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T'entends dans la voix de Lola qu'elle passe d'une émotion à l'autre en un claquement de doigts. T'arrives à la faire rire, un peu, mais la seconde d'après sa main se crispe sur la tienne et tu devines presque son visage se fermer derrière la porte qui vous sépare. Tu marches sur des œufs. Tu sais que tu vas devoir faire attention ces prochaines semaines, quand tu diras ou feras quelque chose... Y'aura des ratés c'est sur, parce que tu n'as pas la langue dans ta poche et que ça t'arrive bien souvent de parler avant de réfléchir. Tu risques de la blesser, souvent, mais jamais consciemment. Tu vas apprendre à faire attention à quelqu'un vraiment, et à te détourner de ton nombril pour la première fois de ta vie. Lola a peut être le sentiment d'être un poids; mais toi, tu sais que cette période va te faire grandir d'un coup. Et t'en as bien besoin. Parce qu'on compte sur toi. Elle te fait comprendre en demi teinte qu'il sera compliqué pour elle d'en parler, et qu'elle chargera Greg de te tenir au courant. Parfait. Ça te va. D'autant que vous allez avoir vos vacances en Thaïlande pour en parler, sans que Lola ne soit présente. Elle pourra enfin souffler et prendre du bon temps en Italie pendant ce temps là. Ça te parait être dans une éternité, mais ça va arriver très vite. "J'en demande pas plus Lola. Si Greg me donne des nouvelles, ça me suffit. J't'obligerais jamais à me dire quoi que ce soit si tu n'en as pas envie.  ". Même si c'est dur. Toi, à l'instant T et depuis que tu as appris la nouvelle, tu as juste des envies de meurtre. Tu as envie de tuer le premier mec que tu croises s'il a la tête du sale type qui a fait du mal à ta sœur. Mais ça ne sert à rien. Ce qui compte, maintenant, c'est que ta sœur se remette. C'est pour ça que tu dois te battre. Pas pour faire du mal aux autres, mais pour aider Lola à se relever. Tu sais pas encore ce que cela implique, mais tu vas t'y atteler. C'est Rosalia qui t'a calmé à Tokyo, quand Greg venait de t'appeler pour te raconter. Elle qui t'a fait comprendre que le plus important pour Lola n'allait pas être la vengeance, mais le soutien des siens. Alors, quand tes poings se serrent en imaginant le visage des agresseurs, tu repenses aux mots de Rose et focalises ton attention sur ta sœur. Un pas après l'autre. Tu lances une boutade sur Lola et Greg, histoire de détendre l’atmosphère qui s'est alourdie tout à coup. Lola éclate de son rire cristallin, avant de se braquer tout à fait. Elle est tellement à fleur de peau... "Lolita... S'il y a un truc duquel tu ne dois pas douter, c'est bien de l'amour de Greg pour toi. J'te jure, quand il te regarde, y a de la guimauve qui sort de ses yeux. C'est écœurant. ". Ça vous permet d’enchaîner sur tes histoires de cœur à toi... Et tu prends un cours de sentiments, façon Lola Windsor. Tu bois ses paroles, te rendant compte à chaque phrase que c'est ce que tu ressens pour Reyna. Bordel. Ton palpitant se met à faire n'importe quoi, t'as peur de ce qui est en train de t'arriver. Amoureux ? Toi ? Ça parait impossible. Tu sais d'avance que tu t'engages sur un chemin compliqué. T'as l'impression d'être en bas d'une montagne et d'avoir prévu qu'une paire de tongs pour ta randonnée. En gros, t'es pas prêt. Alors tu fais l'autruche et tu cales ces drôles de pensées dans un coin de ta tête, pour y repenser plus tard. "Ouais je vois. J'sais pas si je ressens tout ça. On verra bien. N'en parlons plus. " Ca te donne des frissons, cette discussion. Tu sais qu'il va être temps de quitter Lola, l'arrière de cette porte, et de rentrer chez toi. T'as des choses à régler et des affaires à préparer si vous devez allez ensemble à New York pour le mois à venir. Mais avant... Tu aurais envie de quelque chose. Presque besoin même. Tu as le cran de le demander à Lola. "Avant de partir... Est ce que je pourrais te serrer dans mes bras ? Je te regarderais pas. Je fermerais les yeux. Promis. Ou juste embrasser ta joue. " Tu veux la sentir. Sa main dans la tienne est trop abstraite. Tu voudrais tenir son visage entre tes mains et embrasser chacune de ses blessures en lui jurant que tout va bien se passer. Mais tu ne l'obligeras à rien. Et si elle te dit non, tu serreras juste sa main un peu plus fort avant de partir retrouver Joe.

@Edgar Windsor ✩ 7 juillet 2020 @ greg's flat.

Je ne pensais pas en arriver là un jour. Jamais. Cette tristesse qui ne me quitte pas, ce côté sombre qui plombe mon humeur et ma joie de vivre. J'aimerais faire semblant mais ça ne me ressemble pas. J'aimerais dire que tout va bien, que ça va aller mais je n'en sais rien. Et ce futur, aussi flou qu'il puisse être, me fait peur. Vais-je vraiment m'en remettre ? Vais-je réussir à passer par dessus ? Je n'en sais rien. Je suis perdue et d'avoir la main d'Edgar dans la mienne, c'est déjà beaucoup. Je ne suis pas seule. Et ce n'est pas que Greg qui est là pour moi. C'est beaucoup pour lui aussi et je me déteste de lui laisser porter ce poids pour moi, quand je suis dans l'incapacité de le faire toute seule. C'est mon partenaire de vie et il remplit ce rôle à merveilles. Tu dis ça parce que t'es jaloux. Le jour où t'auras de la guimauve qui s'évapore de tous tes pores, je me moquerais de toi. Et je dois avouer que j'ai hâte de ce moment où mon petit frère se laissera aller et se calmera sur ses soirées avec différentes femmes tous les quatre matins. Il y a un temps pour tout, je crois. En tout cas, la façon dont Edgar tente de changer de conversation me prouve bien que tout ce que je viens de dire, il le ressent déjà beaucoup trop. Je souris et dis D'accord. Comme tu veux… Parce que je refuse de le faire, d'aller contre tes envies et ton consentement. Le respect est mutuel entre nous et si t'y vas doucement avec moi et que j'ai envie que tu m'en dises beaucoup plus sur Reyna, New York va surement nous offrir cette possibilité. Parce que je n'ai aucun doute sur le fait que ça va nous rapprocher d'être ensemble tout le reste de mon stage. Un léger silence s'installe avant qu'Edgar reprenne la parole. Je déglutis difficilement et réfléchis quelques secondes. Tu vas m'embrasser sur la bouche si t'as les yeux fermés. Que je souffle doucement, pour gagner un peu de temps. J'ai toujours sa main dans la mienne ou la mienne dans la sienne, je ne sais plus trop. Je tourne le visage et regarde mon reflet dans mon cellulaire. Je fais peur à voir. Mais c'est Edgar. Et il est là pour moi, pour m'aider, me soutenir. D'accord… Laisse moi juste passer le gilet et pantalon de Greg. Que je dis lâchant sa main. Mon corps est toujours couvert de bleu et si je commence à les accepter et les voir disparaître, je ne veux pas que mon petit frère me voit comme ça. Ma lèvre bleuie et fendu sera assez pour lui. Je saute dans les habits de Greg et dis C'est moi qui vais fermer les yeux, d'accord ? Parce que je ne veux pas voir son regard changer sur moi quand j'ouvrirais la porte. Parle moi, dis n'importe quoi, juste pour que ta voix me rassure que c'est bien toi. Que je finis par dire, les yeux fermés, attendant qu'il parle pour ouvrir cette porte et le laisser pénétrer dans mon intimité.

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Tu demandes à la voir. Tu sais que tu vas peut être un peu trop vite pour elle, un peu trop loin. Mais tu dois tenter. Elle ne se forcera pas si elle ne le veut pas. Enfin, tu l'espères. Contre toute attente, elle débite une idiotie à laquelle tu rigoles, avant d'accepter ta requête. T'en devient tout tremblant, parce qu'elle accepte que tu la vois mais te dit qu'elle même va fermer les yeux. Elle a si peur de ce qu'elle va lire dans tes yeux ? C'est donc si terrible que ça ? Putain. Tu te sens pas prêt tout à coup. Mais il le faut. Dans quelques jours, tu partiras avec elle, à New York, pour plus d'un mois de cohabitation. Elle aura surement encore quelques traces physiques de son agression, mais surtout elle sera toujours brisée à l'intérieur. Faut que tu te prépares. A la côtoyer blessée, à vivre avec elle et ses nouvelles angoisses. Il faut que tu t'y fasses. Il faudra y faire face. Autant t'y préparer maintenant. C'est une preuve de confiance immense qu'elle te fait. Tu l'entends se lever et enfiler quelques fringues avant de ta laisser entrer. Puis c'est à ton tour. T'entend son souffle derrière la porte qui attend que tu entres. Tu te relèves, époussettes ton jean puis pousse doucement la porte qui grince un peu.
"J'entre Lola. N'aies pas peur. " La porte s'ouvre tout à fait et laisse apparaître ta grande sœur, debout, crispée, dans la lumière éblouissante de la fin de matinée. Elle t'a demandé de parler mais tu reste bloqué. Stupéfait. En colère. Tu vois sa lèvre, ouverte et gonflée, tu devines le bleu qui vire au jaune autour de son œil. Tu ne peux qu'imaginer les autres ecchymoses qui doivent couvrir son corps, qu'elle camoufle son un jogging trop grand pour elle. Mais ce qui t'anéantit surtout, ce n'est pas ce que tu vois, c'est ce que tu devines. Sa manière dont son corps crispé et en retrait semble s'excuser d'être là, d'exister, de se montrer. Ses cheveux qui couvrent en partie son visage pour se protéger inconsciemment. Elle semble vouloir disparaître, alors qu'avant, c'était un petit soleil. Merde alors. Qu'ont-ils fait de ta sœur ? Tu te rappelles devoir parler, sinon elle va s'inquiéter encore plus, alors tu racles ta gorge avant de t'exclamer. "T'en fais pas, ça se voit à peine ! " Tu mens, tu mens, tu bafouilles et dis des bêtises pour te donner une contenance. "Ca te fait comme un petit fard à paupières autour des yeux ! " T'as envie de te foutre des claques et en même temps tu ne sais pas quoi dire d'autres. Merde. Il est où le mode d'emploi ? "Lola je vais m'approcher. ". Alors que les mots s'embrouillent sous ta langue, les gestes eux veulent tout dire, et te voilà qui attrape ses deux mains et l’entraîne doucement entre tes bras. Tu embrasses doucement son front, le bout de son nez, ses deux joues roses, comme lorsque vous étiez enfant et que vous vous embrassiez avant de dormir. Puis tu l'a serres contre toi et pose sa tête sur ton épaule, en caressant tendrement ses cheveux. "Merci. De m'avoir laissé entrer. Venir te voir. Te toucher. Tu me donnes un rôle de confiance que je ne mérite peut être pas, mais je t'assure que je vais tout faire pour en être digne, dans le mois qui va suivre. ". Après quelques minutes et en retenant les larmes de tes yeux, tu t'écartes et, pas à pas, fais demi tour pour retrouver ton poste, derrière la porte. J'vais bientôt y aller Lola. Si tu te sens prête à rester toute seule. Greg rentre bientôt ? " Ca fait bizarre de la laisser comme ça. Bien sur la vie continue, et il va falloir qu'elle se retrouve seule trop vite, trop tôt. Mais ça te fait du mal.

@Edgar Windsor ✩ 7 juillet 2020 @ greg's flat.

Quand Edgar me demande s'il peut me voir, j'hésite. Pour plusieurs raisons. La preuve, la plus importante : ce à quoi je ressemble. Les bleus n'ont pas disparu, ma lèvre guérit petit à petit mais elle n'en reste pas moins fendue et gonflée. Et puis, il y a aussi la peur de voir son regard changer sur moi. Je le vis tous les jours avec Greg, quand il croit que je dors ou que je suis occupée et que je ne le vois pas. J'ai l'air du petit enfant chétif qui a besoin d'être protégé et c'est un peu ça, en soit. Alors il me faut quelques secondes pour accepter et encore une poignée pour me lever et me préparer. Il faut que j'enfile quelque chose au dessus de mon t-shirt M taille Greg (XL pour moi). Je me place au milieu de la chambre de mon petit ami et laisse mon frère entrer. Je l'écoute et sens le courant d'air sur mes joues. J'ai les yeux fermés et je ne veux vraiment pas les ouvrir. Je ne veux rien voir. Juste l'entendre, savoir que c'est bien lui, que ses petites bouclettes sont là pour moi. Je l'écoute et esquisse un petit sourire. Je ne serai jamais make up artiste parce que c'est vraiment moche. Je sais qu'il est mal à l'aise et je ne m'attendais à rien d'autre venant de lui. Edgar est entier, drôle, rigolo mais dans un moment aussi dur, c'est toutes ses qualités qui compensent l'absence de mots et qui sont là pour gérer sa colère. D'accord… Que je dis quand il m'annonce qu'il va s'approcher. Je frissonne légèrement et commence à sentir mon coeur battre plus vite. Mais je prends sur moi. Inspiration, expiration. Tout va bien se passer. On inspire, on expire. Mon corps se crispe quand je sens ses mains sur moi et j'ouvre les yeux quelques secondes pour capter son visage et me rassurer que c'est bien lui, que tout va bien se passer. Je l'écoute et pendant que mes yeux commence à se remplir de larmes, je souffle Arrête de te dénigrer, j'ai pas la force d'être ta pom pom girl personnelle. Que je dis, un petit tremblement dans la voix mais surtout un léger rire qui n'avait pas été entendu depuis l'agression. Quelques minutes avec lui qui me font énormément de bien. Et j'en viens à regretter quand son corps se glisse hors de mes bras. Ça va aller, t'inquiète pas… Que je souffle, les yeux toujours fermés, au cas où il me regarde encore. Tu m'envoies un SMS quand t'es dehors ? Comme ça je descends pour fermer après toi. Histoire de me verrouiller dans ma tour et de retourner sous les draps jusqu'à ce que mon petit ami rentre du travail. Merci Edgar. D'être là. Et je sais que je ne devrais pas en vouloir à mes autres frangins qui ne sont pas là mais c'est plus fort que moi. C'est cette petite partie égoïste de ma personnalité que je voudrais qui disparaisse, parce que je la déteste.