CAESAR FALLS ► Shawn Mendes

Vous vous souvenez ce que vous faisiez quand vous aviez 8 ans ?  Vous étiez probablement en cours à l’école élémentaire, vous rentriez probablement de cours le ventre vide, demandiez un goûter ou simplement jouiez avec quelques jeux de bois. Vous vous étiez probablement couché l’esprit léger en pensant au lendemain. Moi ? Je n’ai pas eu cette chance. Moi ? Je suis allé à l’école élémentaire, et effectivement, j’ai appris quelques choses, j’ai joué avec quelques amis. Comme un enfant. Mon chauffeur m’a ramené à la maison. Je me souviens lui avoir demandé d’ouvrir la porte moi-même. Je suis rentré dans la grande maison blanche de mes parents. Papa était au travail. Comme tous les jours, il rentrait quand j’étais couché, je l’entendais, à moitié conscient, parler fort dans le corridor, juste avant de rentrer dans sa suite. Enfin ça, c’était avant. Ce jour-là, je suis rentré dans la maison et, à la différence des autres jours, un silence de plomb avait envahi les murs lourds. C’était pourtant toujours animé, entre les cuisiniers, les jardiniers, les valets et femmes de chambres, il y avait toujours du bruit.

« Maman ? Maman ? Maman ! » avais-je crié. Personne ne m’a jamais répondu. J’ai arpenté les couloirs de l’aile Ouest avec mon cartable sur le dos et mes chaussures encore aux pieds. Je me souviens avoir fait demi-tour pour aller dans l’aile ouest. C’était là que le soleil se couchait et papa avait dit que c’est là qu’on mettrait les chambres. Je suis allé dans la mienne. J’ai déposé mon cartable et pour une fois, j’ai commencé à faire mes devoirs. J’avais faim et j’avais un peu soif. Je ne suis pas resté bien longtemps sur les pages de mes cahiers d’écolier.

« Maman ? Maman ? ». J’étais retourné dans le couloir, me dirigeant vers sa chambre. J’ouvris doucement sa porte tout en l’appelant doucement au cas où je la dérangerais. Elle ne me répondit pas. La porte de sa salle de bain était ouverte et une grande tâche rougeâtre contrebalançait le blanc du marbre que j’apercevais dans l’entrebâillement de la porte. J’ouvris un peu la porte et me retrouvai face à face avec maman. Elle semblait s’être endormie dans son bain. Pour une fois, j’avais l’impression qu’elle me souriait. Maman ne m’a jamais beaucoup souri. J’étais tout seul à la maison. Mon adelphe était à une énième activité extrascolaire et ma sœur était encore à l’école. J’étais seul avec maman. Ses cheveux bruns, légèrement bouclés, commençaient à se teindre de rouge à cause de l’eau.

« Ta maman ne reviendra pas » m’avait dit un monsieur en costume. Aujourd’hui, j’ai presque oublié cette histoire. Ou peut-être que je veux l’oublier, je ne sais plus. Cette histoire, je l’ai raconté à des dizaines de personnes. Des psy, des policiers, des gens curieux, des journalistes. Je crois que papa m’en veux encore. Je crois que c’est pour ça qu’il m’a envoyé à Harvard.

Cette histoire, c’est surtout mon histoire.

Je n’étais pas mauvais en tout. J’aimais le sport, j’aimais la musique et j’aimais par-dessus tout l’art plastique. Bon, pour être honnête, je ne sais pas si j’aime vraiment ça ou si c’est juste parce que je suis doué. En tout cas, j’ai du talent. C’est la seule chose que papa m’a dit d’appréciable dans ma vie. Je me souviens peindre de magnifique tableau. Je me souviens peindre surtout de parfaite copie.

Vous savez, quand vous êtes jeune, vous avez tendance à énormément imiter. Pour être honnête, vous ne savez faire que ça la plupart du temps. Quand j’ai commencé à peindre, j’ai commencé à peindre du Picasso, du Monet, du Renoir. J’étais doué. J’étais vraiment doué. Et quand, à 12 ans, votre père vend un de vos copies au prix d’un vrai, vous commencez à réfléchir.

C’est comme ça que j’ai fini par me droguer. Vous ne voyez pas le rapport ? Qui dit petite bourgeoisie australienne, dit drogue cachée sous le manteau. Et quand je parle de drogue, je parle de marchandises chères, très chères. J’avais besoin d’herbe à l’époque pour oublier mes problèmes, j’avais 18 ans, j’étais inconscient, pour avoir de l’argent, je faisais des faux que je revendais à d’autres inconscients. Oui, j’étais devenu un faussaire. Et puis, j’ai arrêté. A mon entrée à l’université, il fallait que j’arrête. J’ai repris la musique, j’ai fait du foot, j’ai plu aux autres. J’étais devenu le gars populaire quoi.