Aaron me manquait. Roxanna me manquait. Et le pire, c'était de ne plus être là pour sa grossesse, moi qui avait toujours pris ça tellement à coeur. Je ne pouvais plus sentir notre petite fille bouger. C'était fini, et plus les jours passaient, plus je me le répétais, et plus j'en devenais malade. Pourquoi est-ce que je m'enfonçais ? Parce que Roxanna n'avait pas cru suffisamment en moi pour rester. Car si elle était resté, j'aurais été prêt à me battre contre cette addiction, j'aurais même été en cure de désintox au lieu du Spring Break si il l'avait fallu. Tout seul, je n'arriverai pas à me battre, alors je m’enfonçais. Aujourd'hui, il y avait une sortie de groupe mais je n'y étais pas allé. J'avais passé ma journée a lit, à essayer de ne pas toucher aux drogues dans l'idées d'aller voir Aaron à la crèche. Je voulais être clean quand je le verrais, je voulais être sobre alors je devais me faire violence, car les effets du manque se faisaient vite ressentir. Vers dix huit heures, je descendais enfin dans le hall où se trouvait la crèche, guettant à travers une grande vitre les enfants à l'intérieur. Un sourire se dessina sur mes lèvres lorsque j’aperçus mon fils en train de jouer avec d'autres enfants. J'entrais alors dans la crèche, expliquant à la responsable que j'étais le père d'Aaron et que je voulais juste l'embrasser deux minutes. Elle accepta et je m'approchais de lui pour le prendre dans mes bras. Je le serrais contre moi, caressant ses joues, ses cheveux : il avait tellement grandit en seulement deux semaines. C'était supportable de vivre loin de lui.

Le voyage commençait tout sauf bien, comparé au dernier Spring Break que j'avais passé à Cancun. Je n'avais le cœur à aucune sortie, et si Apple n'était pas là pour me remonter le moral, j'aurais surement déjà pris le premier avion pour retourner à Cambridge. Mais hier, ç'avait été la goutte d'eau, lorsque j'avais vu Jude repartir de la soirée sur le Catamaran en charmante compagnie. Une blondasse, dans la gorge de laquelle Jude avait allègrement plongé sa langue. Le lendemain, j'avais pris l'air toute la journée en me permettant de déposer Aaron à la garderie le temps de sortir un peu, faire les magasins … Billie me manquait. Nos sorties nocturnes me manquaient, tout me manquait quand j'y repensais. L'an dernier, elle avait eu la lubie de me trainer à Cancun pour trouver des Smarties, ou je ne sais quoi. Et là... J'étais toute seule. Après quelques heures à tourner en rond, je me décidais à retourner à l'hôtel, pour récupérer mon petit bout, et jouer avec lui des heures jusqu'à épuisement. Or, quand j'arrivais, on me dit qu'il y avait déjà... Son père ? Je soupirais, m'approchant malgré tout de la salle, ou je rentrais bras croisés. Jude serrait Aaron contre lui tendrement, et je dus rassembler tous les efforts du monde pour ne pas m'attendrir et culpabiliser. Au lieu de cela, après quelques secondes, je me raclais la gorge discrètement pour manifester ma présence.

Les gens pouvaient croire ce qu’ils voulaient à mon sujet, je n’en avais plus rien à faire. J’avais tout perdu : la femme de ma vie, mon fils et bientôt ma fille. J’avais peur que Roxanna ne soit pas d’accord pour que j’assiste à l’accouchement, et j’avais encore plus peur de ne jamais connaître ma fille. J’avais vraiment du me faire violence pour ne pas prendre de drogue ce jour-là, mais j’avais réussi et aujourd’hui, j’étais dans cette crèche avec mon fils. Aaron semblait me ressemblait de plus en plus avec ses cheveux bruns, sauf qu’il avait de beaux yeux bleus. Regardant mon fils, je lui dis qu’il me manquait, caressant sa joue doucement. Je le vis lever son regard derrière mon épaule, quand quelqu’un se mit à tousser. Je pris Aaron dans mes bras, et je me levais en me tournant, me trouvant alors face à… Je me mordais la lèvre en voyant Roxanna, et j’eus un nouveau pincement au cœur. Je baissais mon regard vers son ventre : elle avait l’air d’avoir encore grossis, Aylin devait bouger très souvent… « Je… » Je regardais Aaron dans mes bras qui tapotait ma joue en riant un peu. « J’suis venu le voir...il me manquait… » Je n’avais pas envie de me disputer avec elle, je voulais juste voir mon fils.

Je ne savais absolument plus comment agir en face de Jude. La dernière fois que je lui avais parlé, nous nous étions violemment disputé, puis j'avais été sèche avec lui.. Pour me protéger. Pour ne pas culpabiliser de l'avoir abandonné. Aaron me remarqua en premier, dirigeant directement son regard vers moi. Je fis un léger sourire, jusqu'à ce que Jude se tourne à son tour vers moi. Je tripotais nerveusement la carte de ma chambre d'hotel entre mes doigts, n'osant pas le regarder tandis qu'il baissait son regard vers mon ventre. « Je… J’suis venu le voir...il me manquait… » J'étais tellement dépitée par la situation que je haussais les épaules simplement. « Je comprends... » Je n'osais même pas m'approcher de lui et du bébé, mais il fallait bien. Je me risquais alors à un pas, puis deux, dans la direction de Jude, et Aaron tendit un bras vers moi. Je pris doucement sa main dans la mienne, ne le quittant pas du regard jusqu'à ce que je me risque à regarder Jude. De larges cernes soulignaient ses yeux bruns, et immédiatement, je repensais à la soirée sur le Catamaran. Amère, je tournais mon regard vers Aaron, et déposais doucement mes lèvres sur sa joue. « A ce que je vois, la nuit à été longue... » Dis-je simplement, tout en caressant du bout des doigts le visage d'Aaron.

C’était encore pire, de me trouver face à elle sans pouvoir bouger. Je n’avais qu’une seule envie : aller vers elle et la prendre dans mes bras. Juste...la sentir contre moi, sentir notre bébé. Mais je savais que c’était maintenant interdit, je n’avais plus ce privilège et je ne l’aurais certainement plus jamais. Inspirant un coup, je berçais Aaron dans mes bras calmement : il avait l’air d’être en bonne santé, et d’être juste…bien. Est-ce que je pouvais bien lui manquer ? Est-ce qu’il s’était rendu compte de mon absence ? « Je comprends... » Elle n’osait même pas me regarder, et ça me faisait mal au cœur. Où est-ce qu’elle était passé, la Roxanna joyeuse, souriante mais fragile dont j’étais tombé amoureux ? J’avais l’impression de l’avoir complètement détruite avec mes conneries. Roxanna finit par faire un pas, puis deux vers moi. Enfin, plus vers Aaron qui tendait sa petite main vers elle. « A ce que je vois, la nuit à été longue... » Je fronçais légèrement les sourcils et je la regardais en secouant la tête, « Je suis fatigué parce que ne pas toucher à de la drogue pendant une journée pour un toxico, c’est difficile ». J’aurais aimé pouvoir lui dire autre chose, mais qu’est-ce que je pouvais lui dire d’autre ? C’était la vérité. Et je n’avais pas envie de parler avec elle de Brooke. Je posais quand même ma main sur le ventre de Roxanna après avoir hésité plusieurs secondes, « Aylin va bien.. ? »

« Je suis fatigué parce que ne pas toucher à de la drogue pendant une journée pour un toxico, c’est difficile » Il me prenait clairement pour une idiote. Ok, la drogue devait jouer dans ses cernes, mais je l'avais vu hier soir, il n'était pas rentré avec cette belle blonde pour faire une partie de Monopoly autour d'un verre d'eau. « Oui, bien sur.. » Je levais les yeux au ciel un bref instant, puis je soupirais, reportant mon attention vers Aaron, jusqu'à ce que je sente la main de Jude se poser sur mon ventre arrondi. Instantanément mon cœur se serra, et j'arrêtais de respirer quelques secondes. J'avais l'impression de ne pas l'avoir laissé m'approcher depuis des années, et non pas seulement quelques semaines. « Aylin va bien.. ? » Je me raidis, et reculais d'un pas, rompant ce contact et lâchant Aaron par la même occasion, et je posais mes propres mains sur mon ventre, fixant le vide. « Elle.. Elle va bien... » Je plantais presque mes ongles dans le tissu de mon débardeur. Non, ça n'allait pas. Elle allait bien, mais chaque fois que je la sentais bouger, et donc, de plus en plus souvent, je pensais à ces nuits ou, blottie dans les bras de Jude, je le laissais poser sa main sur mon ventre pour sentir le bébé bouger. Notre bébé. « Tout le monde va bien. » Je passais une main dans mes cheveux. Mensonges.

C’était risqué, ce que je venais de faire. Poser ma main sur mon ventre, mais je n’avais pas pu m’en empêcher. J’avais toujours été très « papa poule » envers Roxanna et envers notre fille et aujourd’hui…j’avais à peine le droit de pouvoir sentir ma fille bouger. Elle n’imaginait pas dans quel état cette situation me mettait, mais également que ça ne faisait que m’aider à m’enfoncer un peu plus. Comme j’avais pu le redouter, Roxanna recula d’un pas alors que je lui demandais comment allait notre bébé. Je la regardais poser ses mains sur son ventre, disant alors, « Elle.. Elle va bien... » Je me mordais la lèvre et je baissais les yeux, berçant Aaron qui commençait à s’agiter depuis que Roxanna s’était éloignée. « Tout le monde va bien. » Je caressais la petite main d’Aaron, relevant le regard vers elle, « Oh…bah…tant mieux alors… » Je soupirais et Aaron se mis à pleurer, tendant une main vers Roxanna. J’essayais de le bercer à nouveau, du mieux que je le pouvais mais sans vraiment y arriver. « Moi…je vais pas bien… », avouais-je. On m’avait dit que je devais me battre pour elle, alors je devais lui montrer à quel point j’étais malheureux. « Ouais, la nuit a été longue…mais elle n’a pas été aussi parfaite que la nôtre il y a un an.. »

« Oh…bah…tant mieux alors… » Comment pouvait-il croire l'immonde mensonge que je venais de lui jeter en pleine face ? Faut croire que les toxicos sont aveuglés par tout ce qu'ils prennent. Je n'avais plus rien de la jeune femme épanouie que j'étais il y a un mois. Et sans le soutien de mes proches, j'aurais très certainement déjà explosé. Aaron se mit à pleurer et à tendre les bras vers moi. Je m'approchais à nouveau pour lui donner la main, gardant mon autre main sur mon ventre. « Moi…je vais pas bien… » dit alors Jude. Je levais mon regard vers lui, incapable de déceler dans son regard le pourquoi du comment. . « Ouais, la nuit a été longue…mais elle n’a pas été aussi parfaite que la nôtre il y a un an.. » Je fermais les yeux, sourcils froncés et déglutissant. Immédiatement, les images de ma première fois avec lui me revinrent, et je secouais la tête, rouvrant les yeux. « Pourtant, cette blondasse avait l'air plus expérimentée que moi dans l'eau. » Déclarais-je, rongée par l'amertume. Je ne pouvais pas me retirer l'image d'eux deux s'embrassant dans l'eau, tout sourire ... Je ne pouvais tout simplement pas.

Bien sûr que je voyais bien que Roxanna allait mal. J’avais beau être en colère contre elle, je savais très bien que me quitter n’avait pas dû être la chose la plus facile qu’elle avait fait depuis longtemps. Mais qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? La pointer du doigt en la traitant de menteuse ? Je n’avais pas envie de m’embarquer dans une dispute, je n’avais pas la force à ça. Aaron pleurait de plus en plus, et se calma instantanément lorsque Roxanna se rapprocha de nous, prenant sa main doucement. « Pourtant, cette blondasse avait l'air plus expérimentée que moi dans l'eau. » Je fronçais les sourcils, tournant le regard vers elle : est-ce qu’elle me jouait la carte de la jalousie là ? Si elle ne m’avait pas abandonné, je n’en serais certainement pas là, et elle non plus. Parce que je vivais vraiment ça comme un abandon. « Arrête Roxanna, tu sais très bien que ça n’est pas comparable » Je soupirais et je regardais Aaron qui était calmé, et qui regardait Roxanna, puis moi. « Parce que toi je t’aime »

Oui, j'étais jalouse. Je mourrais de jalousie, parce que un an plus tôt, j'avais passé la nuit dans les bras de l'homme que j'aimais, et que maintenant, il passait ses nuits avec des nanas superficielles, qu'il ne prenait même pas le temps de connaître. Oui, j'étais jalouse, et le pire, c'est que je n'avais pas mon mot à dire... Je ne l'avais plus. « Arrête Roxanna, tu sais très bien que ça n’est pas comparable » Mon visage se ferma immédiatement en l'entendant parler, et je détournais le regard lorsqu'il s'expliqua. « Parce que toi je t’aime » Je secouais la tête de gauche à droite. Je refusais de l'écouter me dire ça. S'il m'aimait, il aurait fait des efforts, il aurait tout plaqué pour changer, pour moi, pour les enfants, pour notre avenir. Et vu son état, je me doutais qu'il ne vivait pas que de salade et d'eau fraîche ces derniers jours. « Rectification, tu m'aimais. Si tu avais encore un tant soit peu d'honnêteté dans tes sentiments envers moi, tu n'agirais pas comme le plus parfait des cons. » Sur ces mots, je prenais Aaron dans mes bras, le petit se tournant vers son père et tendant à son tour une main vers lui.  Pourquoi les choses devaient-elle être si compliquées ?