Les chiffres ont commencé à tourner dans sa tête en début de soirée, comme un refrain d’une chanson démodée, un truc que l’esprit se refuse à oublier. Complétement obnubilé. S’agaçant à souhait mais qui ne veut pourtant pas lâcher. C’est la dernière, ce soir, demain, le rêve s’arrêtera, le bateau accostera à Boston pour les ramener à la réalité, celle-là même qu’elle a voulu fuir tout cet été. Jusqu’à dépasser bien des limites qu’elle et les siens lui avaient jusque-là, imposé. Profiter de l’instant en se disant qu’on ne pourra jamais rattraper le temps. Qu’une vie ne vaut la peine que parce qu’elle est pleine. D’expériences. D’aventures. De nouvelles mesures.

Alors elle a fêté la finalité comme il se doit, en riant aux éclats, sans être effrayée d’être dans ce monde-là. S’éprouvant changée, se trouvant évoluée, sans pour autant avoir d’avis à ce sujet. Parce qu’elle ignore totalement où se trouve la véritable Haiwee. Quelque part dans le Wyoming, ou bien sur le pont d’un bateau à danser ? Même si contrairement à ses camarades, ce soir, l’alcool, elle n’y a pas touché, en une volonté de garder de la clarté au milieu de ses idées, guidée par celle se cachant derrière sa tête, qui bouillonne en son être.
Cette même Haiwee qui se dirige avant que ne s’achève la nuit, la fête pas finie, après avoir vérifié qu’il soit parti, lui aussi, vers une cabine qui n’est pas la sienne, par besoin, par envie. Comme pour son tatouage, que la signification Libre ne soit pas qu’un mirage. Quand elle arrive face à la porte estampillée à ce numéro qu’elle a mémorisé, elle soupire longuement, elle ignore l’heure qu’il est exactement, ni même s’il est là-dedans, s’il est seul, et n’ose pas envisager le reste, pour ne pas, se retrouver à être jalouse encore une fois, de tous les sentiments, il est loin de lui plaire celui-là.

Les phalanges refermées, elle se décide à frapper contre l’entrée, coups maitrisés, bordel intériorisé, elle compte les secondes, trop longues, le temps qu’il lui faut pour venir lui ouvrir. Celui dont elle pourrait se servir pour s’enfuir. Haiwee, respire… Quand il apparaît dans l’embrassure, et qu’elle prononce en un murmure ; « Apprends-moi. » sans aucun tremblement dans le son de sa voix.      

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Face à lui, dans le secret de ce corridor, elle n’ose bouger, elle préfère lui laisser le loisir de s’imprégner de l’idée, de l’évaluer, et aussi, elle l’avoue, de lui donner ce pouvoir de la rejeter. Bien que ça pourrait certainement la briser. Et à la mesure de ces secondes, sa candeur, elle ne s’effiloche pas, elle reste intacte, alors que d’être ici et maintenant, ça l’impacte. Elle en ressent même ce frisson, celui qui l’a poussé à se pointer, celui qui l’a animé des la première fois, lorsqu’ils se sont trouvés tous les deux dans cette maison. Quand en une simple fraction, il aurait pu la conduire sur le chemin de l’aliénation. « T'apprendre quoi? T'as gagné m'semble, » Imperceptiblement, elle secoue le visage par la négative, il n’est plus question de match, cette fois. Ce n’est plus un jeu, tu vois ?

Alors elle en pince ses lèvres, pour mieux réflexionner, baisse le regard, de moitié, elle cherche ses mots puisqu’il n’a pas entendu les premiers. « Qu’est-ce que tu fais là Haiwee ? » Les idées se bousculent, dans la tête, elles s’entrechoquent… Sur son prénom, elles se bloquent. « Sheng. » Elle répond, la douceur dans son ton. Qui contraste avec le solennel du sien. Il n’a pas conscience de la façon dont elle s’est attachée, avec la force d’un cœur naïf pas encore abîmé. De toute sa pureté. Comme on peut s’accrocher à ce premier amour qui a le pouvoir de briser. Dont on ne se remet jamais. « Tu n’as pas compris. » Et observe les alentours, couloir déserté faute d’une dernière soirée sur ce bateau à profiter. Voie libérée, elle provoque la proximité. En effectuant ces quelques pas, ceux qui la guident vers toi. De sa paume droite, elle va trouver la nudité de sa peau, elle s’inflige des maux nouveaux. Tout en soulignant de ses ongles les sillons de son buste. Il y a son souffle qui part à vau-l’eau. Son cœur qui martèle la cadence. Elle laisse encore traîner ses phalanges, elle ose ces gestes qui chez elle dérangent. Alors que ses yeux remontent vers les siens, « Apprends-moi. » Parce qu’ils ne sont pas prononcés à la légère à présent. Que ce n’est plus une plaisanterie. Une blague sur les lacunes qui composent sa vie. « Maintenant, » expire, « cette nuit. »       

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C’est de tout son être, de tout son corps, que l’amérindienne, ce soir, l’implore. Elle a eu beau tenter, en vain, d’enfermer tout ce qu’elle peut ressentir lorsqu’elle est à ses côtés. Trop de désirs refoulés. La totalité de ses émotions contraires qui pourraient la guider jusqu’en en Enfer. Damnée, coupable, qui attend, qui espère. Quand d’un mouvement taciturne, il lui donne le feu vert. Un long soupir d’absolution s’échappe de ses lèvres, apaisée d’être acceptée, car, à la vue de ses réactions, elle aurait pu en douter.  
La porte poussée, elle n’hésite pas à la dépasser, franchir des limites, l’entendre dans son dos refermer, et elle laisse tomber sur sa tablette, la minuscule d’un sac qu’ils se plaisent à appeler pochette. Et si ses yeux balaient rapidement l’intégralité de sa cabine, ce n’est que pour suivre une trajectoire qui les mèneront à se reposer sur lui. Et parce qu’il est resté en retrait, qu’il n’a toujours pas dit mot, elle se déplace pour retrouver de ses paumes, l’électricité de sa peau. « Alors, » elle commence, faible de son penchant, étiolant les promesses et les tourments, « ca fait quoi, » morsure de son inférieure, ses prunelles suivant le chemin que composent ses mains, « de gagner ? » D’avoir réussi à s’infiltrer à elle ? En une obsédante ritournelle. D’avoir empoisonné son esprit ? D’influer autant sur le cours de sa vie ?
De ses phalanges qui remontent sur lui, elle bat la mesure pour s’accrocher, d’une main, à sa nuque et renforcer sa torture. De ses idéaux, elle s’est délestée, les a laissé choir de l’autre côté de cette porte barrée. Elle les a troqué pour des nouveaux, tandis qu’elle souligne de sa main libre, l’arc de sa bouche dont les baisers n’ont eu de cesse de la hanter depuis ce fameux soir de mai.       

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S’’accrochant à l’intensité de ses prunelles, aussi bien qu’à sa peau, Haiwee, elle le prierait presque de réinventer et prendre le contrôle du tempi. Parce qu’elle avance à tâtons, qu’elle s’égare crescendo dans les méandres de sa raison. Quémande de façon silencieuse que les minutes s’étiolent vers de nouvelles qui seront licencieuses. « le gage » Non, tu n’y es pas… Ce n’est pas dans les bras de Morphée qu’elle espère s’égarer, mais bel et bien au creux des tiens qu’elle souhaite s’éveiller.

Seulement sa poigne vient avorter ses mouvements, elle en est heurtée, forcément. Elle s’interroge, et tout se mélange, elle ne comprend pas où peut se trouver le véritable souci, si ce n’est qu’elle lui a confié ce qui l’attend pour la suite de sa vie. Elle en est écorchée, son assurance, de son rythme cardiaque déjà bancal elle perd la fréquence, quand la suite possible des évènements, il avance. « Seulement dormir, » elle en exulte un soupir, ça ne s’apparente en rien à ce qu’elle désire. Se doit-elle vraiment de le dire ? Comme si elle n’avait pas été assez claire, de l’impact qu’il a sur elle, Haiwee ne veut se défaire.

Et son geste se réinvente, dans ses secondes latentes, de sa paume, il engendre la redescente, pour la déposer à la lisière du vêtement qu’il porte encore. Le regard plongé dans le sien, elle n’a plus de trop peine à mettre de côté son destin. A la faveur de cette main arrimée en elle, ça s’effondre, alors qu’elle part en quête de son souffle, face à ces prémices pour lesquels elle s’est à peine donné le droit de rêver, il y a la peur qui s’infiltre, incontrôlée, elle envisage de réaliser un demi-tour, de murmurer que ce n’est pas son jour. Une fraction d’instant, elle baisse le regard vers ses doigts, qui, en un acte manqué, se sont de quelques phalanges faufilées, agrafés. Synonyme de ses volontés.
Elle essaie alors d’assimiler ce qu’il vient de supposer. « Le gage, dormir… » c’est elle qui l’avait annoncé, avec fierté, en tentant de se convaincre que pour cet homme elle n’avait pas flanché. Cependant ses paroles, ce soir, elle a décidé de les gommer. Elle a besoin d’être certaine, pour céder aux envies diluviennes ; « Tu ne veux pas de moi ? » Hésitante. Qui tente de comprendre, qui ne voit pas, qui se retourne, qui retire sa main. Débutante.       

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C’est dans toute sa personne qu’elle entend son sang battre. En un brouhaha assourdissant, capable à lui seul d’affaiblir les bruits des vagues de l’océan. Dans cette cabine, ce n’est plus rien qu’elle entend, et elle en clôt ses paupières, parce qu’elle craint que s’il la rejette, elle ne saura pas y faire, on ne lui a pas inculqué, le mystère visant à s’en relever. La combine pour ne pas se voir briser. Jusqu’à ce que cet étrange compte à rebours soit stoppé par ses mains… Ses phalanges qui effleurent son derme hâlé, qui la font si facilement frissonner. « C’est pas le souci » à cet aveu d’abord, un peu, elle sourit. Avant de ne pas parvenir à retenir sa respiration, longue, profonde et soulagée. Envoutée par le sentiment d’être désirée.  

Alors, c’est un tout autre démarrage qu’il vient de lancer, à la façon qu’a l’un de ses doigts de défier ses cheveux, d’érafler l’empreinte de sa colonne vertébrale… Ses sens se mélangent, ses sensations aussi, sous son emprise, piètre soumise. « Pourquoi cette robe ce soir ? » Mais tu sais pourquoi. Seulement tu es beaucoup trop doué pour la mettre face au mur, pour la pousser dans ces retranchements où elle ne s’est jamais aventurée avant. Elle en perd le fil de ce qu’elle aurait bien pu lui confier comme raison, quand elle sent se relâcher dans son dos, la pression. Tandis que ses phalanges s’insinuent sous le linceul afin de la découvrir, encore une fois, elle en soupire… Et plus il effleure, plus il caresse, plus elle sent ses valeurs s’amoindrir. Préférant, à l’évidence, ce soir, s’ouvrir à de nouveaux plaisirs. Elle se délecte de ce qu’elle peut ici et maintenant ressentir. Savoure l’électricité. Adore la cavalcade d’émotions qui tend à la renverser. Une envolée.

Et sa paume libre part à la conquête de cette fermeture trônant sur le bas de ses reins, continuant à laisser ses empreintes sur sa peau jusque-là immaculée, elle se cherche une contenance, et se faire faussement désirer avant de lui jurer son allégeance. « Pourquoi la robe… » elle répète, sa voix teintée d’ânonnements résultant de cette si doucereuse souffrance. Comme s’il pouvait émettre un réel doute à ce sujet, « parce que, » elle amorce une réponse, elle essaie, se reprend dans son initiative, « non, » mouvement céleste de son visage, esquissant la négative, et de sa propre main, elle remonte avec délicatesse au niveau de la première attache, qu’il n’a pas encore dégrafée, sur sa nuque délaissée, elle prend sur elle de le faire, de prouver plus encore ses volontés, de deux doigts, et conduira le tissu à glisser, avec une lenteur mesurée, sur ses épaules et suivre le long de ses bras.

A la faveur de cette envie qui la dévore, qui guide les moindres élans qu’elle éprouve en son corps, le visage abaissé, elle fait cet aveu qui n’est plus un secret « pour qui. » Là se trouvait la bonne question, et quand sa main suit la courbe de la sienne pour en épouser les formes au-dessus de la robe, elle paraphe ses charnelles idées ; « Et ça, tu le sais. »       

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