Lorsqu'il pousse la porte du starbuck, Shade n'hésite pas à tenir la porte à la famille qui le suit derrière lui. Lorsqu'ils le remercient, il les observe tandis qu'il apporte son café chaud à ses lèvres. Le grand blond le sait, qu'il n'arrivera pas à avoir ce genre de choses. En tout cas pas pour le moment. Et tandis que dans son entourage, ses proches se bousculent l'entrée de la vie complètement adulte et de famille, lui est bientôt trentenaire et seul. S'il avait envisagé de commencer quelque chose avec Leah, il était tombé de son piédestal, le ramenant à ses vieux démons. Shade avait prit conscience que décidement, une vie stable ne serait pas pour lui. Il avait enchaîné les femmes dans son pieux durant des semaines et avait joué le connard à ne pas les recontacter. Pour le moment, il n'était pas d'humeur à s'attacher ni à faire croire quoi que ce soit. Il avait juste besoin de se défouler. Tandis qu'il avançait en direction de son bureau, il aperçut face à lui une vieille amie... ou plutôt petite amie. La première. "deirdre ?" qu'il demanda, narquois. Il était foudroyé. Elle poussait...une poussette ? Ses sourcils se froncèrent en même temps qu'il se mit à sourire car il était persuadé qu'elle était devenue plus qu'une nourrice. Non ? "mais comment tu vas depuis le temps ?!" c'était sortit tout seul.

Un nouveau quotidien se dévoile, un quotidien de mère. De congé maternité, bien que depuis quelques jours, je travaille entre deux siestes de Cain sur mon projet de start-up. Le monde n’est pas assez vaste pour mes ambitions mais la plus grande réside ici entre mes mains, à l’abri du froid dans la chaleur d’une nacelle confortable. Epousant de nouveau avec plaisir l’aiguille de mes talons bien que la neige s’entête à parer Boston, je suis plus que décidée à retrouver mes habitudes d’antan. Marcher en fait partie, histoire de retrouver la forme assez vite, je ne peux pas encore courir, mais cela ne saura tarder. Déjà ma silhouette ne garde que peu de traces de ma grossesse. Je suis tout absorbée par la douceur de mon enfant, par l’atmosphère presque paisible qui se dégage des rues, sortant de la clinique de Jude pour retrouver la chaleur du foyer. Je sursaute un peu à cette voix familière qui résonne. Absinthes révélées et le sourire se déploie, malgré tout. Un cœur que j’ai lacéré de mes griffes juvéniles, mais paradoxalement un cœur que j’avais aimé et affectionné tout de même. « Shade ? » Le regard se fait complice, parce que ce genre d’interrogations est toujours un peu banale lorsqu’on se reconnaît au premier regard. Et mes lèvres s’étirent davantage lorsque j’observe la surprise se dessiner sur tes traits à me voir dans cette posture de maman. Il est vrai que cela peut être inattendu pour quelqu’un comme toi. « Et bien comme tu le vois, je vais bien. » J’avance légèrement la nacelle pour que tu puisses voir le nouveau-né qui dort paisiblement emmitouflé. « Je te présente Cain, mon fils. » Regard de côté et interrogations dans mes prunelles. « Et toi Shade, comment tu vas ? »  

L'aisance qu'il déploie lorsqu'il l'interpelle est naturelle. Ils ont passé du temps ensemble, beaucoup trop, même si cela faisait des années. Presque une décennie même. Il se rappelle de cette femme, il s'en rappellera toujours. Elle est celle en laquelle il a cru et pourtant, la seule qui lui a autant brisé le coeur. Il était devenu celui qu'il était après cela, peut-être, et surtout, à cause d'elle. Deirdre. Une femme intelligente et pleine de surprise qui lui avait apprit bien des choses sur les femmes. A présent, il ne lui en voulait plus. Il aimerait même la remercier, car il se plaisait dans la situation qu'il s'était trouvé. Mais il avait bien changé depuis ces années. Petite brindille qu'il était, était devenu un homme fort qui prenait soin de lui. Lorsqu'elle lui répond, il est prêt à tomber à la renverse. Tant de choses changeaient autour de lui. Tant de proches épousaient un avenir plus glorieux, teintée d'une famille et d'enfants à leurs côtés. Chose qu'il n'aura jamais selon lui. Il ne sait même pas comment répondre face à sa révélation. Il ressent pourtant toute la douceur dans sa voix quand elle lui présente son fils. Il sourit alors et regarde le petit être dans la poussette. "des félicitations sont de mise deirdre." Une maman. Il avait pourtant tant de mal à la voir ainsi. Mais bien sûr, le temps avait passé, les aspirations aussi. "tu as l'air épanoui, je suis content pour toi." qu'il dit en souriant. Il était sincère. Il ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir été elle-même, jeune et envie de connaitre les plaisirs de la chair. "moi toujours pareil. toujours aussi bien même si, je n'ai pas autant évolué que toi !" une vérité qu'il n'avait pas de mal à avouer. Il n'était pas prêt pour tout cela à vrai dire. Ses yeux reviennent sur elle. "et qui est l'heureux élu ?" Il était curieux de savoir, curieux d'en savoir plus sur ce qu'elle était devenu, comment elle avait évolué, quel chemin avait-elle prise ? A présent, il se sentait bien, mais tout de même à la ramasse de rester sur stand by. Des contradictions qui commencent alors à se dessiner dans son esprit.

  Juvéniles années. Failles trop grandes pour te porter. Dans ces temps, je fuyais l’attache, redoutant l’abandon et la suite de l’histoire m’a appris que mes craintes étaient fondées. Sois rassuré, le sort s’est sans doute vengé du mal que j’ai pu te faire, à toi et aux quelques autres que j’ai abandonné sur le rebord de mes doutes. Cœur empli à mon égard et moi qui n’avais que des désirs pour les briser. Provoquant le mal avant que le destin ne se charge du reste. Je n’en suis pas fière, mais j’étais ainsi. Les années m’ont appris à être vulnérable et à accepter de l’être. Je vois ton visage s’adoucir face à mes révélations, plus vraiment de haine dans tes yeux, peut-être que tu ne me détestes plus vraiment à présent. Moi je ne l’ai jamais fait. Je t’ai aimé oui. A ma manière et ce n’était pas la bonne. Tu es devenu plus fort, plus construit et une force tranquille s’échappe de toi désormais. « Merci. » dis-je avec un mince sourire avant de laisser mon regard alterner de toi à mon fils. Peut-être que les choses auraient été bien différentes si je n’avais pas tout gâché. Et l’espace d’un instant, je me complais à y songer. « Il est la meilleure chose qui me soit arrivée. » Ancre à laquelle me lier, attache des plus solides de celles qui se tissent entre une mère et son enfant. Sentiment que je n’avais jamais connu et que je me plaisais à découvrir. Moi l’orpheline maudite, j’ai désormais une famille. « Comment ça ? Tu ne donnes pas cette impression. » Mes absinthes balaient rapidement ta silhouette, tu as l’air d’un homme accompli, puissant, charismatique et je n’en attendais pas moins te concernant. Tu évoques peut-être ta vie sentimentale mais la mienne n’est pas vraiment mieux pour être honnête, tu n’as pas à pâlir. « Il n’y en a pas. » Les lèvres s’étirent comme sûres d’elle. Le père n’a pas souhaité s’investir et c’est bien mieux ainsi. « Enfin, il y a quelqu’un mais ce n’est pas le père. » Officiel, mais officieusement, il endosse chaque jour un peu plus ce rôle. Pour autant, je ne tiens pas à sauver les apparences en annonçant qu’il est ce qu’il n’est pas. « Et toi ? Raconte-moi ? Tu as un peu de temps pour faire un tour au parc avec moi ? » Mon sourire est doux, presque suppliant, j’imagine que tu es fort occupé et bientôt, je le serai tout autant que toi, mais nous venons de nous retrouver alors autant en profiter.

Elle était celle qui l'avait plus ou moins forgée. A sa manière, elle avait été le puissant arsenal qui avait construit le Shade d'aujourd'hui : un briseur de coeur, incapable de s'attacher, allergique à l'amour. La peine qu'elle lui avait infligée avait été telle que durant des mois, il en avait été chamboulé. La première peine de coeur, et bien la seule de sa vie. Naïf, innocent, il ne s'était pas douté une seconde que ça pouvait être les femmes les vipères. Traîtresses. Mais les années avaient passé, et s'il devait avoir de la rancoeur envers quelqu'un, c'était envers lui-même. D'être devenu celui qu'il était. Et tandis qu'il avançait dans le vide, Deirdre avait aussi évolué. Elle avait trouvé le bonheur, un bonheur bien à elle et capable de la satisfaire. Il ne savait pas ce qu'il serait advenu s'ils étaient restés ensemble. Sûrement, pas l'homme qu'il était devenu. Peut-être bien différent, ou encore pire que ce qu'il était. Ses principes n'avaient pas bougé depuis. Il était devenu juste plus... terre à terre. Mais revoir Deirdre lui rappelait quelque peu à quel point les femmes pouvaient être cruelle parfois, et se relever des années plus tard pour être meilleure que ce qu'elles étaient. Les erreurs du passé sont faites, et on ne peut pas les changer de toute manière. "je n'en doute pas. un enfant, ça change une vie. ça donne un sens." Apparemment. Lui ne connaissait pas ce sentiment et il enviait parfois ceux qui avaient la chance de le ressentir. "oh disons que, avoir ce que tu as en ce moment, ce n'est pas dans mes cordes." Il ne rentre pas dans les détails, mais il est clair que ce n'est pas demain la veille que Shade aura un enfant. Encore faudrait-il la femme pour. Et il refusait d'offrir à un enfant, une vie où ses parents seraient séparés. Shade pâlit lorsqu'elle lui annonce que le père n'est pas présent. Décidemment, elle était clairement pleine de surprise. Forte, elle l'avait toujours été. Courageuse, évidemment c'était son leitmotiv. "du moment qu'il te traite bien. c'est l'essentiel. il vaut mieux être seule que mal accompagné comme on dit. enfin, même si tu ne l'es pas." Il lui sourit. L'ambiance cordiale qui siégeait entre eux lui faisait plaisir, notamment lorsqu'elle lui proposa de l'accompagner. "pourquoi pas. allons-y !" qu'il répond en prenant le pas pour s'y rendre. Tandis qu'ils marchent, jetant un coup d'oeil au bébé dans le landau, il répondit à sa curiosité. "je n'ai personne dans ma vie. à vrai dire, après toi, je n'ai plus jamais eu personne. pas aussi sérieux en tout cas. je suis devenu un loup solitaire qui erre dans des lits différents, sans jamais s'attacher." Il n'a aucune honte à le dire, presque, reconnaissant quand il l'avoue à la brune. "n'ai pas pitié. c'est une situation qui me va." Un rire qui s'échappe, pour la rassurer.

 
Il est toujours étrange de contempler les vestiges d’un passé commun à la lueur du présent. Les silhouettes ont évolué, ont gagné en assurance, quelques sillons supplémentaires se sont tracés sur le marbre autrefois juvénile de nos visages, mais malgré cela, le passé revient comme un boomerang. Me rappelant un instant où j’étais bien plus différente qu’aujourd’hui. Libre et sans attache, froide et au myocarde anesthésié, de peur de voir l’attache de révéler, je brisais les chaînes avant même qu’elles n’entaillent. Fuir avant d’être abandonnée. J’avais reproduit quelquefois l’erreur avant de comprendre qu’il valait mieux poursuivre des relations éphémères, puis le temps avait fait son œuvre. Et j’avais à mon tour souffert, comme un juste retour de mes erreurs. « Exactement. » Je ne vois pas comment mieux résumer le sentiment que donne la parentalité. Mince sourire aux lèvres, malgré les éraflures, les choses sont aujourd’hui plus apaisées entre nous. « Ce n’était pas prévu tu sais. » Je ne suis pas le genre de femme à faire un bébé toute seule, tout simplement parce que c’est déjà l’histoire de ma mère, comme une malédiction qui se porte encore et encore. Mais j’ai simplement décidé d’en faire autre chose, transcender la destinée. « J’ai appris que j’étais enceinte à plus de quatre mois de grossesse, je n’ai pas eu vraiment le choix, mais je ne regrette pas aujourd’hui. » Mon regard se baisse sur l’enfant que je contemple avec une infinie tendresse. Cela peut sembler étrange, mais je ne sais tout simplement pas comment je ferai désormais sans lui. Je compte bien lui raconter son histoire, être sincère, même si le contrat qui me lie au père impose une certaine forme de mensonge, je ne dissimulerai pas l’essentiel. Après tout, je n’ai pas à porter sa propre lâcheté. « Il me traitait comme une mal-née, une femme dont on doit avoir honte. Je refuse d’être une ombre et je sais ce que je vaux. » Femme avant tout portée par l’orgueil, par une arrogance qui m’est propre, je ne laisserai personne me piétiner de la sorte. Je reste malgré tout une femme sauvage et indomptée, mêmes si aujourd’hui mon cœur soupire pour un homme. « Celui que j’aime m’accepte comme je suis et je l’accepte tel qu’il est. » Et c’est avant tout pour moi la première preuve d’amour, ne pas vouloir changer l’autre. Mais il faut l’expérimenter pour le comprendre. Je te propose de poursuivre notre discussion dans le parc adjacent et tu acceptes avec joie. « Super. » Je suis simplement sincèrement heureuse que tu partages un bref instant avec moi. Surprise par tes aveux, je tourne un instant le regard vers toi, bien sûr que tu n’en souffres pas, je n’en ai moi-même pas souffert pendant des années. « Je suis désolée Shade, j’étais jeune et trop brisée. Mais je reste persuadée que tu trouveras un jour une personne à ta hauteur, ce n’est peut-être juste pas l’instant. » Regrets qui viennent s’éprendre un instant dans ma gorge. Mais peut-être es-tu heureux de conquêtes plus éphémères ? « Tu dois avoir un sacré palmarès, je suis par conséquent plus que flattée dans mon orgueil d’avoir une place particulière dans ton cœur, même si ce n’est pas la meilleure. » Femme possessive et entêtée toujours, je reste parfois fidèle à mes fantômes d’arrogance, aux manières les plus malsaines d’exister tout simplement. « Tu as compté aussi. » Je tiens à le dire, à te le signifier même si mon attitude a parlé l’inverse. C’est pour cette simple raison que la fuite s’est imposée. « Je voulais faire mal avant de souffrir moi-même. » Et pourtant ça ne m’a pas épargné. « Et autrement tu fais quoi ? Hormis briser des cœurs ? » Un sourire mutin accompagne les paroles, je ne doute pas du prestige dans ta carrière.

C'est étrange comme sensation. De ne pas en vouloir à la femme qui a rendu cet homme ainsi, tel qu'il est. Un coureur de jupons, brisant des coeurs. Pourtant il avait été croyant sur l'amour indéfectible que cette femme, en face de lui, lui partageait à l'époque. Trop naïf, plutôt maladroit à ce moment. Elle était celle qui lui avait apprit, qu'un coeur doit se protéger. Il est d'autant plus étonné de la voir dans cette situation aujourd'hui. Elle, maman, le visage inchangé quoique moins jeune qu'avant. Car son visage étincelait d'une certaine sagesse qu'elle avait acquise avec les années. Lui aussi, devait prêter ce même type de traits. "alors, ca a dû être une belle surprise pour toi." car quoi de plus beau qu'un petit être ? voulu ou non, ce bébé était un cadeau du ciel. Une infinie douceur et même lui, se tordait comme un chocolat tendre pour ce petit être qui dormait dans la poussette. "et ne le regrette pas. tu es resplendissante de bonheur, ça se voit. et si ça c'était passé autrement, tu aurais été malheureuse." Comme s'il la connaissait bien, alors que les années avaient coulé entre eux et qu'elle avait dû changer depuis leur derniers échanges. Shade avait plus d'ardeur aujourd'hui, était moins naïf, c'était lui qui faisait souffrir les cœurs après qu'on ait étendu le sien en miettes. Et apparemment, elle avait eu son lot après lui. Comme le revers de la médaille. "tu vaux mieux que ça. aucun homme ne devrait traiter une femme comme ça. pas quand tu es toi, deirdre." car il se rappelait à quel point elle était orgueilleuse, fière. Il n'y avait donc pas de place pour un tel homme dans sa vie. Même lui qui devrait lui en vouloir, ne lui souhaitait pas cela. Puis, sa phrase lui fait écho. Comme un éléctrochoc à lui même. Tous ses problèmes du moment se relevait à cela : se faire accepter par Leah avec les défauts qu'il avait. Shade n'était qu'un individu offrant du plaisir aux femmes. La seule relation qu'il avait eu était avec Deirdre, le seul exemple qu'il avait. Il ignorait tout de l'amour, des sentiments et de comment tout cela marchait. Après cela, il se contenta juste d'hocher la tête, divaguant face à ce qu'elle venait de lui dire. Il est sortit de ses pensées lorsqu'ils arrivent au parc et que la conversation tourne sur des remords à peine dissimulé. Il sourit à la jeune femme. "je te remercie pour ça. jamais je n'aurais cru qu'on aurait ce genre de conversation un jour. mais je comprend. on était tous les deux jeunes et trop inexpérimentés. tu as profité de ta vie et pour ça, je ne peux pas t'en vouloir." Mais il doute pouvoir un jour trouver quelqu'un. Car cette histoire l'a repoussé face aux relations amoureuses, malheureusement. "c'est vrai que t'as été l'élément déclencheur. et je te dis pas ce qui est passé dans mon lit après ça." Il se permet de rire, car ce qu'elle lui avoue est flatteur, et la vérité dure. "et tu es bien la seule pour qui j'ai eu des sentiments sincères. même si ce n'était pas ton cas." blasé par cette horrible vérité qui lui rappelle comment il avait été déchiré par ce fait. Un sourire qui s'estompe et se pose sur elle. Estomaqué par ce qu'elle lui avoue. C'est comme un poids sur ses épaules qui disparait et qui change toute la donne, tout ce qu'il s'était imaginé. Il n'a que mot dire face à ses révélations, et il comprend à quel point Deirdre se protégeait elle-même à cette époque. Comme il se protège lui aujourd'hui, de la même manière. "merci pour cette sincérité." qu'il dit simplement en réponse à cela. Il n'y avait rien d'autre à dire, et il n'était plus utile de parler du passé car c'était enterré. "je suis détective privé. j'ai ouvert mon cabinet après harvard et j'ai abandonné la médecine. et oui ! si t'as besoin de quoi que ce soit, je peux te passer ma carte." petit sourire aux lèvres qui se redessinent. Et une question qu'il lui retourne. "et toi ? je ne doute pas du prestige de ta carrière. t'as toujours été si ambitieuse." Il s'assied sur un banc et lui fait signe de venir à ses côtés pour qu'ils soient plus à l'aise. "c'en était même terrifiant par moment." plus sur le ton de l'humour que pour être négatif. Shade avait toujours apprécié les femmes avec de l'ambition et brillante. Deirdre était de celles-là.

 
C’est sans doute le destin qui nous a mis sur la route l’un de l’autre comme pour apaiser nos tourments, nous démontrer que malgré tout le temps accomplit son œuvre et que les pires déchirures peuvent trouver un certain apaisement. Silhouettes désormais complices malgré les blessures infligées. Elles furent mutuelles bien que tu ne l’ai pas vécu de cette manière. « Au début c’était effrayant, sincèrement, je venais de prendre mon poste, mais finalement tout se passe pour le mieux. » Et ce petit-être est le trésor qui m’est le plus cher. « Merci. Je me rends compte qu’il m’aurait manqué quelque chose effectivement. » Ainsi est faite l’arrivée d’un enfant, on se demande comment on faisait sans lui, comment le quotidien pouvait avoir du sens. « Tu aimerais en avoir ? » Question posée curieusement malgré ton goût désormais pour les conquêtes. Le but peut rester identique au fond, un jour prochain, plus ou moins lointain. Je reviens rapidement sur le père et ne peut qu’approuver tes dires. « Oui, j’en ai pris conscience, c’est un homme que j’ai aimé et je l’aimerai toujours car il m’a donné mon fils, mais nous n’étions bons que pour nous détruire. » Influence malsaine et réciproque, mon goût pour les tourments m’avait mené une fois de plus sur la mauvaise voie. Et puis, le besoin se fait sentir sur le pourquoi je t’avais laissé toi. J’étais incapable de l’analyser et le réfléchir alors, mais les années m’ont aidé à voir plus clair, à entrevoir mes conduites entre les failles qu’avaient laissé l’absence d’un père dans ma vie, puis celle d’une mère. Il est parfois difficile d’avancer lorsque les fondations sont si bancales, alors il faut en prendre conscience et avoir le courage de s’aimer. C’est une chose que je tentais désormais de faire. « C’était mon cas mais je n’étais pas douée pour le montrer. » Et quelque part, je trouve ça regrettable que ma conduite ait brisé ton propre cœur. « Je t’en prie, je te la dois à défaut d’avoir pu le faire avant. » Espérant que cela t’aidera à avancer sur ta propre route. « Nous sommes bons amis alors ? » Comme des enfants qui enterreraient la hache, continueraient sur des chemins plus sereins. « Classe. Tu ne regrettes pas la médecine ? » Ironique aussi, que tu enquêtes sur les propres crimes que tu peux perpétrer, adultères en pagaille. « Je n’avais pas le choix pour devenir quelqu’un. Je suis directrice de recherche en onocogénétique chez Pfizer et je monte ma start-up. » Incapable de m’arrêter sur un trône déjà suffisamment prestigieux pour mes ombres.

 
J’ai sans doute minimisé les dégâts que j’ai pu faire dans ta vie. Mais nous étions encore jeunes et inconscients des blessures engendrées. La vie réserve des surprises et te rencontrer ici et maintenant, en est une de taille. « Tu as tout le temps pour ça. » Nous étions encore jeunes et qui plus est pour un homme. Tu avais tout le temps de te poser, de trouver la bonne personne et quelque part c’est tout ce que je peux te souhaiter. Que tes démons s’apaisent, que les failles se referment, un jour tu croiseras celle qui aura ce pouvoir, j’en suis certaine. Parce que ton âme est bonne, quoi qu’il advienne et qu’importe les écorches qu’ont pu y laisser mes griffes acerbes parmi tant d’autres. « C’est certain, mais ça lui appartient. » Il a eu le choix et fait celui de m’ignorer et de faire comme si notre enfant n’avait jamais existé. Nourrir la théorie du complot, ma responsabilité dans l’affaire avait été plus confortable pour lui, mais le leurre serait éphémère c’est une certitude. Je ne sais pas pourquoi mais je ressens le besoin de te présenter mes excuses, de revenir sur ma conduite passée. Je n’avais pas pu analyser les choses comme il faudrait à cet instant-là, trop rongée par mes béances, trop aveuglée par mes propres tourments. Je voyais les choses différemment désormais même si je ne pouvais pas défaire ce qui avait été fait, ni le regretter. C’était notre destinée. « Tu vois, tout arrive n’est-ce pas ? » J’étais cette femme froide, arrogante, pétrie dans son orgueil ? Je peux encore l’être à certaines occasions, mais les failles rongent moins, la colère ne m’enflamme plus. Je défends ce que je veux obtenir sans plus ressentir ce besoin d’écraser le reste. Je grandis oui. Je m’apaise. Je viens prendre ta main dans la mienne, un sourire rayonnant sur le visage. « Bons amis. » Et je suis chanceuse de t’avoir. « Tu as trouvé de quoi nourrir ta curiosité et ton besoin de déterrer les choses enfouies. » Je ris doucement. Après tout, tu ne faisais que révéler au grand jour des secrets qu’on voulait taire. J’en avais ma part, et sans doute que j’aurais redouté un homme comme toi il y a encore quelques années en arrière. « Je veux exister par moi-même, je veux que mon enfant soit fière de moi. » Et quelque part, mon père aussi oui. Une part de moi veut toujours le voir regretter de m’avoir abandonné. Lui montrer que quelque part je suis sa plus prestigieuse dépendance, celle qui lui ressemble le plus. Et c’est sans doute la vérité. La vie se teinte toujours d’ironie. « Ce sera avec plaisir. Je te le souhaite. » D’être heureux, accompli, de te réconcilier avec tes démons. « Tu es heureux ainsi, n’est-ce pas ? » Ou cherches-tu finalement à t’accrocher à une femme ? La cherches-tu sans l’admettre ?