le regard branché au tien. « Est-ce que mon geste est déplacé capitaine ? » La lueur perverse brille dans mes prunelles. Les paumes glissent vers le nord et s’imbriquent de chaque côté de ton visage. Ce dernier emprisonné, mes pouces effleurent tes pommettes tandis que le corps s’élève sur la pointe de mes pieds. Les lèvres s’approchent et s’appuient sur les tiennes. Le feu que tu combats m’dévore. « De quoi aurais-tu envie ? D’une cigarette ou d’une poupée ? » Les chevilles enflent, t’en fais pas pour ça. Mille et une idée se fracassent au bout de ma langue, mais aucune ne sort. J’avance tout doucement, avec la peur au ventre, peur que tout ce que l’on a bâti ne s’écroule et parte en poussière. Notre amitié est précieuse, je voudrais pas m’en séparer à cause de l’amour que je ne peux plus réprimer. Les sentiments naissent. J’ai beau me bagarrer avec eux, ils persistent. « Tu me rappelles le chemin de ta chambre ? » Totale innocence, ou pas.

J'évolue sur courant alternatif, et c'est sans doute complexe pour toi d'me suivre. Un coup blanc, un coup noir. Souvent noir en fait. Sauf que tu multiplies les efforts et que j'peux juste pas rester froid comme l'marbre. J'ai envie d'lâcher prise, de laisser aller. On m'a déjà conseillé d'le faire. Mais en bon capitaine, ce principe m'fait surtout grincer des dents. T'es jeune Absolem, et j'suis encore persuadé de n'avoir rien à t'offrir, si ce n'est quelques poèmes, des conseils parfois avisés et une forme de tendresse. On fonçe dans une impasse, en partie à cause d'la différence d'âge. T'auras bientôt des objectifs, hors d'ma portée. Et c'est avec ces idées en tête qu'on retourne à l'appart'. La gaufre justifie l'absence de conversation, et j'dois dire que l'plaisir du sucre est l'meilleur pêché qui soit. Les deux p'tits sont crevés, et après un lavage rapide des dents, j'les mène jusqu'à la demeure de Morphée. J'apprécie vraiment d'pouvoir les border, l'un et l'autre. Cinq minutes du p'tit Prince dans une chambre décorée par nos soins, et les gamins s'endorment. Paisibles. La veilleuse allumée, j'ressors doucement et te rejoins au salon. Absolem la surprenante fait son retour. J'imaginais qu'tu voudrais discuter, mais les intentions sont toutes autres. " Sans doute. " parce que j'connais ce regard, et l'envie qu'il traduit. Paupières closes lorsque tu t'élèves à hauteur d'mes lèvres, souffle suspendu au tien lorsque les jumelles se rejoignent. J'ai compris c'que tu veux, il serait difficile d'envoyer des signaux plus clairs que ceux-là. Mes phalanges rejoignent les tiennes et j'te fais signe, un mouvement d'tête pour dire "par là", quand bien même tu connais cet appart' aussi bien qu'ton chez toi. En silence pour pas réveiller les gosses, j'pousse la porte et retrouve cet espace qui est mien, tien accessoirement quand t'es d'passage dans l'coin. Le t-shirt termine dans la panière juste à côté, et vois comme j'suis rouillé, avec mes bleus et mes plaies. Le feu laisse des traces sur le corps, l'expérience aussi. " Installe toi, tu connais déjà le lit. " pour y avoir dormi, pour y avoir foutu l'bordel, aussi. Mes affaires préparées pour le lendemain, j'me décide enfin à m'asseoir sur le rebord du matelas; la garde du jour m'a flingué et les tensions nerveuses s'apaisent, mon corps en paie le prix. " Merci pour la soirée Abso.. Merci pour tout c'que tu fais. " tu t'donnes du mal et j'ai remarqué, alors j'le souligne. T'es une personne exceptionnelle et j'ai d'la chance de t'avoir près d'moi, surtout que j'te rends rarement la pareille. T'as sûrement pas hérité d'la bonne antiquité, qu'on soit honnête.  

J’me courbe au gré de tes bourrasques. J’essaie de décrypter tes réactions, sans jamais obtenir la vérité. Parfois, j’aimerais me connecter au flux de tes pensées et connaître l’origine de tes maux. Ce soir, j’improvise. Je retiens ma respiration et cri intérieurement. Véritables montagnes russes. Tu me fais vivre un doux calvaire et je l’accepte. Je fuis pas, bien au contraire. J’établis mon camp et m’installe sur ton lit. Jambes croisées, adossée à la tête de lit, le regard ambré te détaille. Visage ceinture, ceinture visage, j’oscille entre les points nord et sud jusqu’à ce que tu décides de te poser. « Je fais rien de bien extraordinaire, on dirait que c'est la fin des temps » Les épaules qui se haussent, je bascule vers l’avant et marche à quatre pattes pour me retrouver dans ton dos. Le menton qui s’enfonce sur une de tes épaules, j’enroule ensuite mes bras autour de toi et plonge avec toi vers l’univers de la nostalgie ou de quelque chose de bien sombre. J’entends mon coeur qui bat, la vie qui veut triompher sur la mort, encore une fois. Baiser déposé sur ta joue, je retombe sur le dos et observe l’ami plafond, l’ami des nuits blanches. « À quoi elle ressemblait ? » Parce qu’elle semble être le centre de ton existence. Si j’dois t’épauler au quotidien, je voudrais bien savoir quelle était cette femme extraordinaire qui t’a quitté bien trop tôt. Et tant pis si notre relation ne ressemble plus à rien, tant pis si c’est décousu. J’avance à ton rythme. S’il faut reculer, je reculerai. Ce qui compte, c’est que je puisse t’arracher à ta douleur de temps à autre. Je ne demande rien d’autre que ton bonheur. Est-ce possible ? Seras-tu un jour heureux après ce drame ? Je suis impuissante. Jambes qui pendent dans le vide, bras le long du corps, je discute avec la toile blanche. « Quand tu te sentiras prêt, j’aimerais beaucoup apprendre à la connaître … » Parce qu’avec toi, grâce à ton combat de tous les jours, elle existe toujours au présent et elle continuera d’exister à travers Jared, j’en suis persuadée.