la vie est un jeu. une pièce de théâtre, dont elle est l'actrice principale.

enfant du monde, le sang de plusieurs ailleurs en ébullition dans ses veines, la magnificence des Champs Élysées.. les mélodies d'Édith Piaf qui rythment les notes d'une éducation un peu bohème. la poésie de la tour Eiffel, romantique Paris qui s'efface sous les sombres néons des quartiers miteux de New York. et le vent tourne, la girouette s'ébranle, s'essouffle, tournoie dans une danse folle, un combat à l'issue perdue d'avance. papa qui s'amourache de la belle parisienne, l'entrepreneur aux idées folles, toujours un peu risquées. dangereux gambler, à séduire le diable, à parier ce qu'il possède. quitte ou double. et si l'american dream semblait possible, la chute est douloureuse, lorsqu'il joue gros et que la faillite le rattrape; c'est le royaume qui sombre dans le désespoir, le couple qui se fragilise, l'enfant qu'on souhaiterait voir s'épanouir, mais qu'on a d'autre choix que de rationner ou d'imposer des interdits.

et l'enfant grandit, s'épanouit dans la médiocrité. envieuse des poupées new-yorkaises, lorsque les pas s'égarent vers un manhattan brillant de mille feux. le luxe à portée, et pourtant inaccessible. rêver de ce qu'elle n'a pas, de ce qu'elle ne peut avoir. à maudire sa destinée, à cracher son venin sur le père meurtri et la mère impuissante, dont les cernes se lisent jusque dans sa démarche pénible, vieillie par le malheur et la pauvreté, à regretter peut-être de ne pas s'être mariée à un homme moins extravagant, de ne pas avoir suivi cet instinct de survie lorsqu'elle en avait encore la chance. il est trop tard.

et le jour de son dix-septième anniversaire, à vouloir braver les interdits, à susurrer à son tour à l'oreille du diable, se laisser happer par la tentation, à se laisser entraîner dans la danse effervescente de la nuit.. little shy rosie, la poupée qui s'efface, intériorise les rêves ambitieux, soupire de désespoir le soir venu, lorsque le regard des parents ne la guette plus tristement.. poupée qui brave la nuit, caresse l'envie au pied des gratte-ciels luxueux. à se faire catcall par une vieille âme, se laisser séduire par le charme enivrant, par les compliments déplacés. le numéro laissé au détour, ce nom qu'elle reconnaît comme étant celui d'un célèbre visage de manhattan, riche homme d'affaires qui l'appelle quelques mois plus tard, lorsque l'étincelle de cette soirée commence à s'estomper dans la triste routine. et l'illumination se fait, l'espoir renaît, la chance d'un demain dissimulé jusqu'alors par le voile obscur de son destin.

la nervosité immense face à l'invitation, de cet homme dont le prestige et la réputation ne sont plus à définir. il la réclame, la belle roseanne. exige de l'avoir à son bras, espère se décorer de sa beauté enfantine le temps d'un gala, et puis d'une autre, et une autre. et chaque fois, les liasses de billets verts, les belles tenues dont il l'habille, les compliments dont il la couvre, ventant son sourire et son innocence..

et les rêves (re)deviennent accessibles.
et elle prend goût au jeu.
et le personnage qu'elle façonne lui colle à la peau, si bien qu'elle se méprend.
et se perdre dans les possibles.
dans les lumières de paris, qu'elle s'imagine à travers la fenêtre de sa minuscule chambre au cinquième étage d'un immeuble du queens.
et les billets remplissent sa pauvre tirelire, qui déborde, déborde, déborde...
à s'en amuser, à vendre son temps, son sourire et sa beauté aux plus offrants..

et débarquer à boston, loin du passé, loin de ces gens qui la connaissent.
mentir aux parents qui se réjouissent encore de la « bourse », cadeau tombé du ciel qui offre un avenir véritable à leur petite princesse
mentir à ceux qu'elle rencontre, prétendant venir d'un monde qui ne lui appartient pas réellement.

et se perdre dans sa dualité, goûter au fruit défendu.

à trop vouloir séduire le diable, atterrira-t-elle dans le gouffre des enfers?

roseanne est à boston depuis son entrée à harvard, elle vient de débuter sa deuxième année d'études et aura bientôt vingt et un ans » le luxe dont elle maquille sa pauvreté est payé par ses sugar daddy; à dix-sept ans, elle s'est créé un profil sur un site qui propose les service de plusieurs sugar babies. » roseanne cache cette vérité, car elle en a honte. pourtant, elle sait que sans ça, elle n'aurait jamais pu se permettre une admission à harvard, ni avoir un appartement aussi luxueux, ni avoir d'aussi beaux vêtements, ni même espérer pouvoir réaliser tous ces rêves. serait-ce un mal pour un bien? » roseanne écrit pour le plaisir; elle entretient d'ailleurs quelques correspondances » son plus grand rêve est d'un jour travailler pour les plus grandes marques de la mode et de se rendre aux Fashion Week. » même si elle n'en a pas l'air, roseanne est une jeune femme assez timide et réservée, elle se fait peu confiance, mais a un fort caractère (qu'elle a dû développer avec le temps, pour ne pas se faire dévorer toute crue) »