"Je me rends compte que nous n'avons pas de vision très différente". C'est vrai, nous avions tout deux pensé à quelque chose qui fait du bien en lumière, elle, c'était la partie colorée, comme le printemps, l'été, l'apogée du bonheur. Moi, c'était la lumière, le blanc, l'halo du paradis et de la protection.

"J'aime beaucoup. Tu as un style fin et très intéressant. Unique." Ah si j'en étais seulement capable. Mais entre mes cours, la pforzheimer, Neal et le Golden Clover, je n'avais pas le temps de me trouver, de trouver mon style à moi. Imiter, recopier, ressembler, c'était ma facilité.

Alors que j'observais encore un peu son tableau elle me posa une question.

"Laisse le fondre et enlève cette veste tu vas avoir chaud." Bon, elle allait aussi avoir besoin d'eau parce que faut savoir s'hydrater souvent donc je m'étais levé pour lui chercher un verre d'eau pour la soirée.
"Si jamais à un moment, ça ne va pas, tu me le dis okay ?"

Ceci dit, je me mis à chercher un nouveau thème. "Love, en 30 minutes".

30 minutes parce qu'en 45 minutes, les effets de ce tout petit comprimé commencerons à se développer. Pas question de laisser quelqu'un seul à ce moment. Moi, j'étais presque habitué, elle, c'était sa première fois. Et puis ce thème parce que la MDMA, c'est la drogue de l'effet love. Je suis sûr que je vais bien m'amuser en tout cas et j'attendais la réponse de Hayley avant de commencer.

« On est peut-être plus semblables que ce qu’on aurait pu imaginer. C’est pas pour rien qu’on s’est rencontrés, je pense. Hayley lui sourit. Parce qu’elle y avait toujours cru, à ça ; au fait qu’on ne rencontre pas certaines personnes par hasard. Que si une personne entre dans notre vie et qu’on entre dans la sienne en retour, c’est qu’elle a été placée sur notre chemin pour une raison, n’importe laquelle – qu’elle soit plus ou moins importante, plus ou moins triviale, qu’elle ait plus ou moins de sens. Elle y croyait dur comme fer à ça, Hayley. Et elle y croit toujours. Merci pour les compliments, ça fait chaud au cœur. Tu sais, j’ai souvent imité ma mère quand j’étais plus jeune – pas que je sois vieille, hein – un petit rire lui échappa, mais j’ai fini par avoir un style un peu plus fin qu’elle. On finit tous par se démarquer et trouver notre style, un jour ou l’autre. »
À bon entendeur – n’est-ce pas, Caesar le faussaire ? Elle sentait, elle savait, au fond, que ce jeune homme plein de talent allait finir par trouver son style. À condition de se laisser du temps et de s’entraîner, peu importe la forme que pouvait prendre ces entraînements.
Mais en attendant, c’était lui, le professionnel en matière de consommation de petites pastilles sans doute fort sympathiques ; et elle, elle n’était que la novice qui devait s’entraîner, s’y accoutumer. Il lui donna des conseils : faire fondre le cachet, et retirer sa veste. Elle arqua un sourcil, surprise par ses dernières paroles, mais ne broncha pas, laissant le bonbon fondre sur sa langue tandis que sa fidèle veste en jean terminait à côté d’elle. Il quitta sa chaise pour lui remplir un verre d’eau, et elle le remercia dans un souffle. Elle allait certainement en avoir besoin. Mais quand ? Quand elle allait finir par se sentir mal ? Ou quand le bonbon allait disparaître, pour nettoyer le goût ? Mhmh.
« Okay. Merci, Caesar. T’es un amour. Un sourire, et il enchaînait déjà sur un nouveau thème, imposant cette fois-ci une limite de temps. Tu perds pas de temps ! Vendu. »
Un nouveau carré de feuille, et elle se remit à dessiner, sans utiliser de crayons de couleur cette fois. Juste le crayon à papier et toutes les nuances de gris qu’il pouvait lui apporter sur le moment. Et quoi de mieux que cette gamme de couleurs pour représenter un thème qui, pourtant si beau, pouvait se montrer dur et triste ? Même cruel ? Quoi de mieux qu’un cœur qui semblait à moitié décousu pour rappeler cette facette un peu plus sombre de l’ombre ? C’était tout ce qui lui passait par la tête pour ce thème-là. Un cœur fragilisé, qui se nouait grâce à un seul fil mais qui pouvait s’écrouler en un rien de temps et, ce, rien qu’en tirant sur ce même fil.
« Et la flèche de Cupidon au passage, marmonna-t-elle, l’envie de s‘exprimer se faisant de plus en plus présente, de plus en plus pressante. Quel connard, celui-là. Il décoche toujours ses flèches quand il faut pas. Hayley soupira longuement puis s’étira, avant de poser ses prunelles bleues sur Caesar. Tu crois que ça fait trente minutes, là ? T’en es où ? Montre ! »

Moi ? Un amour ? Ahah, c'est bien la première fois qu'on me fait un compliment. Et quelque part ça fait du bien. Je crois ? On avait pris chacun une nouvelle feuille. J'entendais le crayon d'Hayley se mouvoir sur le papier. Ma mémoire ou mon cœur me guide vers un stylo fin et noir. D'un unique trait, je terminais mon dessin, assez différent du précédent. Mon moi, l'amour, c'est comme une ligne, jamais totalement droit, avec des stop, des retours en arrière, des accélérations et quelques fois du reliefs quand on ne le voit pas d'un première œil.

La sueur de mon front apparaissait, je m'étais levé pour reprendre un verre d'eau. Et j'observais la jeune femme assombrir la feuille devant elle, trop concentrée pour me voir bouger dans le studio. Je regarde alors mes précédents tableaux, ceux qui seront vendus quelques temps plus tard. Hendrix devait trouver les acheteurs mais en attendant je stockais tout ici. Mes mains, passèrent entre les étagères, entre les toiles, entre mes bijoux. Puis, je pris ma guitare, Hayley étant encore à fond dans son dessin. Elle n'avait pas changé de crayon. Du moins pas encore alors que j'avais terminé. Elle avait encore le temps, cela ne faisait que quinze minutes que mon épreuve avait commencée.
Je m'assis alors sur le sofa entre nous et commençai à jouer quelques accords qui m'amenèrent vite sur les accords de chansons bien connues.

Ah que ce canapé était confortable. Il était doux et moelleux. Je commençais à ressentir les effets. Encore torse nu, j'avais envie de tout toucher, tout me paraissait agréable. Les sons avaient des couleurs, et les couleurs avait un goût. Ma synesthésie forcée. Que j'aimais ça, comme un bateau voguant sur les flots, je voguais sur mes sensations. Je me souviens de ma première fois. Ou plutôt je me souviens ne pas m'être souvenu. Je me souviens que l'on m'avait raconté mon périple sur la scène. Mes amis ne m'avaient pas vu partir et une fois dans la foule, levant les yeux vers le siège de la musique, ils m'avaient retrouvé, à fond sur du rock. Il n'est pas loin ce temps. Parfois je regrette d'avoir commencé si tôt. Mais mon échappatoire, j'en avais besoin.

Hayley murmura quelques mots, mais j'étais bien trop loin dans mes pensée pour entendre, pour écouter. Bientôt, elle me rejoindrait dans ce voyage. Elle se retourna en me demandant si j'avais terminé, surprise de ne pas me voir à ma place. Peut-être se disait-elle que la musique venait toujours de l'enceinte ? Peut-importe, elle me montra son dessin et jeta un coup d'œil à ma ligne. Le cœur, symbole de l'amour. J'avais choisi l'amour charnel, ce qui nous pousse à nous embrasser, à nous enlacer, à nous toucher.

"Viens t'allonger et prends ton verre d'eau"

Je sentis alors sa tête se poser sur mon épaule. Le contact est chaud mais pas brûlant, on dirait un enfant sur le point de s'endormir. Mais elle était bien éveillée.

"Je continue où tu préfère que je remette la musique ?"