Bon bah voilà, t'as perdu les garçons. Fallait s'y attendre en même temps. D'abord, tu arrives en retard ensuite, vous buvez comme des trous jusqu'à point d'heure en racontant de la merde, en vous prenez gentiment la tête et en rigolant de tout et de rien. T'en apprends des vertes et des pas mures, surtout au sujet de Gustin qui a mis enceinte une fille qui n'est apparemment pas sa copine actuelle. T'es qui pour donner des leçons de morale toi, miss je suis incapable d'être en couple. On te le rappelle bien d'ailleurs, qu'on ne t'a pas abandonné une fois mais bel et bien deux. Deux fois ce n'est pas rien. Ils ne sont pourtant pas choqués les mecs. Après tout, qui voudrait se donner du mal avec un cas désespéré comme toi ? Ricky est parti sans aucune explication, te demandant juste de ne pas le contacter. T'as pété ton portable une fois, parce que ça devait faire cinq fois que tu entendais que le numéro n'était plus attribué. Tu t'es rongée les ongles à sang et t'as beaucoup bu. Tu t'es battue plusieurs fois et la dernière fois, c'était il y a quelques jours, à la Nouvelle Orléans. Pour une fois, ce n'était pas ta faute. C'était ce gars là, qui t'a dragué avec qui t'a dansé et parlé longuement avant d'apprendre qu'il avait une copine. Une fiancée même ! Ah bah elle t'a fait la misère et t'as fini par lui coller ton poing dans l'oeil et elle, elle t'a maladroitement explosé la lèvre. D'ailleurs, t'as encore une marque. Cicatrice sur laquelle tu passes ton doigt, observant ton reflet dans le miroir abimé. Tu te regardes à peine, trop dégoûtée par la personne qui se tient en face de toi. Et tu penses à Ethan qui esquiverait un petit sourire en te disant sans doute que tu es une Warrior mais que ce n'est pas forcément comme ça que les filles doivent se comporter. Mais, tu ne sais pas trop si ce serait ses paroles en réalité. Peut-être qu'il dirait que tu es pathétique, qu'il aurait pas autant gâché sa vie si c'était toi qui étais partie ce jour-là. Peut-être qu'il serait déçu de la personne que tu es devenue ou peut-être serait-il triste ou même inquiet. Son souvenir s'efface petit à petit et tu sens la peur te parcourir tout le corps. Ta gorge se serre et tes yeux pétillent. Avant d'exploser, c'est Carter que tu vois. Carter et son sourire en coin qui disparait lorsque tu entres dans son champ de vison. Un murmure à peine audible avant que ta main effleure ton nez. T'as le coeur qui s'emballe, tes lèvres se pincent. Merde ! Le sang ruisselle, t'as trop forcé sur la poudre blanche. Tu ouvres le robinet, pas le temps de nettoyer que tu t'écroules au sol, dans ses toilettes vides de ce bar miteux, sans même voir la réponse d'Hayley s'affiche sur l'écran de ton portable défoncé lui aussi : J'arrive ! Mais toi, t'es déjà partie. @Hayley H. Greene

Blackout
w/@Andréa Davenport

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Hayley trépigne d’impatience tant elle a hâte de passer une nouvelle soirée aux côtés d’Andréa. Ça faisait longtemps qu’elles n’étaient pas sorties quelque part toutes les deux. Alors, quand la canadienne lui a proposé de se retrouver en soirée pendant le Spring Break, Hayley a immédiatement sauté sur l’occasion. Bon, d’accord, elle craint un peu de la retrouver d’un côté, cette amie qui a été dubitative le jour où elle lui a annoncé qu’elle était en couple avec sa colocataire à la réputation plutôt instable et volage ; il y aura sans doute deux ou trois piques par-ci par-là, mais bon. Passons, car les retrouvailles approchent et Hayley semble ne plus tenir en place à la vue du bar dans lequel elle a été conviée. Une véritable pile électrique qui n’a qu’une seule envie : danser jusqu’au bout de la nuit, boire quelques verres et s’éclater avec Andy, comme elles l’ont fait tant de fois. Et peut-être faire une connerie ou deux, comme d’habitude. Seulement, dans le bar, pas d’Andréa en vue. Pas de réponse de sa part non plus. Elle tente de la joindre pour savoir où elle se trouve exactement – savoir si elle ne s’est pas barrée avec une nouvelle conquête, juste au cas où. À peine le temps d’entendre le début de la messagerie vocale qu’une voix d’idiote qui a beaucoup trop consommé ce soir s’exclame près d’elle, « j’crois qu’y a une meuf ivre morte dans les toilettes ! J’vais finir comme elle ! ». Et là, un mauvais frisson lui parcourt le dos. Parce qu’elle la connaît, Andréa. Elle sait qu’elle est bien trop souvent no limit. Et elle n’aperçoit toujours pas son joli minois à travers la foule, et l’angoisse commence à monter. Tandis que sa raison lui dit d’aller jeter un œil dans les toilettes, son cœur espère voir une Andréa en pleine forme, en train de venir en aide à une inconnue. Il espère aussi voir une inconnue ivre morte, à laquelle elle viendra en aide, quitte à se faire rouspéter par une Andréa un peu high qui la cherche depuis dix minutes et qui trouve qu’elle est en retard. Mais en débarquant dans les toilettes, les pas s’arrêtent net, le cœur fait un bond dans la poitrine, l’angoisse explose.
« Andréa ! »
La peur, le choc semblent la paralyser le temps de quelques secondes, avant qu’elle ne se reprenne et se jette aux côtés de son amie. Le palpitant s’affole, dans le mauvais sens du terme, quand elle la découvre inconsciente, du sang s’échappant de son nez.
« Oh putain An-Andy, tu m’entends ? Andy, parle-moi, ses mains tremblent alors qu’elle sort un mouchoir de son sac, tente d’essuyer cet abondant filet de sang, dis-moi quelque chose… que t’es encore là… »
Tandis que sa propre respiration s’accélère, les gestes de premiers secours lui reviennent en tête. Putain Andréa, j’ai jamais voulu les utiliser pour la première fois de ma vie sur toi ! qu’elle a envie d’hurler alors qu’elle approche son oreille de son visage. Elle respire, c’est déjà une bonne nouvelle. Pas de massage cardiaque en vue. Puis vient la position latérale de sécurité, parce qu’Hayley sait. Elle sait qu’Andréa a trop consommé et que son corps n’en peut plus – n’en veut plus.
« Qu’est-ce que t’as foutu Andy… Les sanglots se mêlent à sa voix tandis qu’elle essaie de ne pas faire tomber son téléphone, tapant un numéro d’urgence. T’inquiète pas, j’appelle les secours… Reste avec moi Andy, j’appelle, t’inquiète… »
Hayley dégage une mèche du visage d’Andréa, la main tremblante. Elle se répète, cherchant à rassurer son amie si elle l’entend (et à se rassurer elle-même), avant de pousser un soupir, soulagée, quand elle entend une voix à l’autre bout du fil. Ça y est. Les secours vont être prévenus. Ils vont arriver.

Vous connaissez cette sensation ? D’avoir tout vécu, trop vécu mais à la fois pas assez ? Faut dire que tu as seulement une vingtaine d’années, t’es loin d’avoir fait ton temps bien que la vie n’est pas été tendre avec toi. Malgré le constat actuel, ta vie se met à défiler sous tes yeux comme si la fin était proche. Généralement, le film s’attarde sur les moments forts. Chez toi, ils sont souvent négatifs ou trop flous. Tu revois ton frère, lorsque vous étiez enfants mais, tout semble trouble. C’est comme si, au fil du temps, tu commençais à l’oublier et c’est la pire sensation que tu pourrais ressentir. Sa voix n’est que murmure. Son sourire s’efface pour laisser place au néant. T’as l’impression que son visage se transforme en un monstre au traits effacés, personnage d’un film d’horreur qui te crie dessus, en silence. « T’as gâché ta vie Andrea. J’en aurais tellement plus profité que toi... » Des mots blessants qui te transpercent le cœur. Sûrement autant que ceux que tu as pu dire à Carter après le décès de ton jumeau. « Tu ne seras jamais lui ! » Tous tes échecs qui te reviennent en pleine face. Et toi, tu t’enfonces un peu plus dans le néant. Là-bas, il fait froid et tellement noir. Tu te doutes bien que tu es plus proche de l’enfer que du paradis. Pourtant se ne sont pas les flammes que tu ressens mais un froid glacial et ton corps se met à trembler sans que tu t’en rendes comptes. Convulsions que tu ne peux contrôler alors qu’une voix lointaine tente de te ramener. Mais t’en as pas tellement envie. Bien que tu ne l’aies jamais formulé à haute voix, tu sais que ta place est la-bas, aux côtés d’Ethan. Et c’est vers lui que tu souhaites aller pendant que ton corps t’informe qu’il est temps d’arrêter, que s’en est trop. Les secousses, l’écume blanche qui glisse entre tes lèvres pour se déverser sur le sol et formé un rose pastel à l’aide de ton sang. Douce harmonie des couleurs. Tu pourrais presque entendre un air de jazz dans ta tête. Tu aimerais réussir à attraper la main qu’on te tend pour danser mais, c’est impossible. Tout est déconnecté. Tout a disjoncté. Qu’est-ce que tu aurais fait différemment ? Est-ce que la vie mérite d’être vécue ? Pour quoi est-ce que tu te bats et surtout pour qui ? Ricky qui est parti en laissant qu’un putain de mot ? Carter qui a préféré te fuir avant qu’il ne soit trop tard ? Tu es satan en personne et tu as que ce que tu mérites. Et si tu fermais les yeux un peu plus fort, serait-il possible de faire marche arrière ? Serait-il possible que tu prennes la place de ton frère ? Dire une dernière fois à Carter que tu l’aimes et que tu regrettes ton comportement d’enfant gâtée. Supplier Ricky de rester parce que sans lui, ta vie n’était rien d’autres qu’une succession d’actions sans intérêt. Leur crier que putain oui, ils étaient beaucoup trop bien pour toi mais bordel, qu’est-ce qu’ils te manquent. Reconnaître tes tords. Expier tes péchés et Dieu seul sait à quel point ils sont nombreux. Mais c’est trop tard Andrea parce qu’au lieu d’une sirène, c’est le rire de Satan que t’entend par delà ton imagination.

Blackout
w/@Andréa Davenport

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C'est horrible, de devoir d'expliquer la situation. De dire à haute voix qu'Andréa est inconsciente mais qu'elle respire, que le saignement provenant de son nez semble ne pas pouvoir s'arrêter. De l'autre côté du fil, on cherche à la rassurer, on demande encore plus d'informations, encore plus de détails. Hayley manque de faire tomber son téléphone quand elle le prend pour lire l'adresse du bar, envoyée bien plus tôt dans la journée. Puis elle panique quand elle réalise qu'il y a plein de détails qu'elle n'a pas forcément : est-ce qu'Andréa s'est cognée quand elle s'est effondrée ? Est-ce qu'elle a mélangé plusieurs alcools et plusieurs drogues ? Qu'est-ce qu'elle a pris exactement ce soir ? La peur lui ronge le ventre. Peur de ne pas apporter assez d'éléments pour sauver son amie. On lui dit de fouiller les poches de la victime si elle le peut, pour voir s'il y a un quelconque indice sur les substances ingérées. Pas le temps d'approcher une main que les yeux d'Hayley s'écarquillent, le corps de la canadienne réagissant à sa manière. Une nouvelle information à communiquer à la personne à l'autre bout du fil et, cette fois, c'est plus compliqué -- parce qu'elle fond en larmes, hoquette, telle une enfant secouée par un profond chagrin. Par la peur incontrôlable de devoir perdre un être cher. Parce qu'elle tient réellement, sincèrement, à Andréa. Vite, faites vite, qu'elle sanglote, une nuée de larmes chaudes coulant le long de ses joues. Elle a l'impression que le temps s'arrête, que les convulsions durent une éternité. Mais la voix contre son oreille lui dit de rester à côté de la victime (elle s'appelle Andréa bordel, qu'elle a envie d'hurler), de ne surtout pas chercher à l'arrêter et d'éloigner tout ce qui pourrait la blesser. C'est à ce moment-là que la blondinette récupère le portable à l'écran plus que fissuré de la jeune Davenport, le glisse dans sa poche. Sinon, à son réveil, elle lui en voudra. Quand les secousses prennent fin, c'est un soulagement immense. Et Hayley continue de se tranquilliser, peut-être de tranquilliser Andréa aussi, en murmurant les paroles les plus rassurantes qu'elle puisse prononcer à l'instant T. Ses propres mots résonnent, comme si elle s'était enfermée dans une bulle. Ça va aller, Andy. Ne me laisse pas. Ne nous laisse pas. Elle n'entend plus la voix s'échappant de son téléphone. T'es forte, Andy. Bats-toi. T'es là, tu vas bien. Elle n'entend pas les pas précipités qui débarquent dans les toilettes. Reste avec moi. Un cri de surprise lui échappe quand on empoigne son bras. On la force à se lever. On l'éloigne d'Andréa. La colère se mélange à la peur, à l'angoisse.
« Lâchez-moi ! Je veux rester avec elle ! Mais personne ne l'écoute. On la retient, on la tire hors de là, on l'éloigne encore plus. Non, faut pas la laisser toute seule ! Je peux pas laisser Andy toute seule ! LÂCHEZ-MOI !! » On l'entraîne dehors, là où une ambulance attend, puis tout se passe incroyablement vite. Un ambulancier cherche à savoir si elle va bien. Elle aperçoit Andréa. Sur un brancard. Il y a plein de gens autour d'elles. Sa tête tourne. Andréa disparaît dans le camion. Le moteur se réveille. « Laissez-moi monter avec elle ! » Elle hurle, se débat. Peut-être qu'ils pensent qu'ils doivent s'occuper aussi d'une hystérique… mais au moins, ils la font monter dans le camion. La sirène donne mal à la tête, la vitesse de l'ambulance aussi. On la retient encore une fois, quand trois professionnels sortent le brancard du camion avant de courir vers l'hôpital. Pour la énième fois, on lui demande si elle va bien. « MAIS JE VAIS BIEN PUTAIN ! Je… je veux juste voir Andréa… s'il vous plaît ! » Ce n'est pas possible. Bien sûr que ce n'est pas possible. Alors en attendant, on l'installe sur un pauvre lit, on la branche à une machine, on lui demande ce qu'elle a consommé. Malgré tout ce qu'elle leur dit, ils lui prévoient une prise de sang d'ici une heure. On la calme, on la laisse sécher ses larmes, on lui promet qu'elle sera la première à avoir des nouvelles de son amie. Quand il y en aura.

Pourquoi tu fais ça ? Tu ne l'as pas fait exprès. Certes, tu consommes avec envie. L'envie d'oublier ton passé. l'envie de te souvenir de ton frère, d'avoir des flash une fois ailleurs. L'envie de trouver ta vie meilleure qu'elle ne peut l'être actuellement. L'envie de lâcher prise, de ne plus se sentir vide. Parce qu'il est vrai que tu gardes toujours la tête haute. Tu ne souhaites pas qu'on découvre tes failles. Oui, oui, tu fais la fête de manière compulsives en prétendant que cela te rend cool alors qu'en réalité, tu te caches. T'as cette carapace impossible à percer. Tu ne montes pas à quel point tu as mal. Ethan qui s'en est allé, une page que tu n'as jamais réussi à tourner, le deuil qui n'a toujours été une possibilité. Ricky qui est parti mais, ce n'est pas grave parce que tu n'étais pas amoureuse, parce que vous n'étiez pas en couple. Et pourtant, ton coeur qui te crie aujourd'hui que t'aurais voulu essayé parce que c'était beau. Certes, vous vous faisiez plus de mal que de bien mais à force, t'es certaine que vous auriez pu avoir quelque chose de grand, de sincère. Parce que vous n'aviez aucun secret l'un pour l'autre, parce que tu n'avais pas besoin de faire semblant, parce qu'il acceptait tes vices mais aussi tes défauts. Et Carter trop bien pour toi. La seule bride de ton passé qui était potable. Les seuls moments de bonheur dont tu te souvenais. Tu t'approchais à un potentiel futur qui n'aura jamais lieu d'être. le désespoir. Les ténèbres. L'autodestruction. Tout s'envole au moment où tu crâne heurte le sol. Et tu pars vers un autre monde. Ton corps n'accepte plus. Il tente de te le faire comprendre. T'as chaud, t'as froid, tu trembles, tu convulses. Tu aimerais te réveiller mais tout de suite, tu ne t'en sens pas capable. Tu te dis que ça ne sert à rien de se battre, que tu t'épuiserais encore plus à te débattre contre ton avenir. Mais y a cette voix qui te pousse malgré tout à ne pas flancher. Parce que tu sais qu'elle s'en voudrait, Hayley. Tu croises les doutes pour ne pas la traumatiser, seulement la dissuader de suivre le même chemin que toi. Elle mérite tellement mieux. Mieux qu'une vie de débauche et mieux qu'une amie comme toi. Une meuf qui se fout de tout et de tout le monde, qui en a rien à faire de passer de l'autre côté. Sirènes des ambulances qui s'éloignent et finissent par se taire. Des heures passées à entendre les murmures des médecins, leurs diagnostics et leurs inquiétudes, ces jugements sur le fait que tu n'as que vingt ans. Saloperie de conscience que tu souhaiterais éteindre. @Hayley H. Greene