Fière d'en finir, soulagée de t'accueillir comme ange de la mort. Consciente qu'il n'y aura point de cruauté; seulement ce respect mutuel, de femme à femme; de mère à bien-aimée. Le diable voit probablement en cet acte, une manière de libérer Shayn de ton emprise; puisqu'il estime que son rejeton, ne saurait accorder un quelconque pardon. - J'ai confiance. En Shayn, comme en toi. en votre capacité à aller de l'avant, à bâtir ensembles, dans une même direction. Confiante dans l'idée que son fils saura voir toute la bonté de ton geste; qu'il verra par delà le simple fait de "prendre une vie", et continuera de t'aimer avec force et passion. Ta présence dans cette pièce prouve que votre histoire dépasse la simple amourette; que votre engagement respectif se veut à toute épreuve. Unis dans la vie, comme dans la mort. - Tu y parviendra. Tu es forte, je le vois. plus loin que l'apparence, aux confins de l'esprit; la force de l'âme. Là où Dakota a échoué, restant prisonnière de barreaux invisibles; entre les griffes d'un homme aux sombres desseins. Incapable d'entrer dans une partie aussi violente, incapable de s'adapter à cet univers sanglant et dénué de règles. La solitude a été la première raison de sa chute. Ce n'est pas ton cas, ni celui de Shayn. En restant soudés, vous avez le pouvoir de balayer l'opposition. D'instaurer vos limites et de dicter votre code. - J'avais lu quelque part, que cela signifie cadeau de Dieu. Sachant que je ne devais pas avoir d'enfant, à l'origine.. Ce prénom collait parfaitement à sa petite frimousse. les lippes s'étirent sur un autre sourire, fragile mais sincère; tandis que le film des premières années de vie du petit garçon repasse furtivement dans le fond de ces ambrées fatiguées. Lyra et Lyas. Deux destins entremêlés, deux existences vouées à ne faire qu'une; depuis toujours. - J'ai confiance. ce mot si important, qu'elle répète encore et encore, inlassablement. Parce qu'elle sait, Dakota, que la délivrance sera rapide et indolore. Que ce n'est pas la haine qui régit le geste, mais l'amour le plus pur qui soit. Que dans cette nuit noire, la belle n'est point bourreau, mais ange aux ailes protectrices. Et qu'au fond, la diable vient de leur donner les cartes pour se faire battre. A son propre jeu. L'instinct maternel lui permettrait presque d'affirmer que cette épreuve rendra le couple plus fort. - Sois en paix, Lyra. Je suis heureuse et honorée de t'avoir rencontrée. Je te suis éternellement reconnaissante, autant pour Shayn.. Que pour maintenant. les dernières paroles d'une mère, condamnée depuis de nombreuses années. Un amour certain, qu'elle te porte et te transmet, au travers d'un dernier regard, plein de gratitude. Enfin, les paupières se ferment une dernière fois, et la tête vient simplement reposer contre le canon, déjà pressé contre sa tempe. Point de larmes pour ce départ, seul un léger sourire vient teinter ces lèvres, de sentiments que le démon n'est en mesure de percevoir, ni de comprendre.

[...]

C'est terminé. Sourire satisfait décorant les lippes du monstre lorsqu'il découvre le corps inerte, de son ex-femme. Une histoire de moins à gérer, un poids que tu lui enlèves des épaules. - Bien. Il y a un contrat sur la table, qui te désigne comme bras droit de mon organisation, et successeur.. Lorsque je serai mort. Ce contrat engage aussi Shayn, en tant qu'homme de main. Il a déjà signé sa part, à toi de signer la tienne. et ainsi, le démon pense établir son emprise; rallier les deux cavaliers à sa cause. Ta force et ton ambition pour faire avancer l'équipe; les menottes et la muselière pour mieux contrôler Shayn. - Ensuite, tu pourra partir. Shayn sera libéré dans la soirée, comme promis. Quant à nous... On reste en contact. le corps s'écarte et le bras t'invite à rejoindre la table, sur laquelle sont étalés des documents. Il est temps de sceller le pacte, celui qui va unir tes forces avec celles du diable.      

Ultimes aveux, échanges furtifs dans une relation qui était promise à l'agonie avant même de naître. L'intensité n'en est pas moins forte, mes sens restent bouleversés de cet acte que je m'apprête à commettre, bien que parfaitement consciente que demeure ici la bonne solution. Cela ne reste pas anodin de prendre la vie d'une mère. De prendre la vie de Celle qui lui a donné la vie, même si finalement je ne lui offre ici qu'une douce libération. « Merci. » Tête qui s'incline, visage de gamine mais promesses de femmes entre les deux silhouettes. Je le sais, que quelque part nous serons dignes d'Elle. A notre façon. Etrange alliage dont est né l'homme que j'aime, partagé entre la douceur inconditionnelle et une monstruosité sans faille, c'est comme assister au mariage des astres solaires et lunaires, expliquant finalement raisonnablement les milles facettes qui le compose. Mes propres parents n'étaient que feu, passion, brasier qui s'est consumé à son propre jeu, fuite perpétuelle mais qui m'a malgré tout insufflé des bases solides. Lui dès le départ, était bancal. Comment ces deux polarités ont-elles pu un jour s'aimer ? « Soyez en paix Dakota. » Auprès de ce Dieu dont elle a laissé le cadeau évoluer sur terre, pris entre les phalanges d'un animal mais traçant finalement sa propre route sous les apparences. Le divin en lui c'est Elle. « Cela aurait été un beau prénom. » Je souris discrètement, furtivement, m'accrochant à ces lettres que je partage presque en totalité, réminiscence fugace d'un amour poussé à disparaître, j'en garderai les secrets bien serrés entre l'osseux de mes phalanges. Enfant fluette mais dévorée par son obstination à tenir. Bien plus solide qu'il n'y paraît. Et prête à vivre finalement l'ultime rejet. Je n'avais plus aucune raison de vivre sinon de venger les miens. Les choses sont différentes désormais, je resterai pour Lui cet indicible soutien, une présence parfois plus lointaine si la vie en décide ainsi, et un héritage d'un amour que je porterai pour Elle. Ma silhouette s'incline une dernière fois face à la douceur de ses mots avant de finalement la laisser partir, lui offrir l'ultime libération. Stature reprise et appliquée, droite à nouveau, animal incarné aux prunelles métalliques pour mieux offrir au monstre un idéal de servitude.

[…]

De nouveau face au Diable, je ne laisse rien paraître. Muqueuse qui vient goûter les vestiges du Sang maternel, comme pour mieux m'en imprégner, comme pour ne pas en oublier l'amertume, mais aussi les relents de douceur, ceux-ci plus secrets iront droit au cœur. Mais Lui, ne voit que l'acte barbare, anesthésié, la cruauté que lui-même projette entre mes remparts. Le souffle s'incarne sous mes côtés, dans la béance du sternum, fluide, posé, pour permettre à l'armure de m'entourer. L'armure c'est Lui. La lance c'est Elle. « Très bien. » Mes pas me poussent vers la feuille qui repose en l'endroit. Un véritable pacte avec le Diable, mais la seule façon sans doute de le sortir de ses enfers. Je m'empare de la plume, signe rapidement la prophétie de mon encre, et finalement de mon âme. « Qu'allez-vous lui dire ? » A Shayn. Puis-je dissimuler mon acte ? Je n'ai pas vraiment de doute à ce sujet. Me préparant déjà à son silence, à sa colère sans doute. Son père est doué pour manier les fils mais il ignore que les premiers pas sont lancés pour les couper. « Je suis à votre disposition Monsieur Jefferson. » Sourire poli et front un peu abaissé. Servez du miel aux abeilles, elles en ignorent ainsi le dard empoisonné sous le sucre du palais. Le Roi oubliant ainsi que le règne sur la ruche est uniquement promis à la Reine.

La manipulation, encore et toujours; pour servir sa plus sombre volonté. Les discours sont étrangement différents, entre Shayn et toi; provoquer la peur chez l'un, imposer l'obéissance chez l'autre. Profiter de ta présence pour se décharger de lourdes responsabilités, te laisser le soin de faire couler le sang, de prendre les vies; après tout, cela reste une habitude de ton quotidien. Les ambrées malsaines te suivent longuement tandis que tu apposes ta signature au contrat; et te voilà liée au Diable. Associée. Comme tu l'aura peut-être constaté, une autre signature colore le bas de la page. Familière aux ombres et pourtant factice. Ton aimé a choisi de conserver sa "liberté", sans se douter qu'il finirait, d'une manière ou d'une autre, entre les griffes de son père. Le cycle éternel. Encore assez naif pour croire qu'il pouvait y échapper. - Il est déjà au courant.. Plus ou moins. Il a toujours sû, que s'il venait à être libéré, ce ne serait qu'en échange d'une autre vie. rictus amusé déformant les lippes masculines, petit rire contenu par la main portée à la bouche. - Vois-tu, Shayn se débattait pour tenter de sortir, au début. Il était ingérable, une vraie bête. On a été forcés de le sédater, pour calmer ces ardeurs. Et puis.. Il y a eu cette conversation, entre nous. Je lui ai dit, une vie pour une vie. Oh bien sûr, il a rapidement compris ce que cela sous-entendait. Et avant même que je ne reparte, il priait déjà; implorait pour qu'on le tue. Lui. de la torture psychologique, ni plus ni moins. Comment convaincre un homme qu'il doit rester enfermé, sans avoir besoin de lui forcer la main. - Bienvenue parmi nous, Lyra Bain. le géant s'approche, vient passer ses longues phalanges sous ton menton pour te faire relever la tête. Pour observer la beauté de tes océanes, encore une fois. - Notre oeuvre ne fait que commencer. Rentre tranquillement chez toi, nous nous reverrons bien assez vite. Et si Shayn survit à sa libération, alors tu pourra le retrouver. les lèvres s'avancent rapidement et viennent embrasser ton front, avant qu'il ne relâche son emprise et se détourne de ta personne. - Bonne nuit. souffle-t-il enfin, mettant ainsi un terme à cette première entrevue. Ce ne sera pas la dernière, sois en certaine.