Mal être de plusieurs semaines qui s’extériorise soudainement, dans une situation qui pour moi est comparable à la goutte d’eau qui fait déborder le vase. C’est trop pour moi. Tout ce chaos, toutes les disputes, les journées passées enfermées dans l’appartement, à avoir peur du monde extérieur. Même de la jeune femme, j’en ais peur, quand elle pose sa main sur moi. Elle a beau le faire délicatement, je sais que son geste pourrait changer, sa prise se faire plus intense. Si les gens qui m’aiment étaient capables de me faire du mal, alors qui sait ce que pourrait faire une inconnue. Mais je ne dois pas penser à ça, encore moins maintenant. Non, je dois penser à quelque chose qui me fait du bien, à un endroit où je me sens en sécurité. A la maison dans laquelle j’ai grandi, à L.A, avec les meilleures personnes sur cette planète. C’est à eux que je pense, à cette paisible enfance que j’y ai passée.

Les larmes se calment alors, et mon premier réflexe est de m’excuser pour ce moment de faiblesse. Mais pas que. Il y a le bruit aussi, lié aux disputes de Dahlia et moi pour lequel je m'excuse également, parce que je sais que nombreux sont ceux à être dérangé par. Je le vois bien à la façon dont certain.es m’observent dans les couloirs, ou dans l’ascenseur. J’ai bien une idée de ce qu’il imagine, mais la vérité est à la fois trop proche et trop éloignée de leur imagination. Elle aussi, elle est sûrement loin d’imaginer ce qu’il se cache sous les disputes, sous les cris, et combien, moi aussi j’aimerais que ça s’arrête. Mais je ne peux pas lui reprocher de l’ignorer, parce que j’ai fait le choix de ne rien dire. À personne. Alors je me contente de hocher la tête. Ce n’est pas vraiment ce que j’appellerais profiter, mais je ne veux pas entrer dans cette discussion.

Au lieu de ça, je préfère la questionner sur cet imposant livre qu’elle pose sur ses genoux lorsqu’elle s’assoit à côté de moi. Étudiante en médecine, avant dernière année. « C’est impressionnant, j’espère pour toi que ça ira. » Les mots sortent tous seuls. Je lui souhaitais sincèrement, même si on n’était pas proche. C’était du travail qu’elle avait accompli pour en arriver jusqu’ici, il fallait reconnaître ça. « Tu as une spécialité ? La médecine c’est vague. » que je demande en regardant le livre qui semblait plutôt général. Je secoue la tête lorsqu’elle me retourne la question. « Non, je suis barman dans un bar pas loin du campus. Le… Le Lord Hobo. » Nom qui se bloque dans ma gorge en repensant aux évènements de ces dernières semaines. Je ne sais pas si elle en avait entendu parler, mais ce n’était pas impossible. « Je…» Je me coupe en sentant mon téléphone vibrer dans ma poche. Mon téléphone. Je le sors rapidement et regarde l’écran. « J’ai du réseau ! » que je m’exclame, en tendant le téléphone à la jeune femme.

Est-ce que tu peux comprendre ce qu’il se passe chez les voisins ? Est-ce que tu peux identifier la raison des cris, des pleurs et de la vaisselle qui se brise ? Non, bien sûr que non. D’abord parce que tu as le droit qu’aux vibrations contre les murs, a des murmures qui semblent souvent lointains. Mais surtout et avant tout, tu n’as jamais eu de disputes aussi violentes. Parfois, vous vous prenez la tête avec Isaiah mais, c’est ton frère donc ce n’est pas pareil. Ce n’est jamais violent, ce n’est jamais trop long. Tu finis souvent par caler ou lui par s’excuser. En ce qui concerne les relations de couples par contre, cela t’est totalement inconnues. Tu n’es jamais tombée amoureuse. Tu n’en as jamais eu l’occasion. Tu ne t’es jamais donnée l’opportunité d’en arriver là. Non, t’as beaucoup trop de choses à faire pour consacrer du temps aux sentiments. Tes maigres relations se sont terminées convenablement, sur un accord commun. Donc ce qui se passe derrière la porte de cet appartement, tu ne le comprends pas.

Gael semble être pris d’une crise de panique. Ça par contre, tu sais totalement identifier et comment le gérer étant donné que tu fais des études de médecine. En effet, c’est beaucoup plus simple pour toi lorsqu’une situation fait référence à des faits présents dans les livres. Tu lui expliques donc comment se calmer et il semblerait que la méthode fonctionne. Il décide d’entamer la discussion avec toi, grace à son livre tombé sur le sol. Tu lui parles de tes études de médecine alors qu’il s’excuse pour les cris. Presque aussi impressionnant que les disputes que tu peux avoir avec ta copine. Elle n’a pas l’air facile à vivre. Tu plisses le nez. T’es pas dans le jugement. Tu veux juste lui montrer que s’il a besoin toi, t’es la pour en parler. S’il veut venir se réfugier chez toi quelques heures par semaine, c’est possible aussi.

Il préfère s’attarder sur tes études. Tu lui parles donc de ton cursus. J’ai pris chirurgie générale avec une préférence pour la neurologie. J’aime tout ce qui peut se passer dans le cerveau. Et puis, on va dire que ton passé t’a également poussé à rejoindre cette branche. Tu lui retournes la question quand à ses études ou son job. Il te parle du Lord Hobo et tu esquives un petit sourire. J’y ai bossé moi aussi. Je suis une bonne amie de Kassidy. Le lord hobo fut ton premier job en arrivant à Boston. Kassidy etait que barmaid a l’époque et vous vous éclatiez bien derrière le bar. Que le temps passe vite ! Comme celui dans cet ascenseur apparemment puisque le jeune homme finit par avoir du réseau. Une vibration suffit pour lui rendre le sourire. Je t’avais dit qu’on ne resterait pas coincés ici trop longtemps. @Gael J. Dinkley

La peur et l’angoisse ont du mal à passer, mais la bienveillance de ma voisine et ses conseils m’aident à me calmer, à respirer. Ce n’est pas simple pour moi ce genre d’exercice, tant il y a des choses qui se bousculent dans mes pensées, et pourtant, elle parvient à trouver la technique, à me transporter ailleurs que dans cette cage métallique qui me donne encore un peu plus l’impression d’étouffer dans mon être. Echanger avec elle par la suite me permet de maintenir ce calme, de penser à autre chose. Comme si la situation pouvait être normale, même si certains mots ne le sont pas, même si certains mots me redonnent envie de pleurer. Elle ne sait pas ce qu’il se passe entre les murs de mon appartement, elle ne peut pas savoir, et pourtant, ses mots me font l'effet d’une attaque, d’un jugement. Parce que ça n’a rien d’impressionnant. C’est juste violent. Et moi aussi, je préférerais qu’il en soit autrement. Mais je ne veux pas laisser voir que le problème est au delà d’un simple trait de caractère qui pourrait laisser penser que ma petite amie était difficile à vivre. Bien au-delà. « Un peu. » C’est tout ce que j’ajoute en hochant légèrement la tête. On ne m’entrainerait pas sur ce sujet là.

J’essaye donc de détourner le sujet, de m’intéresser à la jeune femme, à ses études. Une future médecin, je lui souhaite, spécialisée en neurologie. Rien à voir avec moi, mais c’était aussi la magie de vivre à proximité de Harvard. Ici, toutes les branches se mélangeaient sans qu’on s’en rende vraiment compte. Mais la réelle surprise est d’apprendre qu’elle aussi avait travaillé au Lord Hobo, surement bien avant que j’y arrive moi aussi. Je m’attendais à ce qu’elle en ait entendu parler avec les récentes nouvelles, mais pas pour y avoir travaillé. Je hoche donc la tête quand elle mentionne Kassidy, désormais patronne des lieux. « Je ne savais pas que vous vous connaissiez. » Remarque que je me fais à moi-même, constatant à quel point tout le monde semblait se connaître, combien la ville pouvait sembler petite.

Ma bouche s’ouvre et se referme sans qu’un mot n’en sort alors que je sens une vibration dans ma poche. Du réseau ? Il semblerait bien. J’annonce la bonne nouvelle à la jeune femme et me redresse pour composer le numéro d’urgence qui se situe sous les boutons de l’ascenseur qui ne fonctionnent plus depuis plusieurs minutes. Les tonalités me paraissent affreusement longues par rapport à d’habitude, surement parce que je sais que ma liberté en dépend. Voix qui se fait entendre à l’autre bout du fil, je laisse s’échapper un sourire de soulagement avant d’expliquer notre situation. Intervention dans pas moins de trente minutes, si tout va bien, je grommelle un peu avant de me rassoir. « Quelqu’un devrait arriver dans trente minutes… Si tout va bien. » Une estimation conditionnelle qui n’a rien de rassurant. Je profite d’avoir du réseau pour envoyer un message à ma petite amie, la prévenir de mon absence, avant de tendre le téléphone à Charlize. « Si tu as besoin de prévenir quelqu’un que tu es coincée ici, n’hésite pas. »

Tu n’es pas du genre à critiquer sans connaître mais on ne peut pas dire que tu aies une belle image de la petite amie de Gaël. Tu la trouves vraiment pas commode. Elle est froide et hautaine. Elle ne t’inspire rien de beau et de bon. Tu sais que même sans être sa voisine, vous ne pourriez pas être amies toutes les deux. Le jeune homme a l’air beaucoup plus calme et plus apte à la discussion. Tu te demandes d’ailleurs ce qu’il peut bien faire avec un tyran dans son genre. Il tente malgré tout de relativiser les choses. Enfin, si tu sors avec, elle doit tout de même avoir de bons côtés. D’ailleurs, ça fait longtemps que vous êtes ensemble tous les deux ? Tu te dis que discuter lui permettra de penser à autre chose. T’es loin de te douter que ce n’est pas son sujet de conversation préféré. Tu tentes par la même occasion de te rattraper parce que tes mots n’ont pas été tendres non plus.

Vous discutez ensuite de tes études. Tu es en dernière année de médecine. Tu as hâte d’en finir. Tu ne sais pas encore si tu vas te servir de ta spécialité ou travailler aux urgences. Les deux te plaisent vraiment beaucoup. Quand au jeune homme, il travaille au Lord Hobo et donc pour Kassidy. Vous avez un point commun tous les deux puisque tu y as travaillé toi aussi. On a travaillé ensemble derrière le bar avant qu’elle ne soit propriétaire des lieux. Je suis partie parce que ça me faisait bizarre de travailler pour elle. Je lui ai proposé de faire des remplacements cet été au besoin. Quand tu ne travailles pas au Drink. Vous aurez peut-être donc l’occasion de travailler ensemble avec Gael allez savoir !

Son portable se met à vibrer et le voisin se dépêche de prévenir les secours. A votre plus grand bonheur, vous allez enfin pouvoir sortir. Tu jettes un œil à ta montre. Tu ne seras même pas en retard au boulot. Il te tend son téléphone, te le prétend si jamais tu as quelqu’un à prévenir. Hormis Isaiah, tu n’as personne et ton frère a l’habitude que tu révises à droite à gauche donc… pas d’inquiétudes à avoir. J’ai personne à prévenir. Mais c’est gentil ! Tu esquives un petit sourire qui se veut rassurant, heureuse d’avoir pu passer un moment avec lui malgré les circonstances.

Par peur que notre voisine découvre ce qu’il se passe dans notre appartement, je reste le plus vague possible sur ma relation avec Dahlia. Je ne m’étends pas sur ce qu’il se passe entre nous, sur son caractère, parfois difficile à supporter au quotidien. Je ne rajoute rien sur les disputes, sur les cris, la vaisselle qui casse. Je n’essaye même pas de me dédouaner de ma part de responsabilité. Dahlia est parfois difficile à vivre, mais je suppose qu’elle le serait moins si je faisais plus d’efforts. Et puis il y avait l’approche des examens aussi qui la stressait, comme tous les ans. Je la connaissais si bien, et pourtant, je ne la comprenais plus vraiment. « Ca fait cinq ans. On s’est connu au lycée. » Je prends quand même le temps de répondre aux questions de Charlize, même si je ne m’attarde pas sur les réponses. Notre relation avait tellement changé en cinq ans, mes sentiments aussi, mais ça avait si bien marché à une époque… Peut-être que ça pouvait revenir. J’espérais que ça allait revenir.  

J’interroge la jeune femme sur ses études, impressionné par sa détermination, par les efforts qu’elle avait surement fourni pour en arriver là, surtout en cumulant ça avec un job. Enfin, je ne sais pas si elle travaillait encore mais elle l’avait fait puisqu’elle connaissait le Lord Hobo, elle connaissait Kassidy, elle y avait travaillé, sûrement quelque temps avant moi. « Oh ! Pourtant, elle est plutôt cool comme patronne Kassidy. » Difficile de se plaindre là-dessus. Elle était sympa, souriante, et arrangeante au possible. Un peu comme une grande sœur parfois. On était loin des patronnes rigides et fermées, avec qui on ne pouvait jamais discuter, à qui on ne pouvait rien dire. « On se croisera peut-être cet été alors. » Je laisse se dessiner un léger sourire, un peu mitigé par l’idée. Elle avait déjà du mal à me supporter comme voisin, me supporterait-elle en tant que collègue ? Rien n’est moins sûr.

Pause marquée pour prévenir les secours, il n’y avait plus qu’à attendre sagement qu’on vienne nous libérer de la cage de métal, ce qui me rassurait, mais je ne le serais complètement que lorsque l’on m’aurait vraiment sorti de là. Je range mon téléphone, Charlize n’ayant pas besoin de prévenir qui que ce soit et reporte mon attention sur l’énorme livre de médecine sur ses genoux. « Qu’est ce que tu révisais comme sujet ? Je peux t’aider ? Ca fera surement passer le temps plus vite non ? » Ca me permettrait de ne pas trop paniquer en attendant. « Je ne connais pas grand-chose en médecine, mais il y a des qcm dans ce genre de bouquin non ?  »  Parce qu’avec mes connaissances dans le domaine, c’est certain que l’on irait pas très loin.

Tu te montres curieuse. Ça ne te ressemble pas de t’immiscer dans la vie d’autrui de cette façon. T’as juste envie d’en savoir plus sur tes voisins. Tu veux t’assurer que tout se passe bien derrière la porte de cette demeure. La copine de Gael n’a pas l’air des plus sympas mais, peut-être que dans le fond, c’est une fille bien. En même temps, elle ne peut pas se montrer sous son meilleur jour quand tu viens te plaindre du bruit continuellement. Ah oui, cinq ans quand même. Ce n’est pas rien. Tu n’es pas une pro des relations amoureuses. Tu n’en as jamais réellement eu. Il faut dire que tu n’as pas le temps pour ça. Tu te concentres sur tes études.

Pour le jeune homme, il n’est plus question d’école mais bel et bien de travail. Et pas des moindres puisqu’il bosse pour ta copine, Kassidy. Il t’assure qu’elle est cool comme patronne et ça, tu n’en doutes pas une seconde. C’est vraiment une fille adorable. Oh oui, je n’en doute pas une seconde. C’est juste que ça me faisait bizarre de ne plus travailler avec mais bien pour elle. D’ailleurs, si tu n’aurais pas trouvé d’autre job, tu continuerai à travailler la bas. Maintenant tu es au drink et quand elle a besoin et que tu es disponible, tu lui donnes un coup de main. Notamment en période estivale où les jeunes profitent des vacances et du summer camp. Oui, C’est cool. On va pouvoir à se connaître un peu plus. Tu ne pars pas en vacances ? Il va penser que tu veux te débarrasser de lui et de sa copine machiavélique. En réalité, l’idée ne te traverse même pas l’esprit !

Il arrive à contacter les secours qui ne devraient pas tarder. Il te demande si tu as quelqu’un à prévenir mais, tu secoues la tête et il le range dans sa poche avant de te proposer son aide. Tu hésites avant d’y voir pleins de bonnes intentions. En plus, il a raison, le temps passera plus vite. Pourquoi pas oui. C’est gentil ! Je travaillais les situations d’urgence… c’est peut-être moi qui ai porté la poisse d’ailleurs ! Autant rire de la situation. @Gael J. Dinkley

Je ne peux m’empêcher de jeter quelques petits coups d’oeil vers la jeune femme. Je la découvre sous un nouveau jour, autrement que comme cette voisine à qui je n’ose adresser la parole, devant qui je baisse la tête dans les couloirs, parce que j’ai constamment le sentiment que je vais me faire engueuler pour le bruit. Elle n’est pas la seule d'ailleurs à s’en être plainte et si je prends sur moi pour faire un effort, Dahlia elle est moins conciliante. Moins aimable aussi quand certains viennent frapper à la porte pour nous demander de faire moins de bruit. Alors bien sûr, ça ne donne envie à personne de parler. Ni à moi, ni à eux. Dire qu’il avait fallu qu’on se retrouve tous les deux coincés dans un ascenseur pour avoir une discussion normale alors que j’avais emménagé ici il y a presque cinq ans… Vraiment, on avait vu mieux comme voisin.

Alors ça m’inquiète un peu quand elle évoque la possibilité de travailler au Lord Hobo cet été. Je n’avais rien contre, encore moins sur cette période où l’on était très souvent en sous effectifs, mais j’avais un peu peur que l’entente ne soit pas au rendez-vous derrière le bar. Si elle en avait déjà marre de moi en tant que voisin, me voir en plus au travail n’arrangerait surement rien. Enfin, je ne sais pas trop. Elle n’avait pas vraiment l’air hostile à l’idée pour autant. « Je vais sûrement aller passer quelques jours à L.A. Voir mes parents. » Les seuls plans qui s’étaient dessinés pour cet été. Pas question pour moi de passer deux mois au Summer Camp comme beaucoup le prévoyait, et en même temps, je ne voulais pas rester tout l’été à Boston pour autant. Los Angeles était ce beau compromis pour moi, pour souffler loin de Boston et en même temps trouver cette ambiance de joie estivale qui habitait les foules. Je connaissais la ville, ses bons plans, et je pourrais y retrouver des personnes que j’aime. « Je suppose que tu ne prévois pas de partir non plus si tu viens nous aider ? » Je demande quand même, ne savait-on jamais. Peut-être qu’elle prévoyait quand même des vacances avant de rejoindre les rangs du Lord Hobo.

Les secours sont prévenus, mais nous ne sommes pas libres pour autant. Non, il faudrait encore un peu de temps avant que l’on vienne nous sortir d’ici. Peut-être quelques minutes, peut-être quelques heures, alors qui sait combien l’attente serait longue ? D’autant plus que les possibilités pour nous changer les idées sont restreintes. Je lui propose alors mon aide pour réviser. Je ne sais pas si elle serait très utile, mais je préférais encore me perdre dans des explications médicales que je ne comprendrais certainement pas plutôt que de rester à rien faire, à laisser mon esprit repenser à cette cage métallique qui nous retient prisonniers. Elle accepte, me tend le livre en m’expliquant qu’elle travaillait les situations d’urgences, plaisante sur le fait que c’était peut-être un coup de la providence. Je n’y crois pas vraiment, plutôt persuadé qu’il s’agit d’une punition divine pour me faire comprendre combien mon récent comportement était inacceptable. Je payais mon mauvais karma, sans aucun doute. Mais je ne sais pas si cela était utile de le préciser. Alors je ne relève pas, me contente de simplement ouvrir le livre à une des pages marqués par un petit morceau de papier adhésif. Je parcours rapidement les pages suivantes avant de tomber sur celle visant à s’assurer que la leçon était bien assimilée. Plusieurs QCM étaient disponibles, et rien que leur longueur me donnait le vertige. Comment est-ce qu’on pouvait apprendre autant de choses ? Je secoue légèrement la tête, me reconcentre, lisant doucement les questions avant de lui proposer les différents choix. Je lui laisse le temps de répondre, même si elle le fait plutôt rapidement. Plus vite que moi pour aller vérifier la réponse en tout cas.

Finalement, toi qui pensais que ton voisin était un petit con égocentrique, tu t’es bien trompée sur son compte. Toi qui pensais qu’il s’amusait à t’éviter pour mieux t’énerver… il se trouve être super touchant. Bien loin de sa copine qui lance des regards noirs et qui s’amuse a te faire de grands sourires hypocrites quand elle te croise dans les couloirs. En cinq ans, t’aurais pu faire des efforts pour apprendre à le connaître davantage. T’aurais pu découvrir une magnifique personne si t’avais pris la peine de l’écouter au lieu de venir râler. Tu râles beaucoup quand tes études entrent en jeu. C’est vraiment important pour toi que de réussir dans la vie.

Vous parlez des vacances. Pour ta part, tu ne vas pas partir. Tu travailles tout l’été. Tu espères vraiment que Gael ne va pas y voir d’inconvénients. D’ailleurs tu glisses doucement : Je révise beaucoup moins pendant les vacances… je ne viendrais pas vous embêtez c’est promis. Tu esquives un petit sourire en écoutant son récit. Il va passer quelques jours à Los Angeles. T’aurais trop aimé partir la-bas toi aussi. Tu ne connais pas du tout le coin. Tu connais rien en réalité ! Ça va être cool ! Moi je ne peux pas partir non. J’ai beaucoup de boulot. Et puis on ne t’en accorde pas donc. Tu vas rester dans le coin. Par contre mon frère part lui. Tu seras toute seule dans le coin.

Gael prévient les secours et t’aide à réviser. C’est vraiment gentil de sa part. Vous révisez ensemble les situations d’urgence. C’est cool parce que ça pourrait également lui servir un jour. Tu connais déjà le sujet par cœur. Parfois, tu fais semblant de réfléchir pour que ça dure un peu plus longtemps et que le temps passe plus vite que si vous n’aviez rien à faire. C’est un agréable échange contrairement à ceux que vous avez pu avoir dans le passé.

Finalement, je suis pas mécontent de me retrouver coincé avec Charlize. J’avais imaginé le pire, parce qu’elle m'impressionnait, parce que j’étais persuadé qu’elle me détestait, mais en réalité, elle est bien plus chaleureuse que je ne l’aurais cru. Comme quoi, je n’aurais pas dû m'arrêter à ses “visites” express pour nous dire de faire moins de bruit. Mais difficile, avec l’avis plus tranché de ma petite amie d’arrondir les angles, d’inviter l’étudiante à boire un café ou quelque chose comme pourraient le faire tous les voisins du monde. Non, nous ce n’était pas tellement notre style. Et puis si une dispute éclatait entre Dahlia et moi, ça pourrait donner une idée trop précise de ce qu’il se tramait chez nous, derrière toutes ces disputes. Alors j’étais resté, à tort, sur cette image d’elle, un peu froide et désagréable. Mais je me rends compte aujourd’hui qu’elle est bien différente de cela. Et puis j’apprends à la connaître tout simplement. Ses études, son travail, le jeune homme qui vit avec elle et que je ne soupçonnais pas un seul instant d’être son frère. En réalité, j’aurais volontiers voulu apprendre tout cela il y a des mois, et entretenir une relation de voisinage plus cordiale avec la demoiselle. Mais peut-être n’était-il pas complètement trop tard pour changer ça.

Je lui souris lorsqu’elle me dit qu’elle révise moins pendant l’été. Moins, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne le fait pas. « Ne t’en fais pas, il y aura moins de bruit aussi, c’est promis. » Puisque je passerais quelques jours à L.A, et Dahlia, quelques jours au Summer Camp. Les choses seraient donc plus calmes par ici. « Je ne savais pas que c’était ton frère, le garçon avec qui tu vis. Tu ne vas pas te sentir trop seule sans lui ? » Je lui demande, car je sais que même pour quelques jours, je n’aimais pas rester seul. Je trouvais toujours ça un peu triste.

Les secours prévenus, on s’occupe comme l’on peut en les attendant. Il faut dire que dans l’ascenseur, les options sont plus que limitées. Alors j’ai Charlize à réviser, l’interrogeant sur le contenu de son livre d’étude, dont la compréhension peut-être vérifiée par des QCM. Une compréhension que la jeune femme maitrise parfaitement, contrairement à moi, qui ne cesse d’apprendre des choses. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé avant que l’endroit se remette doucement à trembler, signifiant la remise en marche de l’ascenseur. Les portes s’ouvrent alors que je n’ai même pas encore eu la présence d’esprit de me relever. Des hommes nous regardent, nous questionnent sur notre état. Je hoche lentement la tête. « Tout va bien. » Surprenant mais vrai, grâce à Charlize. Je referme le livre et me relève, sortant de la petite cage métallique avec la jeune femme à ma suite. Que ça faisait du bien d’en sortir. Je tends son livre avec un sourire, tendre mais un peu timide. « Merci beaucoup pour ton aide et ta patience. Bonne chance pour tes études, et peut-être à cet été alors, au Lord Hobo ? » Je ne sais pas si je la reverrais là-bas, mais l’idée semblait moins terrible désormais. Un dernier sourire et je m’éloigne, regagnant mon appartement, et la laissant faire de même.

- END -