Il y a des rencontres évidentes qui vous frappe parfois. On ne comprend pas la logique, on ne comprend pas la profondeur du lien alors qu'on vient simplement de rencontrer cette personne. Comme cela a été le cas avec toi. Nos reflets semblaient faits pour venir s'épouser, se combler. Et si tout est miroir, tu es l'incarnation de cette famille enveloppante et rassurante que j'avais perdu. Un socle malhabile et déchiré, mais un socle précieux. Tu es simplement cette évidence. Et les choses se déroulent avec un naturel déconcertant entre nous. Pas besoin de fierté et encore moins de faux-semblants, c'est dans cette spontanéité authentique qu'on se révèle l'un à l'autre. « Je suis prête à tout pour y arriver. » Parce que la vie m'a assez pris. J'ai décidé que désormais, elle viendrait me donner. Trop longtemps, j'avais été en colère contre elle, incapable de voir ce qu'elle m'offrait de plus beau. Car elle est ainsi, alternant sans la moindre culpabilité le pire et le meilleur, désordonnée, sauvage, chaotique, c'est ce qui en faisait toute la beauté. Je commence à le comprendre. Je viens me rapprocher de toi, profitant de la chaleur de tes bras pour découvrir la bouille à croquer de ton gamin. « Tant qu'il ne les tire pas comme un malade. » Je souris, j'ai enduré des douleurs bien pires que celles-là, alors je pense que je m'y ferai sans problème. « C'est pas trop difficile tout seul avec lui ? Enfin j'imagine que si mais... si tu as besoin d'aide. Je m'occupais souvent de mes petites sœurs. » Je n'y repensais plus vraiment, mais j'avais ce côté petite maman avec elles. Surtout la plus jeune. Longtemps, ça m'avait fait trop mal de repasser ces images dans ma tête. Mais je commençais à trouver les choses plus supportables. Tout comme je me surprends aussi à avoir changé de point de vue concernant les enfants. Lorsque j'étais tombée enceinte de Devon, la chose m'avait paru impossible. Ma famille avait été détruite, et engendrer représentait pour moi une faiblesse, une raison de plus d'être exposée. C'est presque volontairement que je l'avais laissé me transpercer d'une lame. La chose était passée pour un accident, mais on savait tous deux très bien qu'on se vouait à une certaine destruction. Je n'ai jamais eu peur de devenir un monstre à ses côtés. Tout simplement parce que à ce moment là de ma vie, je l'étais. La colère et la peur régnaient en maîtresses dans mon sang, les ombres invitées au palais, reines des pulsions les plus basses pour ne pas m'effondrer, exister quoi qu'il en coûte. Pour survivre, j'avais dû enterrer cette part plus humaine et pendant longtemps, elle m'a effrayé. Je n'ai plus peur désormais. Je ne porterai plus la responsabilité des actes innommables commis par d'autres... « Je crois aussi oui. » Du temps perdu à rattraper, des beautés à vivre après les cauchemars. Je me mets à rire à ta seconde phrase. « Je ne suis pas sûre d'être en état, mais promis, je m'y mets dès que c'est le cas. » Paupières qui viennent se fermer sous l'assaut de mon rire. Ce n'est pas l'envie qui m'en manque mais rien que me retourner est un effort alors le reste... Je t'observe en silence quelques secondes et un peu joueuse, je viens provoquer. « Et toi, tu sautes sur personne ? » ça la remplacera pas elle, mais toi aussi, t'es encore là et tout n'est pas fini.

Il y a encore deux jours, j'envisageais réellement ce billet simple pour l'enfer; j'me destinais naturellement aux bas-fonds du monde. Je n'voyais que par la chute, la mort et la souffrance. J'étais décidé à laisser Jared orphelin, à l'laisser aux mains compétentes de Ludo. J'suis plus ou moins du même bord que toi, avec des repères disparus, des âmes arrachées à la terre et l'seul désir d'en finir, pour crédo. Et puis, t'es arrivée, avec ta poésie et tes étoiles. Quand j'te regarde, que je t'observe rebondir, profiter d'ce second souffle, je m'prends à rêver. D'la même chose. J'veux croire que j'suis capable d'être plus fort, moins lâche. J'veux croire que j'peux me battre, contre maladies et tragédies. Pour Jared, en premier lieu. Pour Ludo, pour toi. Pour Absolem. La vie m'a pris, beaucoup. Mais Boston sonne comme un véritable nouveau départ, et t'en es un parfait exemple. T'es prête à tout pour y arriver, et j'veux pouvoir clamer cette même phrase, haut et fort. Même si j'suis persuadé que mon histoire finira mal, j'peux encore repousser l'échéance. Je le veux. Pour te voir mariée. Maman. Pour être capable d'aimer, à nouveau. Peut-être qu'ce serait possible. Et j'comprends dès à présent, qu'on va s'tirer vers le haut, mutuellement. L'angle blond, et l'étoile aux multiples nuances. " C'est un ange.. Il a hérité d'la douceur de sa mère. " et j'aime à croire qu'elle le veille encore, qu'elle le guide d'une certaine façon. Aucune inquiétude pour tes belles mèches blondes. " A vrai dire, je... J'ai tendance à fuir cette responsabilité. J'vois tellement Tanwen quand j'le regarde que.. J'en viens à l'éviter. Jared sera ravi de t'avoir comme grande soeur, c'est certain. " je t'avoue mon mal-être avec cette même facilité, sachant qu'j'ai honte d'en être venu à ce stade. J'suis littéralement absent et j'ai conscience que ça risque de jouer sur sa vie, dans l'futur. Ton aide me serait précieuse et j'crois qu'ça pourrait même te faire du bien. Il est l'innocence, la joie et la douceur; tout ce dont t'as besoin. On sera cette famille recomposée, ce bonheur créé à partir d'morceaux recollés. Et, un jour viendra, où tu porteras toi-même la vie. Une p'tite bouille se rajoutera à la table, avec nous. Fruit de votre amour. Fruit de ta renaissance. Cette vision pourrait paraître utopique, mais elle n'est pas si décalée du champ des possibles, quand on s'y attarde. Tu viens d'trouver la force d'accepter le meilleur, en plus du pire. Tu viens d'compléter ton prisme des couleurs. J'espère seulement que Shayn pourra t'apporter, c'que le passé t'as repris. L'amour, la vie. J'crois que tu réalises, désormais, tout c'qui est encore réalisable. Tout est possible. T'as la vie devant toi. Un paquet d'choses à réaliser. Des poèmes à lire. Un monde à parcourir. Réplique finalement plus légère que je lance, comme s'il s'agissait pour moi, de devenir grand père. Doyen à trente-six ans, si c'est pas malheureux. " Vous avez de belles années devant vous. J'ai hâte de voir ça. " j'compte y participer, même si ce n'est qu'en tant que spectateur. Tu m'donnes simplement de plus belles raisons de toujours m'accrocher, de n'pas reproduire les erreurs en voulant renoncer. J'vois ce regard que tu me lances, c'te mimique de visage que j'ai l'impression d'reconnaitre, comme lorsque tu t'apprêtes à me taquiner. Retour de flamme, n'est-ce pas ? " Depuis Tan'.. Non. J'ai pas repris goût au plaisir charnel. " elle me manque, mais j'commence à croire que cette sensation n'partira jamais. J'ai jamais connu qu'elle, et envisager la chose avec une autre me semble encore trop.. Etrange. " On verra bien, peut-être qu'la solitude me va mieux au teint. " pour l'instant, j'suis pas prêt à vivre auprès des courbes d'une autre.  

Tu vois en tes fils ces traits angéliques similaires à sa mère et une partie de moi ne peut s'empêcher que toi aussi t'es un peu responsable que ça. Tu as été cet ange pour moi. Je te dois la vie littéralement. Ce fait de pouvoir tenir cette conversation avec toi, avoir des projets à nouveau. C'est une nouvelle pulsion plus vive qui vient étreindre mes veines, ce oui pour vivre que j'accepte désormais, lâchant la culpabilité d'appartenir aux vivants. Je souhaite juste que ce soit ton cas un jour. « J'imagine. » Elle avait l'air parfaite, de ce genre de personnes qui comptent et vous marquent durablement de leur lumière. Mais elle ne t'avait pas choisi pour rien. Elle a su voir, qui tu es vraiment. « Il a besoin de toi. » Et cela prendra le temps qu'il faut, il sait ton chagrin parce que les enfants ressentent mieux et plus justement que la plupart des gens et sans doute qu'il te montre dans ces gestes, dans ses attitudes, qu'il saura avoir la patience nécessaire. « Mais je t'aiderais avec joie Dwayne. » Comme j'aurais aimé qu'on le fasse pour moi et comme tu le feras désormais. Je viendrai tracer ma propre route sous ta protection, m'unir à un homme et décider d'un avenir commun pour nous. Parce que quand vient la mort, il n'est plus temps d'avoir des regrets. Tout est si fragile. Qu'il faut honorer chaque bonheur tout simplement. « Naturellement, je te tiendrai au courant. » Je rougis un peu sous l'idée de m'unir à Shayn, d'imaginer ma demande, de visualiser la blancheur de ma robe et la beauté d'une cérémonie intime, parce que oui finalement, je suis comme toutes les filles qui rêvent encore de leur prince charmant. Tu seras mon repère, ce père, que je n'ai plus, ce frère que je n'ai jamais eu. Tout un symbole de cette nouvelle page de mon existence. Et je m'interroge sur ton avenir à toi, j'imagine que tu le projettes pas dans autre chose que cette solitude et son souvenir, mais toi, t'es encore là. « Peut-être et c'est aussi ce que je pensais après Devon, mon ex, mais tu vois il y a eu Shayn et tout a recommencé de plus belle. Bien sûr, ce n'était pas Tanwen. » Et je sais la chose peu envisageable. « Chaque chose en son temps, tant que tu ne te refuses pas le bonheur. » Et il se présentera ou pas, mais quoi qu'il advienne, je serai là.

J'ai été stupide de croire qu'en finir serait plus simple, alors qu'la lâcheté n'a jamais été une solution. Pour qui qu'ce soit. Mon père l'a été, et j'ai failli reproduire son schéma. Tout larguer et se suspendre à une corde, pour rejoindre sa femme. J'étais prêt à ça. Il est parti en m'laissant seul, vulnérable. Jared possède encore quelques ancrages, en dehors de son père. En dehors de moi. Mais rien n'peut véritablement remplacer un parent. Ca aussi, je l'ai appris à mes dépens. Alors oui, tes mots résonnent avec force dans mon esprit; et j'réalise à quel point j'étais stupide, de penser qu'à me jeter d'un toit, la vie en deviendrait plus simple. Mourir, ça n'arrange que l'monde des damnés. L'enfer auquel je m'destine naturellement. Pour les vivants, c'est une souffrance supplémentaire. Et t'as raison, Jared a besoin d'son père. " C'est vrai. " et j'prends conscience que Tanwen ne m'aurait jamais accueilli à bras ouverts, si j'avais laissé le p'tit tout seul, ou presque. Comme quoi, avec le recul et une conversation plus ouverte, on réalise que certaines évidences sont là, juste devant nos yeux. J'avais besoin d'toi pour réaliser tout ça. Pour rebondir, en quelque sorte. " Merci. Il est temps qu'on aille de l'avant. " pour eux, et pour nous. Tu vois, finalement, on s'rend compte qu'on a, tous les deux, des raisons de poursuivre la lutte. De profiter, même, si on en est capables. Ca passe par l'amour en réserve, que j'peux encore offrir à mon fils. Ca passe par ton histoire, ce tournant que vous allez sûrement prendre, et auquel j'me fais une joie d'assister. " Je sais déjà c'que sera ton cadeau de mariage. " tu sembles si innocente d'un coup, jeune femme prise par l'émotion; ta destinée t'appelle et te voilà, enfin, prête à tendre la main au destin. Je serais là, aucun doute sur ce point. Comme un frère, un père; un peu de tout à la fois. Tu brilles déjà, mais le meilleur reste à venir. " On verra bien.. Quand je serais prêt à écrire, peut-être qu'un nouveau poème prendra forme. " mais pour l'heure, c'est ta vie qui m'importe, et la perspective de ton évolution, que je compte suivre de près. Chaque chose en son temps, j'suis pas pressé. Plus maintenant. Le flambeau est entre tes mains, à toi d'en faire bon usage.