Aster Kang ► Mark Lee

Des sourcils drus froncés par la honte et l'incompréhension qui cachent deux yeux sombres rendus presque invisibles par une paupière tombante. Des yeux de dragon, de ceux battus, aux ailes coupées sans lumière ni volonté propre. Il a les pupilles vides de l'homme résigné par un fils qu'il comprendra jamais. Il reste silencieux Aster, sur sa chaise en plastique ((celle inconfortable de chaque bureau de proviseur pour rappeler à ces adultes la médiocrité de leurs établissements si ce n'est celle de leurs vies)) il parle peu - ça lui brulerai la bouche de s'excuser correctement ce petit con - la tête baissé et la nuque tendre ployant contre les iris abattus d'un paternel plus que d'un père.  

Il sait qu'il est foutu, qu'il a merdé. Une perle de sang nait contre l'ourlet de ses lèvres - pas par honte, plus par besoin viscéral de retenir le rire angoissé qui lui écrase la gorge - qu'il efface d'un revers de main. La violence des gifles, il la sent déjà, les larmes de rage dans sa chambre, l'envie de détruire le monde et le sommeil lourd pour quelques jours ((avant de retrouver l'insomnie)) ça devient banal. Enfant battu mais l'Histoire elle retiendra surtout qu'il l'a bien cherché ce petit enfoiré.

Spoiler:

 

Quinze ans, un casier poussiéreux dans les archives de la police de Boston, et les coups de ceinture gravés à même le dos – tribalité controversée, il voit ça comme un tatouage d’abattoir qui partira probablement jamais – Aster il est rien. Enfant unique, pauvre, parqué dans south boston entre son géniteur ouvrier et sa mère, femme au foyer tout juste considérée comme bonne de service. Un trois pièces qui sent l’alcool et la peur, cette odeur âcre d’ammoniac et de sueur qui colle aux murs. Il serre les dents plus que les poings, gamin relativement mutique. Une sauvagerie sophistiquée trahie par l'avidité bestiale de savoir d'un gosse qui se réfugie dans les études et les conneries. Excessivement intelligent, terriblement branleur, un putain de paradoxe.

Il a jamais su quoi choisir.

Parents coréens, il le parle avec le dialecte de Jeju sans s'être réellement jamais intéressé à sa culture, par pur défi ((dégout)) de ses géniteurs. Sur les papiers, son prénom c'est Mingyu. Il le hait, n'y répond jamais et a prit l'habitude de se faire appeler Aster dès l'âge de six ans. Roi démuni d'un plateau d'échec, s'est refugié dans le vieil ordinateur de son père très jeune, passionné insatiable de gaming d'abord, de code ensuite. Petit hackeur merdeux pour les forces de l'ordre, crack génie, mister robot pour ses potes, comme le gars de la série. Aster il hacke, vole, vend et diffuse toute information compromettante sur laquelle il tombe. Son casier a été effacé quand il a eu dix-huit ans – mis en tort pour vol et recel de données personnelles, scolaires puis bancaires - la plus grande déception de ses parents, humblement foutu à la porte par son père dès son entrée à la fac.

Pas étudiant à Harvard nan. Ni les thunes, ni les recommandations pour… première année à l’université du Massachussetts en computer sciences, brillant mais très – trop - relativement studieux, il passe de justesse. Bosse en parallèle dans un mcdo pour se faire des thunes, il déteste mais ça blanchit une partie de son fric.

O B L I V I O N.

Son nom derrière les écrans noirs qui bouffent sa chambre, seulement illuminée par les lignes en 0 et 1 qu'il passe toute la nuit à écrire. Secret qu'il emportera dans sa tombe, oblivion personne sait qui c'est. Pour la presse c'est un lanceur d'alerte, pour les politiques une menace ((l'épée de damocles)) il se rêve invincible. Un peu mégalo sur les bords Aster. Oblivion c'est la revanche sanglante sur une enfance sacrifiée à la colère d'un homme sans grandes ambitions qu'il veut juste faire tomber. Oblivion c'est l'assurance de voir un jour son père crever.