Jeudi 6 Mai. 12h00. Garage.

C’est fini Aaron. J’ai relu cent fois cette phrase. Mais elle me semble etrangere. Colère bouillonnante. Peine meutriere. C’est fini Aaron. Le coeur a fait un looping. Comment ... ? Colere grimpe. Colere a besoin d’extérioriser. Je fais les cent pas dans l’atelier. Je marche. Je ris. Larmes. C’est fini Aaron. Mais ... Je ne l’entends. Colere fulgurante. Toile d’un portrait fracassé contre un mur. Mais ce n’est meme pas salvateur. C’est fini Aaron. C’est ce qu’on verra. Je quitte l’appartement. A cette heure ci, il devrait y etre. C’est mal ce que je vais faire. Mais rien ne peut arranger ma raison. C’est fini Aaron. Soit il. Finissons-en. J’arrive au garage. Vide. Intrusion dans le bureau, mettre d’autres images sur la camera de surveillance. J’augmente de deux chiffres, le volume de la radio. Referme la porte du garage. Une pause. Il est là, couché sous une bagnole. Je tire sur ses jambes. A califourchon sur lui. J’attrape ses joues. Le forcer à me confrontrer. « Ouvre ta grande gueule. Je t’ecoute Eros, repete tes mots d’hier »

J’avais quitté le travail en trombe, foncé dans une pharmacie, acheter une boite de somnifère, c’était sois ça, sois la coke. J’avais encore Nate en tête, ne pas lui faire ça. En larme durant le trajet, les mains qui tremblent, je voyais peu la route. C’était sorti, je ne sais pas comment. Trop de mal, trop de douleur, me refuser à lui, l’imaginer avec un autre, impensable. M’éloigner de lui, je voyais que ça, pour arrêter qu’il joue encore et encore, arrêter d’avoir mal, effacer la douleur. J’étais rentré, foncer directement dans ma chambre, sans regarder mes messages, sans regarder si le chaton était dans l’appartement. Un message à Aisling pour lui dire qu’on remettait ça, je n’étais pas en état. Un somnifère, non deux, plus ? Beaucoup plus ? Dormir pour l’éternité, c’est une bonne idée... Non, non. Chaton, chaton, chaton. Deux, juste pour oublier la cocaïne qui m’appelle, pour oublier la douleur, juste dormir.. Dormir pour ne pas avoir mal.
Je ne me souviens de rien, que dalle. Je me suis juste lever ce matin en mode automatique. Un robot. Aller au travail que j’avais quitté précipitamment la veille. La tête dans les voitures et le cerveau... je ne sais pas où il était celui-là.  
Des mains qui me tire violemment, j’en lâche l’outil que j’avais dans la main Aa..Aaron ? je ne comprends pas, qu’est-ce qu’il fou là... Et son visage... Il n'allait jamais me faire de mal.. Si ? Peut-être que si. Je ne sais plus. Teint blafard, je tente de me dégager, impossible. Il est trop fort, trop d’emprise ”Lâ..lâ..lâche moi ! voix à peine audible.

Je refuse de l’écouter. Je refuse de recevoir un tel ordre. Refus d’accepter la realite. Regard sombre. Coeur felé. Il peut se débattre, faire le double de moi. Il ne m’échappera pas. Pas tant que je l’ai decidé. « Non. Tu n’iras nulle part. Répète. Tu fais le malin par messages. Mais je suis la. Repete. » Voix seche. Tranchante. Comme son message. Pas la bonne methode pour exprimer la souffrance qu’il a provoqué. « Tu voulais une verite. C’est ce que je suis, un monstre. Qui ne vit que pour la violence. Si je voulais, je n’ai qu’a poser mes deux mains sur ta gorge. Et serrer. C’est mon travail. » Mes mains glissent, frolent sa gorge et emprisonnent ses poignets. « Repete Eros. »

Le cœur qui bat à milles à l’heure, la peur au ventre. Je ne sais plus qui je suis à ce moment-là et je ne sais plus qui est cet homme au-dessus de moi. Je ne comprends pas... il a dit qu’il regrettait. Il ne devrait pas être là... Ses mots me font peur, je ne sais pas quoi faire, la panique se lie sur mon visage, les larmes qui montent doucement, rien que de le voir. Ses mains qui passent sur ma gorge, mon cœur qui s’arrête quelques secondes, il va le faire... non... je souffle discrètement... lui dire, là en face... je me plonge dans ses yeux, me perds dans ses azurs, j’ai envie de disparaître Je.... c’est... ça bloque dans ma gorge, pourquoi ça ne sort pas ? Toi et moi... c’est.. C'est..fi.. ça ne veut pas, ça ne sort pas, parce que ce n’est pas ce que je veux. Les larmes coulent... je secoue la tête J’y arrive pas... j’y arrive pas je pleure, je hurle JE VEUX PAS T’ES CONTENT ? JE VEUX JAMAIS QUE CA S’ARRETE ! JAMAIS !

Visage inexpressif. Je secoue la tete. Déception. Je voulais qu’il le dise. Qu’il assume pour nous deux. Mais non. Il lache pas. Et moi ... Je suis incapable de laisser tomber. De nouveau, dans l’impasse. Je soupire, je me fatigue. Le commun des mortels aurait, peut-être, accepté le message. Mais moi, j’ai besoin d’être confronté a la douleur. Sauf que c’est moi qui le fait souffrir. Je relâche ses poignets. « Si tu refuses d’etre mon ami, tu as raison, on doit s’éloigner. Mais comme tu vois, je suis encore entrain de quemander ton attention. Je peux rien t’offrir. Tu seras jamais rien de plus qu’un ami... Au pire, une connaissance. Si ca t’aide. Mais guide moi Eros.. Jette-moi une bonne fois pour toute. Ou accepte ce que je peux te donner. »

Il ne peut pas. Il ne peut pas être les deux personnes à la fois. Il ne peut pas être l’amant parfait de LA, celui qui se déclare et être le mec qui me repousse quelques jours après. Impossible. Je m’en suis persuadé, mais pas là. Pas là en étant devant lui, pas en voyant ses yeux. C’est faux. Je ne veux pas y croire, je ne veux plus y croire. Il me repousse, me range dans la case ami. On est plus que ça, depuis toujours on est plus que ça. Me demander à moi de le rejeter, inconcevable, il le sait. Je m’en fou je n’ai plus rien à perdre, au pire des cas il me frappe, me tabasse à mort s’il le souhaite, j’hurlerais même pas, je le laisserais faire ou peut être que je répliquerais cette fois, frapper aussi fort que je l’aime. Je me redresse sur mes coudes, il est toujours à califourchon sur moi, il ne peut pas être dans cette position et me rejeter en même temps. Le tout pour le tout. Un point final peut être, le début d’autre chose, je n’en sais rien, mais en quelques secondes je prends son visage en coupe et mes lèvres se retrouve sur les siennes, un baiser... colère, frustration, envie, amour... il va me le rendre ? J’en sais rien.

Mais aucun mot ne sort de sa bouche. Juste la musique et ses paroles qui ne collent pas a notre situation. Juste des bruits qui ne me plaisent pas. Il se redresse. Je m’attends a ce qu’il me frappe. Se defende. Mais il n’use pas de la meme violence que moi. Non, la sienne me fait vriller le coeur. Herisser le poil. Il me fout en deroute ce con. Il reveille des enfers que j’eteins a coup d’essence. On ne devrait pas. Fruit interdit, ce sont des barrières qu’il aurait dû mettre. Il en faut si peu pour passer d’un etat a un autre.