Elle était le réceptacle de toutes leurs attentes, de toutes leurs ambitions. Poupée docile face aux désirs de grandeur de géniteurs n’acceptant que la perfection, jamais moins. Elle s’y pliait, parce qu’elle vivait à travers la fierté qu’elle voyait luire dans leurs iris à chaque bonne note ramenée. ~ Opulence prise pour acquis, elle n’y réfléchissait pas vraiment. Maman politicienne, carrière lisse et dénuée de travers, papa, lui, est à la tête d’une firme de luxury real estate. Fortune héritée puis fructifiée aux cours des années. Le tableau de famille est parfait, et au milieu trône la petite de tête blonde Lilly, benjamine de la famille. ~ Collectionneuse de tout et de rien, atteinte d’un hoarding disorder qui la pousse à chérir tel un trésor le plus simple des objets. Elle possède une pièce emplis de trouvailles hétéroclites, certaines précieuses, d’autres de simples détritus aux yeux d’étrangers. Elles sont toutes précieuses à ses yeux. Molly, la poupée de porcelaine au visage fissuré de ses 6 ans, l’album de timbres tout fripé et effacé, le mégot de sa première cigarette (ou était-ce la sixième ?), un disque rayé, une branche d’arbre à la forme d’un cœur (selon elle), une bouteille vide de whisky, des flacons de vernis ternis ou de parfums sans noms. Elle amasse sans cesse. ~ Les doigts glissent sur les touches blanches et noires, un piano se dresse au milieu de la grande salle et parfois elle s’y pose, quand elle a la boule au ventre, quand elle ne sait pas comment s’exprimer. Le calme revient. ~ Un goût sucré sur ses lèvres, gourmande de fruits, de bonbons acides et de pâtisseries. Le chocolat est néanmoins banni. ~ Pour autant, la relation avec la nourriture est faite d’amour et de haine, elle aime les plaisirs mais déteste les repas constants. Elle ne prend jamais ses repas dans les temps et on la surprendra rarement manger plus que des encas.  ~ Ses facilités d’apprentissages ont toujours rendu son parcours scolaire des plus ennuyants, elle ne ressent aucune consécration face aux félicitations et les trophées. Elle continue à se surpasser, parce qu’elle ne sait rien faire de mieux. ~ Son enfance a été des plus simples, enfant sans problèmes, de ceux qui acceptent les caprices de leurs parents plutôt que de les confronter, parce que la vie est plus douce ainsi. ~ Quand elle n’est pas derrière ses partitions, ou à ranger un quelconque objet trouvé par terre dans une bouteille de cristal, c’est perdue face un jeu vidéo qu’on la retrouvera. Particulièrement, et naturellement, nulle dans le domaine, elle ne s’empêche pas pour autant à acheter toutes les consoles et jeux possibles (syllogomanie oblige). ~ Ses amours, semblables à son existence, ont toujours été un fleuve tranquille. Des papillons gracieux au ventre, des rires innocents, des étreintes tendres. Il est difficile de la détester, même après la rupture, et les anciens amants deviennent amis sans que la gêne de la transition ne se crée. Jusqu’à elle.  ~ Elle, Maddox, prénom chéri, prénom langui, prénom haï – elle ne sait pas, elle n’est pas certaine. Le cœur n’a jamais connu l’amertume avant. Elle l’a aimé de son tout, Lily, elle aurait tout fait pour elle, afin de continuer d’exister dans ses yeux. Brusquement, le monde n’avait plus de sens si ce n’est pour Maddox. Elle l’aimait et plus rien n’importait. Alors elle l’a suivi, l’enfant sage s’est oublié. Les rires n’étaient plus innocents tandis qu’elle succombait au charme de Maddox. Elle l’a ensorcelé. Leurs plus beaux moments instants passés ensemble sont ses pires regrets. ~ Son premier black-out a été effrayant, l’impression de perdre le contrôle sur son existence rangée. Mais elle s’est tournée, Maddox était à ses côtés et soudainement tout était moins gris. Elle était avec elle. Et le premier ne fut pas le dernier, plutôt l’avènement d’une longue liste d’excès. ~ Une clope sur ses lèvres de poupée, le nez poudreux et le regard sanguin. Ses épaules étaient trop frêles pour cette chute libre. Ses notes n’ont en pas pâtis, il s’est avéré qu’étudier sous influence stimulait son cerveau, et plus que tout, elle avait Maddox. Il n’y a jamais eu de promesses entre elles, Lily les pensaient au-dessus de cela. ~ Puis son démon au visage d’ange a disparu, du jour au lendemain. Lily n’était pas préparée à l’abandon et tout son être a cessé de fonctionner. Elle était dépendante, de la jeune femme plus que du reste. L’enfant solaire s’est fermé à tout. ~  Elle a passé plusieurs mois en maison de repos, loin de tout. Elle n’a continué ses études à distance que dans le but de ne pas alerter ses parents. Elle ne sait pas si elle va mieux, tout sonne creux, elle se sent vide. Mais on l’a jugé apte à revenir en société si elle le souhaitait. Elle a accepté. ~ Ses doigts tremblent souvent, et la rage lui enserre le battant parce que, parfois, ça l’empêche de jouer correctement au piano. Ses doigts tremblent du manque. Son corps avait beau être rétabli de toute addiction, la volonté de l’esprit chancèle trop souvent. Le tabac est son seul réconfort, pour l’instant elle continue. ~ Son chemin a rencontré celui d’un refuge animalier par hasard suite à sa sortie de thérapie. Les pensées s’allègent quand elle est entourée de ces petits êtres. Elle a l’impression de retrouver son humanité.