23 JUIN 2021 • Il y avait de l’effervescence sur le campus. Les vacances étaient arrivées, avec elle, la fin de l’année. Les étudiants faisaient pour la plupart leurs valises, direction une destination de rêve pour fêter ce coup d’arrêt des cours. Gwen s’était faufilée parmi eux, paraissant même s’être échappée d’un lycée plutôt que d’un des dortoirs. Elle venait ici uniquement pour déposer un café à une amie et elle s’en irait aussi vite qu’elle était venue. Seulement, à quelques mètres de la maison où vivait sa pote, un ballon de football vint s’exploser contre le gobelet et par ricochet, asperger la face aussi pâle que la lune de Mme Gamble. Aucun cri, seulement un soupir inspiré. Pourtant, le tonnerre grondait au siège de la tour de contrôle. Fort heureusement, le liquide n’était plus brûlant. Recalculant la trajectoire du lancer, elle détecta le coupable de ce tir foireux. « Petit con, t’as signé ton arrêt de mort ! » Le fauve qui était en elle se réveilla et là voilà qui partit en sprint en direction du jeune qui venait de la réduire en une femme dégoulinante de caféine. Allait-il décamper ou se laisser plaquer comme le ferait un joueur de rugby ? Dans tous les cas, Gwen ne le lâcherait pas et le mordrait même jusqu’au sang pour qu’il s’excuse. On ne plaisante pas avec la gent féminine. « Je t’ordonne de t’excuser sur le champ ! » qu'elle s'égosilla toujours en courant vers lui.

les américains préfèrent le football américain, forcément mais, je suis plus soccer parce que j'ai le sang colombien qui coule dans mes veines. et puis, en france, on est bien plus soccer qu'autre chose. je joue avec quelques gens, on se fait des petites passes, pas un gros match mais on s'amuse comme on peut avant le grand départ dans deux jours. la valise n'est même pas prête, mais ça sera très vite plié. comme d'habitude. puis, une passe un peu mal dosée et le ballon atterrit sur une femme, lui faisant renverser son café. oups. je me marre avec mes potes avant que la furie ne se réveille et court dans ma direction. merde, fais chier. je reste calme et sur place, je ne bouge pas d'un centimètre. oh, du calme. je te paie un autre café si tu veux. commencé-je à lui dire alors.

Les cheveux soyeux n’étaient plus qu’un lointain souvenir. À présent, elle commençait à ressembler à un poulpe au courroux gigantesque. Se déplaçant en diagonale, droit sur cet espèce de beau gosse qui devait faire chavirer les coeurs mêmes pris, elle l’interpellait en omettant le reste du monde. Ses propos pouvaient paraître exagérés et violents, mais se faire afficher, c’était un des trucs les plus horribles qui pouvait lui arriver. Les moqueries, elle les avait assez subies durant toute sa scolarité. Les oreilles bouchées, elle fonça sur lui du haut de ses 1m71 et se planta à un petit centimètre de lui, n’hésitant pas à utiliser la pointe de ses pieds pour combler l’écart entre leurs regards. « Tu fais le malin parce que t’es hyper populaire ? Tu t’es dit, tiens, la paumée, je vais lui mettre grave la honte ? » Se chauffant toute seule et ignorant les réponses qu’on pourrait lui transmettre, Gwen souleva son genou dans les parties intimes du beau gosse et s’écarta après son coup qui aurait pu être bien plus franc « C’est même pas un quart de la douleur que je ressens quand on se fout de ma gueule » dit-elle, prête à bondir à nouveau. « Il est temps de réfléchir Monsieur le gamin »

bon, j'ai pas pensé à mal et ce n'est même pas volontairement que je lui ai balancé ce ballon. pour autant, elle l'a mal pris et arrive vers moi. collé. oh, attention, je veux pas choper de microbes ou de trucs sales, je la connais même pas. non, j'rigole, c'est pas vraiment ça qui me dérange. mais, tu racontes quoi toi ? bon, la popularité, c'est pas faux. mais ouais. je vois pas venir le coup de genou qui me fait plier. limite genou à terre, je deviens rouge. je commence à serrer, la colère va m'envahir et je ne vais plus rien contrôler. mais, qu'est ce que tu racontes, espèce de tarée! j'ai même pas fait exprès de t'envoyer le ballon à la gueule! je me relève, difficilement mais je me relève et je me dresse devant la folle. j'ai envie de la frapper, mais lever la main sur une fille... oh dieu, jamais. t'es complètement conne, ouais.

L’impulsivité. La hargne. La haine des autres. Voilà ce qui l’avait conduite à effectuer un geste de trop, un geste dévoilant toute sa brutalité et qui n’allait rien arranger à son image. Gwen n’avait pas pu s’imaginer une seule seconde que ce ballon ayant éclaté le café n’était qu’un accident. Pour elle, chaque inconnu lui voulait forcément du mal, car elle paraissait fragile, une proie inespérée, or, elle ne l’était pas et combattait cette image chaque jour. Sans écouter aucune explication, elle avait commis l’irréparable et avait hérité d’un joli surnom qui lui collait bien à la peau. Conne. Ouais, elle avait été conne, mais elle n’était pas non plus au courant des intentions -ou non- des autres. « Je te rends le compliment et au masculin, car apparemment t'as des couilles ». Son sourire crispé traduisait tout son malaise et maintenant, qu’allait-elle faire ? Continuer de rester planter là ou retrouver sa vie d’avant ? « T’as même pas le réflexe de me proposer une serviette ou un truc du genre ? Tu vis sur le campus ou pas loin non ? J’ai jamais vu ça, quel manque d’éducation » le critiqua-t-elle en mordant nerveusement sa lèvre inférieure, signe de son mécontentement et de sa gêne. « Tu sens le putois en plus, tu mériterais une douche » qu’elle marmonna en éloignant son regard de son corps parfaitement sculpté.

j'en suis plus trop sûr maintenant. réponds-je alors qu'elle me dit que j'ai des couilles. j'ai surtout l'impression d'avoir une purée à la place de boules maintenant. mais bon, ça passera. sûrement, ou pas. elle demande une serviette, je soupire. ouais, j'habite là. plus pour longtemps, je suis à la recherche d'une colocation pour me barrer du campus. j'en ai marre de voir certaines têtes d'ici. ah. j'crois pas non. long soupir. je regarde mes potes et leur fais signe que tout va  bien, qu'ils peuvent s'en aller. allez, suis-moi. au fond, mael n'est pas si con que ça. j'ai gaffé, j'assume mais le coup. j'sais pas pour qui tu t'prends, mais tu vas pas aller  loin comme ça. t'étudies ici ? histoire de savoir qui elle est.

Avec sa tête de balai mal essoré, Gwen finit par lâcher un rire nerveux lorsque cet inconnu douta de l’existence de ses parties génitales. Elle n’avait pas mis la dose du tout, c’était un type du genre à se plaindre ça. Pauvre chérie. Lui rappelant alors les bonnes manières, le gars en question se força à la jouer galante en l’invitant chez lui pour se débarbouiller du carnage qu’IL avait commis. Satisfaite, Gwen le suivit de près et arqua un sourcil lorsqu’il fit signe à ses abrutis de potes. Elle arqua ce dernier une seconde fois lorsqu’il décréta qu’en gros, elle se prenait pas pour de la merde. « Je suis Gwendolyn, une fille bien trop sexy raffinée pour toi » qu’elle lança de manière espiègle. La colère était redescendue d’un cran, Gwen jouait à présent. Elle testait surtout l’humour du jeune homme qui prenait de son temps pour lui proposer de s’essuyer la gueule en vrac. « Je n’étudie pas ici, je me suis loupée il y a des années et ça me convient. Et toi ? Tu fais quoi, sport ? Pas besoin de cervelle pour ça » C’était elle qui critiquait alors qu’elle s’était ramassée, l’hôpital qui se fout de la charité.

bon, je pense que avec cette nana, ça ne passera clairement pas. j'aime pas du tout son caractère, comment elle parle, et tout. elle a beau être super sexy, je pense pas qu'on sera super copain copain, elle et moi. elle se présente comme gwendolyn et la suite me fait réellement rire. pas trop avec ton café sur la gueule. rétorqué-je dans la foulée. ais, je vais quand même me présenter. mael. trop inaccessible pour toi, beauté. ok, prends en de la graine, j'ai un peu de répartie quand même. on commence à avancer vers le bâtiment où je réside. nan. réponse sèche. politique internationale, mais peut-être trop compliqué à comprendre pour une barbie qui n'a pas continué ses études. enfin, qui s'est loupée.

À vrai dire, tout avait très mal commencé. Peut-être que si les circonstances de cette rencontre avaient été différentes, le ton de la discussion serait également moins musclé. Pourtant Gwen essayait de détendre l’atmosphère, mais encore fallait-il la connaître pour savoir qu’elle ne pensait pas vraiment ce qu’elle disait d’elle-même. Ça, ce n’était que sa carapace vieille de dix sept-ans.  D’ailleurs, elle se brisa un instant durant la réplique assassine du jeune homme. Il avait entièrement raison, elle n’avait rien d’irrésistible en ce moment-même. « J’avoue, on paraît venir de deux dimensions parallèles. Parfois y a des coups de foudre et parfois des .. coups de tonnerre uniquement. » La belle s’était emmêlée dans ses justifications et avait ensuite écouté attentivement le mâle dominant avant de lui flanquer un coup dans les cotes. « C’est plus compliqué que ça, il y en a un peu là-dedans » qu’elle se disculpa en tapotant sa tête de son index. « Tu comptes faire quoi avec ce diplôme ? Diplomate ? Ambassadeur ? » Montant quelques marches, Gwen pénétra dans l’antre qui abritait Mael l’inaccessible. « C’était vraiment un accident ? Jure-moi le sur la tête de ta tata encore vivante ! » qu’elle lui demanda en lui barrant soudainement le chemin.

bon, je vois qu' elle se calme un peu et ce n'est pas plus mal. pas  très envie de faire un esclandre à travers tout le campus, loin de là mon idée première. m'afficher ? ouais, mais pour les bonnes raisons. sinon, ce n'est pas la peine. parfois, ouais. réponds-je alors sans animosité dans ma voix. putain. calme toi ou j'vais m'énerver. mais genre vraiment. je n'ai peur de rien, je m'en fiche un peu de tout. président, peut-être. réponds-je sans grande conviction. j'ai des projets, mais je ne compte rien dévoiler. pas encore, du moins. alors que nous arrivons à ma chambre, elle se flanque devant moi. non, je l'ai fait exprès. j'ai tout prévu pour que tu sois là en ce moment, dans ma chambre. m'amusé-je à lui répondre.