Je sais plus trop quoi penser avec toi. Ni comment me comporter. J'ai cette attirance qui vient naître, sournoise, tenace, et pour autant, je sais pertinemment qu'on veut pas les mêmes choses. Que je serai pas bon pour toi. C'est amis qu'on est à la base. Et y'a cette nouvelle nuance dans le décor, je ne sais pas quoi en foutre. Alors le délire d'aller danser pour oublier, c'est pas trop mon truc. Je suis plus vicié, plus sulfureux dans mes débauches et si tu les connaissais Tay, je pense que tes joues se marqueraient d'écarlate. Je suis trop sauvage pour tes douceurs. Incandescent dans ma froideur. Cassé et irréparable. Mais je ne peux pas résister à ton appel. Et finalement, c'est dans mon antre solitaire que tu viens paraître. Tu es une privilégiée, c'est certain. Triée sur le volet. Quelques rares invités ont l'adresse de mon refuge. Et sans doute les pas les conquêtes éphémères. J'ai envoyé ma gouvernante pour la soirée, je ne souhaite pas ses yeux indiscrets bien qu'elle soit payée pour se taire, mais un bon repas est préparé, au cas où. J'aime prévoir. Descendant l'escalier, j'ouvre la porte et constate que tu es déjà quelque peu éméchée. Main qui passe autour de ta taille et l'autre qui prend la bouteille. « Entre. » Le soldat disparu, voilà qu'il se fait rappelé de sa plume. Quel crétin. Je ne sais pas comment je réagirai moi-même si Ulrik venait à m'écrire mais je serai sans aucun doute dans un état proche du tien. Avec quelques bouteilles supplémentaires. « J'imagine qu'il s'excuse et te souhaite une belle vie ? » Je sors deux verre et nous en sert un. Quelque chose m'indique qu'on va refaire le monde ce soir.

Tu ne mérites pas ce qui t'arrive. Clairement, je ne comprends pas ces mecs qui jugent que c'est une bonne chose de te laisser. Ça ravive ma colère mais les années m'ont appris à ne plus vraiment la montrer, à la laisser exulter autrement. Je t'écoute patiemment me déclamer les lignes que tu as apprises par cœur. Marquée au fer blanc dans tes veines, la blessure n'est que ravivée et sans doute que Joshua a été trop égoïste pour y penser. C'est sa culpabilité qu'il a voulu apaiser et pas tes états d'âme. « Pathétique. » dis-je en te tendant le verre. « C'est un crétin. » Je ne vois pas autre chose à dire. Il peut très bien penser ces choses, mais les dire ça va apporter quoi sérieusement ? « Mais elle sera belle sans lui, tu sais ça n'est-ce pas ? » Parce que t'es une battante, une indépendante, et si il y a bien une chose que la vie te clame, c'est que tu dois apprendre à t'élever seule, sans être dans l'ombre d'un homme. T'es mon égale. « comment tu te sens ? » Faut que tu le dises, que tu l'extériorises et ensuite seulement, tu pourras avancer.

Je déteste ce sentiment d'impuissance. Ainsi à t'observer te débattre contre ton propre démon. L'ange déchu tient à rappeler sa présence de quelques mots envoyés, de tendres pensées, qui viennent en réalité t'assassiner un peu plus. Il ne sait faire preuve que d'égoïsme lorsque de la sorte, c'est seulement sa propre conscience qu'il vient apaiser. Ulrik m'a au moins fait grâce de ça, disparu sans la moindre trace comme j'ai pu le faire il y a de ça des années. Je ne suis pas le plus doué pour consoler, pour insuffler la tendresse et le réconfort dans le verbe. Comment parer les lumières lorsque je suis rongé par mes propres noirceurs ? Je t'observe, sachant que l'alcool ne viendra pas panser la béance qui t'assaille. « C'est normal. » la colère, je la ressens également, et bien souvent je la laisse transparaître à la force de mes poings. Mais tu n'es pas ainsi Taylor, ton cœur est trop doux, ton sang trop altruiste pour tenter de détruire ce qui te fait face. Tu es bien trop généreuse pour faire du mal, même si c'est dans un simulacre de combat. Je m'installe à tes côtés, massif de la silhouette que je laisse choir près de tes traits graciles. Ma paume s'applique dans ton dos, vient caresser doucement ce que mes mots ne seront pas faire de tendresse, je t'observe. « Tu es magnifique, tu es forte, tu es intelligente. Tu trouveras une personne qui te mérite. » Même si tu penses la chose impossible pour le moment, je m'incline vers toi, rapprochant ta taille de la mienne, laissant mon bras t'entourer, ma bouche se rapproche, me laissant saisir par tes parfums délicats et féminins, loup vorace qui laisse ses lèvres s'appliquer à la carotide, doucement, tendrement, je m'égare, avant de reprendre conscience. En suspens, je n'ose plus avancer de peur de te briser un peu plus. Tu voudras sans doute oublier autrement qu'avec moi.

Loup diabolique, habile de ses mains pour les relents mortifères. Paumes parées pour la destruction, incapable de bâtir quelque chose de beau, si ce n'est lorsque mes phalanges virevoltent sur les touches manichéennes. Noires, blanches. Pas de nuances entre les accords. Une mécanique implacable, à mon image. Homme paré et étriqué entre ses deux faces. T'as su insinuer de la douceur dans les rouages Tay, quelques halos plus clairs dans les zones ombrageuses et malsaines. Mais je viendrai envahir ça aussi, parce qu'il m'en faut toujours plus. Parce que le Diable est attiré par la lumière avant de la fuir. Les jours laissent s'épanouir mes rituels, mes protocoles, les nuits sont bien plus libres et désespérément chaotiques. D'autant plus, depuis tous ces départs successifs. Tu as d'abord été la surprise et finalement t'es dans ces lignes constantes. Remparts auxquels je m'accroche, repères desquels, je ne veux pas réaliser l'importance. S'attacher, c'est se rendre vulnérable encore. Alors je le ferai à ma façon et ce sera sans doute pas celle qui te correspond. Mes lippes s'abreuvent de ta tiédeur tressaillant sous mes assauts, l'ego se gorge du soupir qui s'arrache de ta gorge. Comme elles sont douces tes notes Taylor et comme la beauté te pare encore lorsque tes instincts plus bas parlent dans les mouvements. Ton corps qui vient reposer contre le mien, prisonnier consenti sous ta hargne passionnelle. Tes lèvres qui viennent se sceller aux miennes, avide, j'en explore la douceur, j'en savoure la force, la chair s'anime sous l'attaque sulfureuse de tes ongles. Que ma peau se marque sous tes empreintes. Je serai ton captif éphémère. Mes ivoires viennent tester la solidité de ton inférieur, pressant le désir sous la force maîtrisée de ma mâchoire. C'est un feu étrange qui nous embrase après des mois d'amitié platonique. Ton front contre le mien et nos souffles perdus dans une course hasardeuse. « Tu regrettes ? » On ne peut que regretter un homme comme moi ou bien en garder un souvenir nostalgique. « Tu ne me promets rien. » Comme pour te rassurer, te dire que je ferai la part des choses et que de drames, je ne viendrai pas t'abreuver si tu laisses ton corps abdiquer dans cette faiblesse. Mais sans doute que tu préfèreras autre chose, et je ne pourrais pas t'en vouloir.

Je ne suis pas l'homme capable de redonner le sourire, d'orner les tristesse d'une forme d'humour, de balancer de la légèreté dans les ténèbres. Je suis sombre, énigmatique. Désespérément rigide. La seule tendresse dont je suis capable parle par le corps, par ce baiser que je t'insuffle, par mes paumes qui viendront réchauffer l'épiderme. Un instant, mes prunelles s'arriment aux tiennes, sentant le marbre tressaillir sous la caresse des tes empreintes. L'amitié est profonde, réelle, suffisamment que mon sang vienne s'en émouvoir à sa manière. Je tiens à te rassurer, de l'absence de promesses, de l'attache impossible, puisque je ne suis pas ce genre d'homme mais que tu es ce genre de femme, la cause est perdue d'avance de toute manière. Mais voilà que j'abdique sous tes syllabes, vulnérable à ma manière. Loup apprivoisé qui range un instant ses griffes. Tu aimerais sans doute mais la raison revient et c'est dans doute mieux ainsi. Mes sourcils se froncent sous ton affirmation. « C'est toi qui mérite mieux. » Sans doute un homme plus galant, plus fiable, capable de bâtir un avenir et pas un simulacre de mon espèce. Je ne mérite rien. Ni personne. J'ai renoncé à ces choses. « Comme tu voudras Taylor. » Je suspends la marque de mes paumes, laisse l'espace s'engouffrer entre nos silhouettes en quittant le canapé pour m'emparer du fauteuil qui fait face. Nier la déception serait mensonge, mais je ne peux que comprendre ton choix. J'en suis tout sauf un , après tout. Et nous sommes amis, c'est le plus important. Qu'on ne me reprenne plus à dépasser ces limites, je suis bien trop doué pour la destruction et tu mérites de t'élever pas de compter quelques ruines supplémentaires. « Oublie ça. » dis-je d'une main suspendue, que je viens balayer en un revers. « Pas du tout, tu fais le bon choix. » Et je ne pourrais que te féliciter d'avoir de la raison pour deux. « Que veux tu faire ? » Je suis si peu doué pour le reste.