chambre de lukas, samedi 4 juillet

Voilà trois jours ou plutôt déjà trois jours que t'as posé un pied sur le sol de Tokyo. T'as l'impression que tout va à cent à l'heure ici et tu ne sais littéralement plus où donner de la tête. Même pas le temps d'ouvrir tes valises que tu passais déjà ta première soirée avec Ottis, lors de laquelle t'as enfin eu le courage de lui avouer qu'il te plait bien plus que pour te contenter de votre espèce de relation de sex-friends sur laquelle vous n'aviez cependant pas mis de termes. Vous êtes ensemble, maintenant, et en plus que de t'apporter un sentiment de joie, t'as aussi un espèce de soulagement. Celui qui te donne l'impression que, tu pourras être entièrement toi-même avec lui, et ça te fait juste du bien. Le lendemain, ça avait été journée bateau et soirée avec ton équipe. Et pas plus tard qu'hier, la fameuse journée d'anniversaire que t'avais promis à ton meilleur ami Reda. Tu n'avais pas pu être avec lui le jour-j, tu étais déjà partie en Italie. Mais là, tu ne tiens plus. Tu veux voir Lukas, tu dois voir Lukas. Il te manque terriblement et la soirée où tu l'avais vu avant de partir à Vegas avec les filles avait été bien trop courte. Bah ouais, à force de vivre tous les jours avec lui, tu t'es habitué et il est littéralement devenu indispensable à ton quotidien... En plus, t'as quelque chose à lui montrer, qui va lui faire très plaisir, c'est sur et certain. Ça et le fameux truc que tu dois lui avouer... ça te brûle la langue depuis deux jours mais tu ne voulais pas balancer ça par sms, tu voulais le voir, alors... C'est la fin d'après-midi, tu reviens de ta sortie en ville où tu t'es à moitié prise le bec avec Hermès Arnault, membre de la pfor comme toi. Tu arrives devant la porte de la chambre d'hôtel de Lukas et tapes plusieurs fois. Vous avez rendez-vous et t'as juste trop trop trop hâte de le voir. « Lukas Spritz, tu m'as trop manqué ! » tu t'esclaffes lorsque la porte se découvre sur lui. Tu ne te fais pas prier pour sauter dans ses bras et le serres très fort, pas trop non plus pour ne pas lui faire mal aux côtes. Tu tentes de contrôler ton euphorie mais c'est dur car t'es juste si heureuse. Tu recules et fais mine de le regarder de haut en bas alors que tes yeux qui pétillent eux, ne mentent pas « comme t'es beaaauu ! » Tu sautilles presque à chaque pas avant d'aller te laisser tomber sur son lit et te mettre à farfouiller dans ton téléphone « j'ai quelque chose à te montrer, une surprise. »

Il rit à tes mots et honnêtement, que faire d'autre ? T'as l'air d'une gamine de six ans à qui ont a promis une sortie dans un grand magasin de bonbons. T'es joyeuse, heureuse, et ça déborde tellement qu'il sera forcement caressé lui aussi de ces sentiments. Tu le veux, tu l'espères. Tu vas te laisser tomber dans l'une des lits, tes jambes pendant sur le côté du matelas et tes pieds touchant à peine le sol. Dans tous les sens du terme. Evidemment, sa curiosité est piquée et il te demande aussitôt de te montrer. Tu roules pour te retourner, te retrouver sur le ventre, appuyée sur les coudes, les jambes croisées derrière toi. Tu continues à farfouiller dans ton téléphone jusqu'à trouver la photo. « hier en fin d'après-midi, je me suis mise sur la terrasse de ma chambre d’hôtel et... » t'en dis pas plus et tu lui tends la photo. Une photo de la toile que t'as presque terminé la veille. Les couleurs  prédominantes sont l'orange et le rouge, mais pas le même que d'habitude. Il n'y a rien de sombre, où de lugubre, ou de sanguinaire, c'est juste la couleur du couché du soleil qui s'était reflété sur les vitres des buildings la veille au soir. Une image de la ville couchée sur la toile, par tes soins et c'est probablement la première fois depuis longteeeeemps qu'il n'y a ni incendie ni clair de lune lugubre sur une peinture. T'as presque envie de noter la date du coup, là. C'est si coloré et t'as même encore manqué de couleurs, bon sang. Tu t'étais alors jugé de retourner au magasin en prendre plus, pour les prochaines toiles. Tu restes un peu penaude, veut regarder ailleurs lorsque Lukas à ton téléphone dans la main. Mais tu n'y arrives pas, t'es trop curieuse de voir sa réaction éveiller ses traits. Ça reste quelque chose de très personnel, ta peinture, et il est d'ailleurs pour l'instant le premier et seul à voir cette oeuvre d'hier soir. Même pas Ottis n'a vu ça malgré qu'il est toujours fourré dans ta chambre ou inverse. « alors, qu'est ce que t'en pense ? » tu mords dans ta lèvre en arrêtant de t'agiter une seconde, dans l'attente quelque peu stressante de sa réponse.

Il semble d'abord dubitatif. Probablement à se demander qu'est-ce que tu pourrais encore bien lui montrer. Avec les mois, Lukas est devenu l'une des personnes à Boston qui te connait le mieux, le plus. Il sait comme tu peux parfois être imprévisible mais surtout à quel point tu peux toujours garder les choses pour toi, en toi. Souvent, ça a l'effet d'une cocotte minute qui explose, mais parfois (comme aujourd'hui), ça fait juste de jolies surprises. Et puis il regarde ton téléphone. L'attente est longue, interminable, ces quelques secondes s'étirent et semblent te narguer avant qu'un petit "putain" finit par doucement s'échapper de ses lèvres. Ton cœur s’accélère, stressée, est-ce un bonne ou mauvaise chose ? T'as tant la pression de sa réaction que t'arrives pas à te concentrer pour analyser ses traits. Et puis finalement, il t'annonce qu'il adore, et tu penses enfin à souffler, comme si t'avais oublié de respirer, pendant quelques secondes. T'aimes pas montrer tes peintures, tu détestes ça, en fait. mais avec Lukas, c'est différent. T'as confiance en lui, t'as peur mais t'as confiance. D'une confiance aveugle qui serait capable de te pousser à te livrer, à lui offrir une part de toi à travers les couleurs et les images sur la toile. Il t'arrache de tes pensées en t’annonçant qu'il a également quelque chose pour toi. Tu récupères ton téléphone, le laisse tomber sur le lit à coté de toi et te redresses vivement avec un sourire « ah ouais ? c'est quoooi ?! » Il se lève et va jusqu'à sa valise. Tu le regardes faire, silencieuse et curieuse. Il finit par revenir vers toi avec un CD qu'il te tend. Tu ne retiens pas un hoquet de surprise, tes yeux grands écarquillés vont vers lui et puis finalement, tu bondis du lit et lui sautes dessus pour une nouvelle étreinte, manquant de vous faire tomber sur le lit à cause de ton élan. « je suis si fière de toi Lukas, c'est génial ! » t'as pas écouté l'album mais tu sais qu'il serait formidable, comme le premier enregistrement qu'il t'avait envoyé par message. Tu grimpes sur la pointe des pieds pour déposer tes lèvres sur sa joue avant de reculer, le CD dans les mains, le rouge aux pommettes et le sourire greffé sur les lèvres. T'as qu'une envie, maintenant, c'est de l'écouter. Mais impossible avec ton ordinateur qui n'a pas de lecteur CD, ni avec ton téléphone. T'as une idée qui germe en tête, et tu prends ton téléphone pour chercher l'adresse d'un disquaire qui doit surement avoir de vieux walkman vintages en vente. Bingo, t'en trouve un à trois rues d'ici et tu te tournes avec vers Lukas, qui doit très probablement se demander ce que tu fais. « va enfiler tes chaussures, on sort. » Tu vas remettre tes sandales pendant qu'il se prépare, l'abandonnes juste un instant pour aller chercher ton sac dans ta chambre et y fourrer deux paires d'écouteurs. Tu vas l'attendre à la porte de sa chambre, toujours aussi guillerette et vous conduit jusqu'à l'adresse de la boutique, ta main tirant la sienne. Tu trouves l'objet de tes désirs et prends aussi une petite tête sur laquelle tu peux brancher les deux paires d'écouteurs. Le bruit de la ville disparaît lorsque tu cliques sur "lecture" et que cet instant devient comme hors du temps. Au milieu d'une grande rue passante de Tokyo, sa voix dans tes oreilles, sa main toujours dans la tienne, tu te tournes vers lui et lui souris.

Ne pas être fier de lui pour tout ce travail qu'il a donné, tu n'aurais pas vraiment accepté. T'es assez mal avisée de penser ça, toi qui pourtant toujours si incertaine et peu confiance en toi dans les domaines que tu ne maîtrises pas à cent pour cent. Mais Lukas, c'est différent. Il est vrai-ment talentueux dans son art et il mérite une confiance à hauteur de son expertise. L'ordre sous ton de proposition sans réponse lancé à la volé et te voilà déjà à courir chercher tes affaires. T'es si contente de passer la fin de journée avec lui. Tu l'es encore plus depuis qu'il a mis ce CD dans tes mains. Ton sourire greffé sur tes lèvres, tu ne remarques même pas le mal qui l'habite. Ton égoïsme n'a d'égal que le talent avec lequel il s'applique à cacher ses sentiments. Pourtant, t'es toi-même une experte dans cet art. Sauf aujourd'hui. Aujourd'hui, tu n'es qu'un livre ouvert à son loisir, le laissant tourner les pages du bonheur qui réchauffe ton cœur depuis quelques jours. T'es si bien ici. Oh bien sur, il te manque des êtres chers à ton cœur. Il te manque Meluzine, il te manque Neal. Mais tu découvres quand même, tu profites, tu vis. Et à chaque fois que ton regard va sur vos mains l'une dans l'autre, une nouvelle chaleur monte dans ton battant. Dans les rues de Tokyo, la voix de ton ami dans les oreilles, tu frissonnes lorsque le timbre de sa voix s'emporte et lorsque les paroles résonnent dans tes tripes. Forcée d'abandonner ton plaisir d'entendre ses chansons le temps de choisir une glace, tu attends la fin de la chanson pour venir lui répondre, lâchant sa main juste le temps de mettre sur pause le CD avant que la prochaine chanson ne débute. « vanille/fraise pour moi. » tu annonces au vendeur de glace avant qu'il ne vous serve vos cornets. Lukas paie et pendant ce temps, tu viens plonger tes lèvres sur sa glace, juste "pour la goûter". L'air de rien, innocente tu fais mine de regarder ailleurs. Pourtant, t'as de la glace juste au dessus de la lèvre supérieure, sans même le savoir. Tu ris lorsqu'il te regarde en fronçant les sourcils, ne comprenant pas trop pourquoi, et relances la musique en marchant vers un petit parc qui a l'air de mener jusqu'à la baie. Une fois sur place et vos regards vers l'horizon, le nouveau morceau se termine et tu frisonnes vivement avant de retirer un écouteur et te tourner vers lui. « c'est beau Lukas, t'es si talentueux. » et tu déposes ta tête sur le coin de son épaules en soufflant doucement.

Le revers de ta main efface le témoin du passage de tes lèvres sur sa glace aux goûts beaucoup plus exotiques. Tu ris doucement, inutile de faire semblant, il l'avait déjà remarqué, tu te balades depuis plusieurs minutes avec une trace de glace au dessus des lèvres. Il ne dit rien cependant, te laissant vivre à ton bon vouloir ou étant tout simplement touché par la légèreté et le bonheur qui fait légèrement sautillé chacun de tes pas. peut être les deux ? Vous arrivez sur la baie, sa musique toujours dans vos oreilles, ta glace dans ta main gauche, le walkman dans ton autre main. Tu déposes la tête sur le coin de son épaule lorsque vous vous arrêtez enfin, les regards absorbés par l'horizon se dressant face à la ville. Il souffle ce "merci" qui étire tes lèvres et réchauffe ton cœur. Ouais, tu te sens bien avec Lukas à cet instant, c'est juste parfait, t'es trop contente de l'avoir enfin retrouvé, pour de bon. Tu recules à ses mots, pas pour t'éloigner, non, juste pour pouvoir le regarder dans les yeux. « jamais. quand je pense qu'au début, je voulais traîner avec toi juste pour m'assurer que tu ne balances pas des dossiers sur moi. » tu ris doucement en piquant un far. Les choses ont tellement changé depuis, tellement. Il est devenu indispensable à ta vie, et malgré les hauts et les bas, malgré l'Italie, jamais plus tu ne le laissera s'échapper de l'attention que tu veux lui offrir à vie. Tu souris largement avant de passer vos doigts entremêlés par dessus ta tête afin que son bras vienne entourer tes épaules. Tu restes comme ça un bon moment, à grignoter la fin de ton cornet de glace, profitant juste de l'instant, du bonheur d'être avec lui et de la nouvelle chanson qui passe dans vos oreilles. A la fin de cette dernière, tu frissonnes encore mais garde le compliment car il est beaucoup trop modeste pour tous les accepter. A la place, il lira dans tes traits comment t'es fière de lui et comme t'aime ce qu'il est en train de partager avec toi. Ton regard passe sur le port en contre-bas et ta voix vient de nouveau s'inviter dans l'instant « hey regarde, ils proposent des petites croisières dans la baie, on y va ?! » question sans vraiment en être une car tu tires déjà fort sur sa main pour qu'il te suive. T'as trop envie d'aller faire ça, de faire cette activité qui a l'air géniale et de voir la ville depuis la mer. Rendre votre après-midi encore plus inoubliable qu'elle le sera déjà.