Ses traits graciles trahissent ses racines. Née aux USA, elle a la Chine gravée à même la peau. Ses parents ont émigré de la préfecture coréenne de Yanbian, dans la province du Jilin, pour venir s'installer à Elizabeth, New Jersey. Ville fantôme, US middle-class, Eden n'a jamais quitté Elizabeth avant son départ pour Harvard. Enfant prodige désirée par des parents aujourd'hui relativement âgés, étouffée par une pression drastique voulue par l'éducation - classique - vécue comme une habitude. Violoniste depuis toujours, elle aime profondément la musique mais n'y a plus touché depuis son entrée à l'université, et l'instrument dort en spectre dans son étui, comme un rappel spectral de sa volonté d'enterrer tous les souvenirs de gosses. Pratiquante d'un peu de guitare, son niveau est médiocre.

Aînée effacée sous la lumière de ses deux petits frères jumeaux, pour qui elle éprouve une tendresse relative. Jamais proche d'eux, trop complexes et liés. Gamine jalouse lors de leur naissance, elle leur prête peu d'attention - le regrette parfois, trop - les connaît à peine. Eden, elle vit par procuration le rêve aseptisé de ses parents, restaurateurs quand ses frères peuvent être ce qu'ils veulent, hantent ses nuits de leurs cris excités de lycéens encore passionnés de basket et de gamin encore.  Rien ne durera mais elle leur envie leur innocence, mélancolie âcre de vieux souvenirs qu'elle n'a pas eu.

Élève modèle, major de sa promo de lycée, populaire. Harvard est sa cage dorée. Bouffée d'air d'une existence stricte qu'elle croyait terminée, ses démons ont la vie dure. Entre en seconde année ((post-graduate)) de med school à la rentrée, après avoir été externe en chirurgie générale puis urgences traumatologiques lors des deux semestres précédents. Future externe en anesthésie-réanimation, en réalité toujours perdue dans ce qu'elle veut faire plus tard. Oh Eden... débordée par le niveau demandé par l’université, ses diplômes, le travail à fournir et ses stages infinis. Au bord du gouffre qui n’osera jamais demander de l’aide. Terrifiée à l’idée d’échouer ou de se laisser dépasser dans la compétition permanente qu’elle mène avec elle-même et les autres.

L'obstination brûlante dans la prunelle, elle refuse de voir les problèmes en face, fuit son propre reflet. Elle est Nina, dans ce putain de film... Black Swan. Dopée à l'Adderall, au Modafinil et à la Ritaline. Etudiante en médecine, elle se croit assez douée pour alterner, consommer, arrêter. Conneries. Elle dort peu, mange peu. Alterne entre des épisodes de frénésie et d’autres ou elle se prend pour la reine du monde, invincible et intouchable. Fucked up, elle le sait très bien au fond. Qu'elle peut pas continuer comme ça, qu'elle se fera prendre un jour. Que la chute sera rapide et l'arrivée mortelle. Qu'elle se brisera le cou sur des restes d'ambition. A la réalité amère d’une resting bitch face doucement contrôlée se laisse voir l'hystérie off guard d'une âme en perdition. C'est triste...