Pour une fois, je ne peux pas dire qu’il se trompe. Je suis incapable de lui dire ouvertement ce que je ressens. Que ce soit au présent ou au passé, je n’ai jamais réussi. Malheureusement, je sais que ça ne sert à rien de le dire… ça avancera à quoi ? Il ne changera pas son attitude envers moi. Ces sentiments resteront de la haine et du mépris à mon égard.

Sauf qu’il commence à me maudire. Comme toujours. A nouveau, je passe pour la méchante de l’histoire. Celle qui profite de tout le monde. Celle qui abuse. Mes points se serrent car intérieurement, j’enrage de cette situation.

C’est faux. Qu’il me fasse passer pour une criminelle me rend folle. Inconcevable. Je n’ai pas abusé de lui.

« Pour abuser de quelqu’un, faudrait déjà le préméditer ! Je ne savais pas que c’était toi, espèce d’idiot ! Désolé d’avoir joui et continuer quand j’ai su que c’était toi ! C’est vrai qu’avec tout ce que j’avais dans le sang, j’avais l’esprit aussi éclairé comme le tien ! »

Je le foudroie du regard, me rapproche de lui sans le toucher. Je veux lui montrer que je ne me laisserai pas démonter face à lui.

« Arrêtes de me faire passer pour une méchante, voir même une criminelle. Je n’irais jamais jusque-là pour combler le vide que tu as laissé en moi ! Alors excuse-moi si ce soir-là, j’ai découvert que j’étais assez cruche pour t’aimer encore ! C’est plutôt ironique parce que j’ai bien vu que tu as pris ton pied, tu t’es éclaté ! »

Et clairement, à tel point qu’il ne s’est pas protégé.

Puis là, je réalise mes mots.
Il m’a poussé à bout et je ne me suis pas rendu compte que je venais lui dire ouvertement mes sentiments. Mes doigts cachent ma bouche, je suis choquée.

Je me rends compte que mes mains tremblent.
Je suis si faible.
Si minable.

« ça va, t’es content ? Tu as eu ce que tu voulais pour me mettre plus bas que terre ? »

Je préfère fuir que d’affronter ce que je viens de lui dire. Non, je ne voulais pas qu’il sache. J’ai toujours tout fait depuis ce soir-là pour faire le deuil de mes sentiments pour lui. Il semblerait que ce n’était que du déni depuis toujours.

Je cours en direction de l’entrée du Putnam Manor, je ne veux pas affronter mes mots.

/ un peu plus long que prévu, sorry

Adrian ne réagissait pas. Il la laissait parler, pester, acceptant les reproches parce qu'ils étaient vrais et que c'était le but de toute manière ; mais quand vint l'aveu qu'il n'avait pas voulu entendre, mais dont il avait forcé la confession, son regard s'écarquilla. Peut-être parce que cette fois-ci, il la croyait. Peut-être parce que cette fois-ci, il y voyait une logique, un sens, une douleur légitime. Elle fut blessée et s'enfuit parce qu'elle ne pouvait pas affronter cette confession ; mais lui n'était pas mieux, hein ?

Il bougeait pas. Elle s'éloignait et lui restait là, comme un con, à encaisser la réalité en ne sachant pas quoi en faire. Comment pouvait-elle l'aimer après tout ce temps ? Comment pouvait-elle être encore attachée à lui après tout ce qu'il avait dit et fait ? Pourquoi n'abandonnait-elle pas ? Pourquoi ces sentiments existaient, qu'avait-il fait pour qu'elle les ait ? Adrian ferma les yeux en soupirant, s'asseyant sur le banc à côté du sac qu'elle avait encore abandonné. Il se passa une main sur le visage, coudes sur les genoux. Un nouveau soupir lui échappa, puis il laissa son dos contre le dossier, renversant la tête en arrière. Et maintenant, quoi ? Et lui alors ?

Adrian finit par se forcer à se lever, prenant le sac avec lui. Il partit dans une autre direction, retournant vers les jardins dans lesquels il bossait et là où ses collègues l'attendaient.

Est-ce qu'il l'aimait toujours, lui ?