Fantômes qui aiment à sortir de leurs placards. Les démons au dehors sous des apparats de filles plus ordinaires. Tu ne peux pas vraiment l’être Josephine. De ces silhouettes qui se retournent sur ta prestance incendiaire, interrogent du regard la présence de la Gamine dans tes sillages. Femmes surprenantes de leur prestance, sans savoir à quoi le commun les rattache. Femmes qui s’éprennent de l’ordinaire pour oublier quelques instants les tourments de leurs nuits aux violences et douceurs singulières. Sulfureuses toujours. Mais même les Reines de la nuit doivent se soumettre au commun, se revêtir, gagner de quoi orner leur prestance. Et je dois avouer qu’une part de moi est heureuse de te retrouver un peu en dehors de notre contexte. Loin des yeux trop curieux, de nos ombres protectrices. Juste toi et moi. Sans nos hiérarchies, nos obligations habituelles. Parce que bien que t’y refuses, un lien plus amical s’est instauré entre toi et moi. Je viens te retrouver à l’entrée du centre commercial, avec cette fois un bon nombre de billets pour subvenir à mes besoins, cela change des errances passées où je ne pouvais que regarder les biens avec envie sans jamais les posséder à moins de fastidieuses économies. « Salut, tu as besoin de voir quelque chose de particulier en premier ? » Ma voix résonne étrangement dans l’artifice de ces cieux, le visage effrontément juvénile, dépourvue des noirceurs habituelles, la silhouette à l’abri d’une simple veste à capuche, d’un jeans et de baskets. Bien loin de Nova, la Reine improvisée des nuits décadentes de Boston. Ici, je ne suis que Lyra, la gamine modeste et oubliée.

C’est tout en contraste, la gamine et la femme. Pour les observateurs de la scène, cela ferait presque mal aux yeux. Mais tu ne perds rien de ta glace, lorsque la discrétion m’enrobe. J’y suis bien dans cette peau de gamine oubliée, dans ces vestiges simples et basiques de la Lyra du passé. Bien loin du monstre actuel que j’incarne. Ton sourire détonne un peu plus et mes sourcils se haussent, légèrement écarquillés de te voir adopter une grimace pareille. Amusée tout de même et d’autant plus par ta réplique. « Boutique de lingerie, parfait, mais je pense que tu devrais me conseiller.» Je suis douée pour observer mes filles mais bien moins mettre mon propre corps en valeur. Gamine qui n’a jamais vraiment appris à s’aimer et par conséquence à s’orner. « Tu veux rendre un certain homme fou ? » dis-je avec un sourire empli de malice alors que nos pas se dirigent vers la boutique convoitée. Aucun mal pour les vendeuses à nous entendre arriver sous le claquement décidé de tes talons, j’ai tout simplement l’air d’une enfant égarée. Rôles inversées. Je ris doucement. « Je vais plutôt bien, et toi ? » Je laisse mes phalanges errer sur les pièces de dentelles aux tailles ridiculement petites. « Je n’ai jamais compris pourquoi c’était aussi cher. » Monnayer à prix d’or ces étoffes si vites envolées, certes, elles mettaient sur le corps un certain attrait mais tout de même. « Concernant ta cible préférée, je voulais d’ailleurs te parler de quelque chose… » Je ne vais pas tourner autour du sujet pendant des années, la franchise ayant toujours animé la nature de nos échanges.

Alliage improbable de la Gamine et de la Fatale. Mais alliage qui fonctionne, qui s’amplifie pour se fortifier un peu plus. Quelques regards s’attardent, tentent de comprendre la sorte de lien qui peut nous unir et personne ne peut se douter de notre réalité, et peu importe. Silhouettes contrastées qui déambulent dans le centre aseptisé, le commun de se questionner sur le pourquoi de leur présence en des lieux pareils. La boutique se déploie sous mes orbes et je me demande ce que je fais ici, balançant quelques traits à ton encontre, à ce couple sulfureux que tu formes avec celui que je considère comme mon mentor. « Nous le sommes tous, non ? » Sourire qui se déploie parce que c’est dans nos ombres qu’on se rejoint, dans cette sulfureuse hantise qu’on accepte au lieu de la rejeter, la folie, l’instinct, appelez ça comme vous voudrez. « Tu vas ? » dis-je en haussant les épaules et en laissant mes doigts continuer à parcourir les rayons. « Tu veux le rendre plus fou encore ? » Après tout, un homme ne l’est jamais trop, n’est-ce pas ? Evidemment, je dois te parler de ce que je projette. Pour lui, pour moi, et pour toi aussi quelque part, car cela pourrait voir vos relations quelque peu changer, même si ce n’est pas ce que je désire. Quelque part, je souhaite tous deux vous garder comme alliés. « Je veux lui proposer de me seconder. Depuis le départ de Iakov, il me manque une aide et je pense qu’il est celui sur qui on peut compter. » On volontairement employé, car après tout, toi aussi tu dois approuver. Je ne doute pas qu’au moins, tu lui donnes une partie de cette confiance. « Tu garderas ton propre libre-arbitre. » Comme ça a toujours été le cas, et je l’imagine suffisamment intelligent pour respecter ça.

Joey c’est cette femme qui préserve le mystère, qui n’en dit pas trop sur elle. Et je t’ai toujours respecté pour ça. C’est étrange aujourd’hui de nous retrouver ici toi et moi. Mais ce n’est pas vraiment pour me déplaire. Nos doigts parcourent ces dentelles affriolantes et mon sourire s’accentue davantage à ta réponse. Je t’imagine vénéneuse, redoutable de tes charmes et cette réponse m’indique que je ne fais pas fausse route. Je reste désespérément immature, bien loin des femmes de ta prestance, mais peu importe, j’assume. Cette virée ensemble, elle était proposée pour te découvrir, passer du temps avec toi autrement mais également aborder un tout autre sujet. Je vois tes doigts se crisper. Mes sourcils se froncent, puisque jusqu’ici mes plans se déroulaient à la perfection. « Je n’ai pas de roi, et je n’en veux pas. » Me soumettre à lui, ce n’était qu’une illusion. Une façon de nourrir ma propre route. Devon était pour moi un Allié, un Alter. Mais sous la coupe d’un homme, je n’ai jamais souhaité être. « Tu préférerai quelqu’un qu’on ne connaît pas ? » Pour ma part, le choix est vite fait. Dutch est celui pour lequel nous avons tous un sentiment de confiance, une réputation qui suffise à laisser quelques nuisibles à l’écart. La poigne nécessaire pour me seconder. « Pourquoi le perdrais-tu ? » Cette activité n’est pas plus risquée que les autres auxquelles il s’adonne et puisque selon moi, il ne me trahirait pas.

Gamine incendiaire mais innocente tout de même. Du moins concernant certains points. Capable d’arracher la gorge des hommes sans culpabilité mais non pas leur vertu. Ce genre de choses ne m’a jamais vraiment intéressé. Je ne suis pas volage, mais désespérément romantique, lorsque je trouve une âme qui me correspond, je le suis entièrement dévouée. Alors oui, je ne comprends pas la hargne qui s’éprend de ma belle Joey. Ses traits porcelaine qui semblent entrer dans une fusion insidieuse, ne comprenant pas que c’est la jalousie qui vient dévorer sous l’apparence implacable. Je ne comprends pas, mais je le sens parfaitement, et mes propres muscles se tendent par instinct sans savoir pourquoi, ni comment. Machinalement, mes phalanges continuent de parcourir les tissus. Peut-être que tu ne veux pas voir Dutch basculer davantage ? Peut-être ne veux-tu pas le voir côtoyer les filles ? Mais il le fait déjà pour nous honorer de fréquentes visites. Suspendue à tes lèvres, j’attends cette réponse qui me permettra peut-être de délier le puzzle. Langue perfide et venin appliqué, lorsque ton timbre résonne à nouveau, il n’a plus rien de doux et d’aimable, mais c’est bien la peur qui vient cracher sous les échos de glace que tu assènes. De surprise, mes sourcils se froncent un instant, mais je m’efforce d’offrir un visage plus neutre, qui ne trahira pas, la surprise d’abord, puis le dégoût et enfin le rire que m’inspirent tes craintes. Je reste neutre et immobile parce que j’ai ce sentiment d’être face à une Sauvage, une furie presque, et je ne connais que trop cet état pour y passer souvent moi-même. Replaçant une mèche derrière mon oreille, je laisse simplement mon regard se poser sur le tien, parce que les yeux parlent mieux que les mots, tout le monde le sait, mais tout le monde s’abstient de le reconnaître. « Je ne vois pas Dutch comme ça. Je ne le verrai jamais comme ça. » Autant que tu le saches. Oui il est bel homme. Oui il est prestant. Et oui, j’admire son charisme et son savoir-faire, autant que ses failles. « Il est comme un frère. Un mentor. » Et mon cœur bat pour un autre, bien que l’admettre est impossible, je suis encore censée pleurer un monstre nommé Stark mais c’est un autre qui dévore mon âme à cet instant précis.