Près de deux ans plus tard, t’as pas oublié. Pas même une seconde de ce qui a pu se passer entre vous. A tel point qu’une pique quitte tes lèvres à sa question, une pique qui, tu le vois, fais naître sur ses lèvres un maigre sourire s’accompagnant d’un rire bref. « Ravie de savoir que j’ai un peu de chance de survivre. » Et puis, tu finis par lui accorder cinq minutes. Cinq brèves minutes. Pas une seconde de plus, ton regard parcourant le cadran de ta montre pour le lui faire comprendre. Il s’exécute, s’excuse une fois de plus. Toi, tu restes silencieuse. S’il a cinq minutes pour te parler, t’as jamais dit que tu répondrais. En tout cas, pas dans l’immédiat. Il en vient à te dire que tu lui manques et tu soupires. Ouais, c’est pas pareil sans lui non plus. Mais il a laissé des traces que t’acceptes pas. « Et puis ? T’attends quoi de moi ? Que je me mette à pleurer face à tes belles paroles ? T’es allé trop loin Ael, oui. Malheureusement, y a pas de retour arrière possible. » Ou en tout cas, t’as du mal à voir comment. T’as du mal à voir comment vous pourriez en arriver à retrouver votre relation d’antan.

Tu t'attends pas forcément à quelque chose de normal entre vous. y'a plus rien de normal depuis que ta main à rencontrer sa joue. c'est malsain c'que tu essayes vainement de faire, mais c'est pas pareil la vie sans elle. Carla c'est juste la valeur sûre. celle qui te connait mieux que tu te connais toi-même pour dire. ta langue glisse une nouvelle fois sur tes lèvres avant que tu secoues doucement la tête. elle est sarcastique, mais elle connait la vérité parce qu'elle te connait. t'es toujours le même. elle a toujours connu tes bons et tes mauvais côtés, mais jamais de la vie t'aurais cru qu'elle subisse les mauvais. c'est une putain d'erreur de ta part. t'en a totalement conscience. « Dis-moi que j'suis le seul à qui ça manque et j'laisserais tomber. » tu repasses ta main dans tes cheveux mauvais réflexe, mais c'est juste plus fort que toi. plus fort que le reste. tu stresses, mais t'as peur de la réponse de la blonde. « J'étais juste jaloux... j'sais pas. J'ai même pas d'explication. » Tu laisses un nouveau rire sortir de ta bouche avant de bouger la tête de gauche à droite. « Mais j'veux pas croire que plus rien est possible entre nous. » rêveur. mais qu'avec elle. t'es rêveur qu'avec elle.

@Carla Scorsese

Le sarcasme prend sa place naturellement, probablement ta meilleure arme pour lutter contre ce que le revoir provoque en toi : le manque. Le manque d’une droguée avec sa came. Sauf que la tienne a longtemps été Ael. Et qu’il se trouve là, sous ton nez, comme une foutue tentation. Alors non, tu pourras pas lui dire qu’il est le seul à qui ça manque ; c’est pas dans ta nature de mentir, au contraire, t’es plutôt franche naturellement. « Jaloux ? Et parce que t’es jaloux et incapable de te tenir, je dois subir ? » Il veut pas croire que rien n’est possible entre vous et t’aimerais penser comme lui. Mais il t’a blessée, davantage intérieurement qu’extérieurement, et la plaie ne s’est pas refermée. T’as d’une certaine manière cette rancœur envers lui, de celles qui sont d’une puissance inégalable. T’ignores même si un jour t’arriveras à l’amener à te quitter. « Deux minutes. Il te reste deux minutes Ael. » que t’annonces en tapotant le cadran de ta montre du bout de ton ongle.

t'attends la réponse qui n'arrive pas et tu sais pas du tout ce que tu dois comprendre d'son silence. c'est pire qu'une réponse en fin de compte. léger grognement qui traverse la barrière d'tes lèvres alors que tu la regardes encore une fois. tu t'embrouilles. t'arrives pas à t'faire comprendre, mais t'es pas réellement doué pour les mots. les putain d'émotions. « Non, bordel, non. J'pas contrôlé et tu le sais. C'était trop fort. J'avais juste... l'impression d'te perdre ou j'sais pas. » la langue qui glisse avant que tu reprennes. « J'me pardonnerai jamais pour c'que j'ai fais et j'te demande pas de le faire. j'te demande juste de me répondre, est-ce que j'suis le seul qui ressent c'manque ? » et est-ce qu'elle a réussit à tourner la page d'eux ? de leur amitié ? de ce lien qu'ils ne retrouveront jamais avec une autre personne. « T'as pris du caractère. » ou c'est simplement ce que tu mérites Ael, t'sais plus vraiment où te placer.

@Carla Scorsese

T’évites de trop parler parce que t’ignores où ça pourrait te mener, voire vous mener. Tu préfères lui laisser la parole puisqu’après tout, c’est lui qui te l’a demandé. C’est lui qui voulait que tu lui laisses de ton temps pour s’exprimer, alors qu’il le fasse. « Tu m’aurais jamais perdue. Mais t’as réussi à le faire. » Parce qu’il représentait tout pour toi et que, même accompagnée, tu l’aurais jamais laissé de côté. T’as eu du mal à respirer quand tout s’est arrêté, le souffle coupé par la fin de votre relation, par son départ de ta vie. Il te redemande une fois de plus s’il est le seul qui subit ce manque de l’autre et tu soupires. « J’ai continué à avancer. J’ai appris à vivre avec. » que t’avoues à demi-mots, une façon de lui dire que oui, il te manque lui aussi. Mais que t’as pas accepté. Que t’accepteras pas. Et puis, il te fait remarquer que t’as pris du caractère et ça te fait esquisser un semblant de sourire. « Je crois pas, je suis juste déçue. » Déçue de la tournure qu’ont pris les choses. Déçue de ce que vous êtes devenus : des inconnus.

tu renifles avant de secouer la tête de gauche à droite. t'as toujours été incertain envers elle. parce qu'elle mérite mieux. parce qu'elle est sûrement plus heureuse sans toi. c'est facile de se faire des idées quand vous n'êtes pas dans la même ville, quand y'a une distance de présence quoi qu'il se passe. « T'étais ici et j'étais là-bas, c'était impossible pour moi d'imaginer autre chose. » tu hausses les épaules. ça toujours été étrange avec Carla, jamais réellement définissable, mais qu'importe. t'aimais ça. t'aimes ça en fait. ça n'a pas changé. « C'était pas c'que j'voulais. » mais on peut pas effacer un acte en un claquement de doigt. tu bouges la tête de haut en bas, la réponse qui te convient moyennement parce que ça veut tout et rien dire, Carla. Ael, tu captes mal. tu décryptes mal. plus comme avant en fait et c'est stressant. « Je comprends.. Je veux pas retrouver ce qu'on était parce que j'imagine que c'est impossible.. » et ça fait un mal de chien à dire Carla, même si tu veux toujours y croire. « Mais laisse-moi essayer de me rattraper en t'montrant que ça arrivera plus jamais.. C'était une putain d'erreur et j'en comprends la leçon tout les jours. »

@Carla Scorsese

Au fond, tu le comprends. Tu comprends le sentiment d’incertitude qu’il a pu rencontrer parce que c’était pareil pour toi ; parce que t’avais peur toi aussi qu’il t’oublie même si t’essayais de te persuader du contraire. Parce que sa présence te manquait, ses bras, les nuits contre lui. Tous ces moments que vous avez passé à refaire le monde à deux, quittant vos univers respectifs pour créer le vôtre. « Je tenais vraiment à toi, Ael. T’étais tout. » que tu finis par avouer. Et plus va la discussion, plus tu sens que tu faiblis. Pourtant, tu dois pas. Tu dois pas céder si facilement, Carla. Il veut se rattraper et te prouver que ça arrivera plus james. « J’y penserai. Je sais où te trouver. » Cette fois, t’imagines que c’est toi qui as les cartes en main. Et t’as clairement besoin de réfléchir avant de prendre une décision, quelle qu’elle soit. « T’as sûrement des clients. » Cinq minutes écoulées.

il est temps pour toi de t'ouvrir plus correctement. d'arrêter de tout garder pour toi. et elle a été toujours une incertitude autant qu'une certitude dans ta vie la blonde. c'est incertain quand elle est venue vivre ici. il y a eu le manque. la distance. tout un tas de chose qui t'faisais penser de la mauvaise manière. c'est pas elle. c'est toi et tes idées. « moi aussi j'tiens réellement à toi. J'ai jamais fais semblant. » pour rien. elle a toujours été la plus importante. y'a jamais eu quelqu'un au-dessus d'elle. jamais. tu bouges seulement la tête de haut en bas. les cinq minutes qui se sont écoulés et c'est la seule chose qu'elle t'a donné à l'heure actuelle. tu acceptes. tu peux pas insister indéfiniment sans la faire fuir une nouvelle fois. alors t'abdiques. « sûrement, ouais. » les épaules qui se haussent doucement. tu t'en moques totalement. mais faut retourner à la réalité Ael. « A plus tard, alors. » tu penches la tête parce qu'elle peut voir à quel point t'espères toujours. et l'attente sera longue, bordel. beaucoup trop longue pour lui.

@Carla Scorsese

Tu le sais qu’il a jamais fait semblant, mais l’entendre le dire te fait du bien, au fond. Ca peut pas avoir d’effet négatif, en tout cas. Tu te contentes d’hocher la tête une unique fois avant qu’il n’enchaîne. Toi, tu te focalises sur le temps que tu lui as donné qui s’est écoulé ; ta manière de te protéger, de te laisser du temps, de pouvoir réfléchir convenablement en t’évadant d’un instant chamboulé. T’en viens à lui rappeler qu’il doit avoir des clients mais c’est la bonne excuse pour toi. Et tu te doutes qu’il le comprend. « à bientôt, peut-être. » Peut-être. T’insistes sur ce terme en réajustant la sangle de ton sac sur ton épaule avant de te faufiler entre les rayons pour quitter la librairie, un dernier regard en sa direction au moment où tu passes la porte.