Jeudi 26 mars. Fraîchement de retour du Spring Break, atmosphère pesante liée aux derniers évènements, tu tentes de remettre le nez dans ton univers : l’art, le cinéma, le théâtre. T’as déjà épluché les bouquins chez toi de fond en comble, rédigé un tas de résumés et de commentaires qui, selon toi, ont toute leur importance. Alors, pour poursuivre dans ta lancée, t’as décidé d’élargir ta panoplie de livres en te rendant dans quelques librairies. Ton sac contenant déjà deux ouvrages trouvés dans de précédentes enseignes, tu pénètres dans la quatrième pour dénicher la perle rare – ou, avec un peu de chances, les. Un « Bonjour ! » adressé à la volée aux personnes présentes, tu fonces droit vers le rayon de théâtre, ta chevelure blonde rebondissant sur tes frêles épaules.

Tu bosses comme souvent depuis un mois. Pas réellement d'autre choix si tu veux continuer d'avoir un appartement à rejoindre le soir. C'est pas le plus beau boulot du monde, mais ça te convient. Tu te plais dans les livres et t'sens presque à ta place. Pour une fois. La langue glisse sur tes lèvres en attrapant les livres qui traînent et qui doivent être ranger. Tu laisses la caisse pour t'balader dans les rayons, tu regardes ce que tu tiens entre les mains pour aller en direction des romans policier. Ordre alphabétique. T'as rapidement compris comment la librairie est capable de marcher. Il t'faut pas beaucoup de temps avant de pouvoir ranger ce qui traîne. C'est devenu juste familier. Comme si tu étais là depuis des mois. Tu quittes ce nouveau rayon pour marcher en direction de celui du théâtre. Tu hausses les sourcils un peu surpris, c'est pas la chose qui se vend le plus malgré la présence de l'université pas très loin, mais chacun ses envies. Tu n'regardes pas devant toi, c'est bien pour ça que tu la remarques pas. Tu continues de fixer ce qui est entre tes mains et tu loupes quelque chose d'important. Encore une fois. Comme souvent.

@Carla Scorsese

Tes billes parcourent minutieusement les colonnes d’œuvres qui te font face, à la recherche de celle qui saura conquérir ton cœur. Deux attrapées à ton niveau et plaquées entre tes doigts fins, l’une attire ton regard au sommet de la bibliothèque. Trop haute pour toi. Du mieux que tu le peux, tu t’étires pour tenter de la toucher du bout de tes doigts, à trois centimètres tout juste de réussir. Utiliser un autre livre pour l’attraper ? Trop dangereux. Et trop loin d’être ta façon de faire, toi qui chéris ces ouvrages, tu craindrais trop d’en abîmer un. Un homme s’approche, te paraît être un salarié, peut-être un peu trop distrait par les bijoux qu’il porte entre ses mains. Mais elle est là, ta solution. « Monsieur ? Navrée de vous déranger, est-ce que vous pourriez m’attraper cette œuvre-là, s’il vous plaît ? » que tu demandes d’une voix douce à ton interlocuteur encore penché sur ses bouquins, ton regard le quittant aussitôt pour cibler le livre tout là-haut perché. L’Artésienne, d’Alphonse Daudet.

Et tu joues avec le bouquin dans tes mains. Tu le tournes et le retourne pour lire la quatrième de couverture. Tu connais pas. Et honnêtement, t'es pas fan des pièces de théâtre. Trop peu intéressant à lire, il parait que c'est mieux à voir. Tu pourras jamais le dire parce que de toute manière t'as pas les moyens d'aller en voir une. Tu préfères garder l'argent pour d'autres conneries comme l'alcool et la drogue. Rien d'sain en sommes, mais ça t'va toi d'vivre comme ça à présent. Tu relèves la tête quand une voix s'adresse à toi. Tu poses les yeux sur la personne en question, une femme. Et tu perds la peu de sourire que t'es capable d'avoir devant les clients. Le coeur bat même plus vite qu'habituellement. Parce que tu la reconnais. T'as pas besoin de grand-chose pour savoir qu'il s'agit d'elle. Tu t'souviens de tout. Du pire comme du meilleur, mais surtout du pire. T'as l'impression de plus avoir de salive. T'as l'impression de plus savoir réellement où tu es parce qu'elle est là devant toi et tu te demandes depuis quand ça n'a pas été le cas. « Carla.. » Et tu t'en moques d'sa demande. Tu sais même plus ce qu'elle veut pour être honnête. T'es trop bloqué dans le fait de la revoir. De la retrouver même si tu fais pas le malin. Tu redoutes à 100% sa réaction au vu de ce qui a bien pu se passer entre vous.

@Carla Scorsese

Du bout de ton index, tu pointes le dos du livre au vendeur, où se trouve le nom du livre pour bien le reconnaître et pour éviter qu’il ne se trompe quand il l’attrapera. Mais tu ne vois pas de bras se lever, t’entends seulement une voix trop familière prononcer ton prénom. Une voix qui te ramène deux ans plus tôt et qui te rappelle les tourments qu’il t’a causés. Cinq secondes à rester droite face à la bibliothèque, cinq secondes à réfléchir pour savoir ce que tu dois faire. Tu te dis que t’as peut-être mal entendu et que les voix se ressemblent parfois. Mais au moment où tu tournes ton visage de poupée vers lui, ton cœur loupe un battement. Ton sac s’écrase au sol dans un bruit sourd produit par tes bouquins. Il est là, Ael. Il est là, face à toi, ton regard plongé dans le sien. Putain. « J-Je dois partir. » Tu mens mal, Carla. Tu sais pas le faire. T’as jamais su. Tu détournes le regard aussitôt, plaquant tes billes sur ton sac étalé entre vous. Tu te baisses rapidement pour en attraper la sangle, l’espoir que sa main ne s’y pose pas elle aussi.

C'est presque comme dans un putain de film tellement ça parait irréel. Pour toi. Comme pour elle. Tu vois qu'elle reste bloquée devant le rayon après que t'ai ouvert ta bouche. Mais tu peux pas faire semblant. Pas avec elle. Parce que ça serait pire comme réaction. T'en a déjà trop fait avec elle. Ta main s'est posée une fois de trop sur elle. Une fois comme tu n'aurais jamais dû et tu t'en mords les doigts depuis. Tu passes ta main sur ton visage. Le livre toujours dans ta main. C'est comme si tout s'était mis sur pause quand t'as compris qui était devant toi. Et t'attends restant à ta place. L'envie de te rapprocher est proche, mais elle aura sûrement envie de fuir. Tu restes de marbre face à sa réaction qui t'comprimes le coeur, tu peux t'en prendre qu'à toi Ael. T'as perdu le contrôle avec la mauvaise personne. Tu restes sur place. La laisse faire même si t'aimerais l'aider. Est-ce qu'elle le sait ? Est-ce qu'elle s'en rend compte qu'il s'en veut et qu'il voudrait juste l'aider dans le présent ? Ou alors elle a l'image du parfait connard que t'es. Que t'es avec tout le monde sauf elle, mais c'était avant. « Tu peux m'accorder cinq minutes, s'il te plaît ? » Et tu supplies jamais généralement. Carla, elle peut voir à quel point ça te tiens à coeur de lui parler. Tu pourrais lui dire en signe de votre amitié, mais ça serait qu'enfoncer le couteau dans la plaie. Ca ferait que rappeler tes putains d'erreur.

@Carla Scorsese

A croire que ton espoir se transforme en réalité, tu te rends vite compte que t’es la seule à tenir cette foutue sangle. Sangle que tu repositionnes sur ton épaule dès lors que tu te relèves, prête à quitter la librairie et abandonner les ouvrages qui se trouvent déjà entre tes doigts. Au moment où Ael reprend la parole, tu viens écarter les bouquins soigneusement alignés dans la bibliothèque pour y remettre l’un des deux livres que tu tiens encore. Et tu restes silencieuse un instant, ne sachant ni quoi dire, ni quoi faire de plus. Tu recherches l’emplacement de la seconde œuvre en contournant le brun, avant de t’arrêter soudainement. « A quoi bon ? On s’est tout dit. T’en as suffisamment fait Ael. » que tu prononces sèchement en te retournant pour lui faire face. « C’est pas comme ça que ça fonctionne. » T’es pas prête à lui pardonner ce qu’il a fait. Parce qu’il a tout brisé, parce qu’il t’a faite perdre ton meilleur ami. Parce que t’aurais eu besoin de lui et de son soutien des mois plus tard, mais il était pas là.

Les yeux qui se ferment doucement. En fait, t'aurais aimer la voir dans d'autres circonstances, dans des circonstances qui t'auraient juste préparer à ça. Là, tu l'es juste pas. Mais c'est pas pour autant que tu vas la laisser s'échapper. Que tu vas te retenir de lui parler. T'en a besoin. Depuis tout ce temps. T'as besoin de la retrouver Carla. C'es tune partie d'toi. Quoi que les autres puissent en dire. Elle est totalement différente de toi. C'est ton opposé, mais c'est sûrement une des personnes les plus importantes dans ta vie. Enfin avant. Avant que tu fasses une putain de connerie. Tu te mords fortement l'intérieur de la joue, tu sens le goût d'métal sur ta langue, mais qu'importe. « Donne je vais le ranger... » Tu tends la main face au livre qu'elle tient. Tu vois qu'elle veut juste s'en aller, mais tu comptes pas baisser les bras aussi facilement. Les dents se serrent en entendant ses mots. Elle ment. Tu l'sais et elle aussi. « Non, c'est pas comme ça que ça fonctionne. C'est bien pour ça que j'te demande cinq minutes. C'est la mort ? » Tu penches la tête, peut-être pas la bonne stratégie pour avoir du temps avec elle, mais c'est dans ta nature. Tu souffles doucement. Respire. Inspire. « Tout n'a pas été dit. Je t'en prie Carla, j'te demande juste cinq minutes à m'écouter et après... » tu feras ce que tu veux. Sauf que t'es incapable de lui dire ça, tu veux pas voir ta vie sans elle.

@Carla Scorsese

Dernier livre dans ta main, Ael te propose de le ranger à ta place. T’imagines qu’il le fait pour se faire pardonner avant même de penser que c’est son job. Tu le relâches lorsqu’il le tient à son tour et finis par soupirer. Pourquoi ? Pourquoi vos chemins ont dû se croiser aujourd’hui ? T’étais pourtant dans un bon mood, pas l’envie de le croiser et de devoir reposer toutes vos cartes sur la table. Pas envie de devoir lui faire face. « Je sais pas, peut-être ? Avec toi, on sait jamais à quoi s’attendre. » Peut-être la mort, peut-être un peu provocant. Et puis, il poursuit en te disant que tout n’a pas été dit. Il en est si sûr que ça ? Toi, t’as eu l’impression que sa main avait parlé pour lui. Et ça a évité tous les mots du monde, tes maux étant déjà trop présents, eux. Mais t’es gentille, Carla. Il le sait. « Cinq minutes. Pas une de plus. » que tu reprends finalement en venant croiser tes bras sous ta poitrine, tout juste après avoir jeté un oeil à ta montre.

Tu prends le livre pour le mettre avec l'autre. Sans arrêter de la regarder. C'est vraiment le pire moment. Y'a rien que t'as calculé. Tu détestes ça et tu voudrais la laisser juste partir, chose qui serait plus sain pour elle. T'es définitivement pas bon pour elle, mais elle est importante Carla. C'est la seule chose qui te maintient devant elle. Tu prends la remarque dans le ventre. Parfaitement mérité et tu peux pas empêcher un léger rire sortir de ta bouche. Elle a raison dans le fond, t'es capable du pire sous la colère et elle a subit les conséquences. Les conséquences de la colère et d'votre lien trop fort. Trop intense. « T'es la dernière personne que j'tuerais dans cette ville. » Mais t'es certain qu'elle va pas t'croire. Tant pis. Tu connais la réalité toi. La poupée te donne enfin ses minutes que tu demandes depuis quelques minutes. Tu soupires, plus fort quand elle regarde sa montre et tu passes ta main dans tes mèches brunes. « Tu sais que j'voulais pas faire ça... J'aurais dû me retenir.. Mais j'étais trop en colère pour réfléchir correctement. J'pourrais te dire un million de fois que j'suis désolé, ça changera rien. Tu me connais assez pour savoir que j'le suis.. Tellement. » T'as un énorme respect pour les femmes de ton entourage. C'est presque étrange, mais c'est le cas. « Tu... Tu me manques. T'es ma meilleure amie Carla. C'est pas pareil sans toi. » Et t'as continué de vivre avec une partie manquante, mais t'aimerais la retrouver.

@Carla Scorsese