Mon histoire ?

Je suis l’une des héritières de la société Clarins, ce monstre de la beauté présent à l’international. Mon grand-père, Jacques, en est le fondateur. Aujourd’hui, mon oncle et Papa sont à la tête de l’entreprise familiale, Papa étant son actuel directeur général. Autant vous dire que mes grandes sœurs et moi n’avons jamais manqué de rien – au niveau financier certes, mais également au niveau éducation et amour. Papa et Maman ont toujours été derrière nous. Ils ne nous ont jamais lâchées, se sont toujours montrés aimants et bienveillants avec nous. Ils nous ont appris à nous battre, à nous défendre, à prouver que nous pouvons avoir autant de mérite que les autres, que nous pouvons être les meilleures si nous le voulons et, le plus important, que nous ne devons jamais tenir les choses pour acquises. Ce n’est pas parce que Grand-père a fait fortune grâce à Clarins, qu’il nous laisse ainsi un héritage conséquent que nous devons nous la couler douce, penser que tout va nous tomber tout cuit dans le bec. Parce que la vie est trop imprévisible, qu’elle a la capacité de reprendre ce qu’elle nous a donné en une fraction de seconde.
Ça, Maman le sait mieux que personne puisqu’elle souffre de ce que les médecins appellent le DICV, Déficit Immunitaire Commun Variable. Il semble que cela soit inscrit dans nos gènes, puisque j’en suis également atteinte, mais dans une moindre mesure. On me l’a diagnostiqué alors que je n’étais qu’une enfant, après avoir fait des sinusites, otites, pneumonies, bronchites à répétition. En grandissant, mes sinusites se sont transformées en sinusite chronique. Au lycée, des médecins m’ont prescrit un traitement sur le long terme afin de protéger mon corps contre des infections non désirées.

Pour une fois, les médias ne sont pas au courant de nos déficits immunitaires primitifs. Seuls Papa et mes sœurs sont au courant, et je compte bien faire en sorte que cela reste comme ça.

Mis à part ce désagrément qui a pu m’handicaper de nombreuses fois, j’ai toujours fait en sorte de bien travailler à l’école, au point que j’ai pu sauter une classe, passant du CP au CE1. J’ai toujours fait en sorte de donner le meilleur de moi-même. D’être la meilleure. Partout, dans n’importe quelle situation, tout le temps. Et je réussissais, tout en gardant les pieds sur terre – car Papa et Maman nous ont également appris ça, et je crois que nous ne les remercierons jamais assez. Même si de très nombreuses personnes pensent le contraire, ou pensent que nous le faisons exprès pour faire croire que nous sommes comme tout le monde malgré notre statut de privilégiés et les centaines de millions d’euros qui gravitent autour de nous.

À 15 ans, j’ai eu ma toute première relation amoureuse avec un garçon, qui a d’ailleurs été ma première fois. Je le portais dans mon cœur d’une certaine manière, mais je n’ai jamais été amoureuse de lui. Notre relation a tenu moins d’un an, mais il a été ma seule relation sérieuse. Parce qu’après, j’ai décidé de m’amuser, de profiter, plutôt que d’être enfermée dans une histoire d’amour. Parce que je trouvais que ma sœur aînée qui, à 22 ans, s’était déjà mariée, prisonnière d’une relation plus qu’officielle. Alors j’ai enchaîné les histoires sans lendemain.

Vous voyez, rien de bien intéressant. En revanche, ces dernières années ont été rythmées par quelques scandales dont j’ai fait l’objet. Car les gens riches et célèbres sont toujours épiés. Car ils ont autour d’eux ce que j’appelle des amis déguisés ; ceux qui vous sourient, vous complimentent, s’affichent à vos côtés, attendant simplement le moindre faux pas de votre part pour s’en emparer et vous faire tomber.




Janvier 2013. J’avais 16 ans. Post-nouvel an, j’étais conviée à ma toute première soirée – moi, la studieuse enfant de bonne famille que j’étais (que je suis peut-être encore un peu). Comment l’oublier ?

J’étais complètement déchirée ce soir-là, pas du tout habituée à boire des quantités d’alcool phénoménales en si peu de temps. En général, si je buvais, c’était lors de soirées mondaines durant lesquelles je me contentais d’une coupe de champagne, puis d’un ou deux verres de vin. Ce soir-là, c’était loin d’être du champagne et du vin. C’était plutôt une multitude d’alcools forts, avec des mélanges à gogo, et ça coulait à flots. Vous avez sans doute déjà entendu parler des excès des gosses de riches – c’était ça. Du pur excès.

Ma première soirée. Mes premiers excès. Ma première cuite. Mes premiers baisers fougueux avec une autre fille. Mon premier scandale.

Le lendemain matin, c’était déjà la folie dans certains magazines people. Quand je me suis levée, j’étais dans un sale état – mais je crois que Papa, c’était pire. Il avait cet air mécontent et renfrogné sur le visage, comme quand je faisais des bêtises quand j’étais plus petite. « Plus jamais », qu’il a dit, en jetant un magazine à la poubelle. Il y avait un article sur sa dernière petite princesse, accompagné de photos qui n’étaient pas du tout dignes d’une princesse. Il y en avait cinq : deux où on voyait que j’étais complètement morte, des bouteilles plus ou moins vides à la main, et trois où il y avait mes mains sous le pull de cette fille, celle qui m’avait plaquée contre le mur pour m’embrasser parce que la tension entre nous était à son comble.
Mais plus jamais quoi ? Être complètement déchirée, ou embrasser une fille ? Je lui ai demandé. Papa n’a jamais répondu. Maman, quant à elle, a levé les yeux au ciel et s’est levée de table. Aujourd’hui encore, je ne sais pas si c’était Papa ou moi qui l’avait exaspérée.




Mai 2014. J’avais 17 ans. Tous les Courtin-Clarins avaient été conviés à un énième gala mondain, et j’avais fait le déplacement à Paris.

Il y avait du beau monde, comme d’habitude. Comme le fils du Président de la République, par exemple – et il faut dire que je lui avais tapé dans l’œil. Spoiler alert : ce n’était pas réciproque. Parce que même au niveau de mes relations, je suis capricieuse, et ce jeune homme ne me plaisait pas le moins du monde. Lui n’était pas du même avis : il ne m’a pas lâchée de la soirée malgré le fait que je repoussais ses avances, toujours en train de glisser des flatteries plus ou moins subtiles à mon égard et une main dans mon dos. Il continuait à me draguer puis, se sentant pousser des ailes, m’a mis une main aux fesses. La baffe est partie. C’était instantané, un réflexe.

C’est tout ce que l’on retient de cette soirée relativement tranquille et ennuyante. Une vidéo a immortalisé ce moment, offerte par l’une de mes très chères sœurs qui voyait très clairement à quel point j’étais agacée. Elle l’a publiée sur les réseaux sociaux, et la presse s’en est emparée. Le lendemain matin, Papa m’a passé un savon, le deuxième en quelques heures puisque j’avais eu le droit à une remontrance en rentrant à la maison.




Décembre 2014. Je revenais sur Paris le temps des vacances d’hiver pour fêter mes 18 ans. Et mes mauvaises habitudes de soirée revenaient de plein fouet : j’ai testé mes limites, j’ai bu jusqu’à ne plus pouvoir ingérer une goutte d’alcool parce que c’était juste trop. Encore une fois, et comme à chaque fois, j’étais bien intoxiquée.

Action ou vérité. J’ai choisi action, parce que je suis Céleste Courtin-Clarins, que j’étais la reine de la soirée et que les défis ne me faisaient et ne me font toujours pas peur. « Fais un strip-tease pour Martin », et c’est ce que j’ai fait, ignorant les portables que les autres dégainaient. Plusieurs photos sont ressorties, mais une a été plus relayée que les autres : celle où j’étais en train de boire au goulot d’une bouteille de vodka qu’il fallait vider, tout en étant assise sur les genoux de ce jeune homme, en soutif, le short déboutonné et prêt à être jeté au sol.

Après cette soirée, on m’a traitée de dévergondée, de dépravée. Un article a dit que j’étais le déshonneur de ma famille.

Trois gros scandales entre janvier 2013 et décembre 2014. Papa était furieux. Mais les insultes dont j’avais été la cible ont calmé le volcan en lui qui menaçait d’exploser à tout moment, et il a soufflé : « Promets-moi de faire attention. À toi, et à notre réputation. »




Juillet 2018. J’avais 21 ans. J’étais de retour sur Paris pour les vacances d’été.

Que ce soit à Boston ou à Paris, les habitudes restent les mêmes. Je m’allongeais dans les draps d’un charmant jeune homme le temps d’une soirée, d’une journée ; puis j’allais me glisser dans ceux d’un autre, et ainsi de suite. Mode repeat. Toujours la même rengaine. Mais cet été-là, un nouveau scandale alléchant a éclaté, quelques jours après avoir passé une nuit mouvementée dans les bras d’un énième inconnu. Des photos ont de nouveau circulé. Des photos de moi, la riche héritière, en petite tenue. En très petite tenue, même. En string échancré, et sans soutien-gorge.

Je sais qu’il y a eu des échos de ce scandale ici, à Boston – sachant que j’avais quitté la France pour Boston trois ans plus tôt pour poursuivre mes études à la prestigieuse université d’Harvard, certains journalistes stupides (et peut-être un peu jaloux) ont fait en sorte que cette histoire traverse les océans.




À cause de ces quatre scandales, on peut dire que je suis le vilain petit canard de la famille Courtin-Clarins. Mais rassurez-vous, mes très chères grandes sœurs ont, elles aussi, quelques secrets et scandales à leur actif.