elle a besoin de l’entendre comme l’être humain avait besoin d’oxygène. camille, elle était trop fragile malgré toutes les apparences qu’elle pouvait donner. et elle savait dans le fond que la moindre contrariété, le moindre doute pourrait totalement la faire basculer. pourquoi fallait-il toujours qu’elle soit concernée dans les moments dramatiques ? elle demandait rien à personne et c’était comme si le passé n’avait de cesse de se répéter avec différent protagonistes à chaque fois. elle était fatiguée, au bord de la crise de nerf et continuait pourtant d’espérer qu’on lui dise que c’était une erreur. que mark allait bien et qu’il n’était pas ici. qu’elle pouvait rentrer chez elle et qu’ils étaient désolés d’avoir tiré une fausse sonnette d’alarme. mais c’était seulement dans les films que ce genre de chose là arrivaient, pas vrai ? c’est un dialecte incompréhensible qui sort de la bouche de la blouse blanche. elle a beau être en médecine, son truc à elle c’est la psychologie. alors bien sûr qu’elle n’est pas bête. elle comprend les fractures, le possible traumatisme crânien mais c’est un débit de mot incessant quand elle voudrait juste qu’on lui réponde si oui ou non il allait bien. elle garde ses lèvres pincées, lutte le plus fort possible avançant jusqu’à la chambre, vision qui lui soulève un haut le coeur en le voyant relié à toutes les machines possible et inimaginable. et si la blonde semble prendre les devant s’offrant une place de choix à côté du lit où il était étendu, camille semblait tétanisée, toujours au niveau de la porte, un pied dedans et l’autre dehors, le visage éteint. elle détourne les yeux, tente de se concentrer sur n’importe quoi d’autre. le mec avec le badge peut être ? si elle n’y avait pas prêté attention jusqu’à maintenant, l’air familier lui revenait soudainement en plein visage. elijah. elle mettrait sa main à couper que c’était ça. elijah, aventure qu’elle avait pu avoir sans qu’il n’y donne suite. le monde était foutrement petit et ce n’était clairement pas le moment de se plonger sur ça. les deux s’étaient adressés à mark tandis qu’elle restait toujours en marge, utilisant son bras droit pour se maintenir debout. elle n’avait aucune idée de quoi lui dire, pas devant les autres. trop pudique sur ses sentiments, trop fermée pour le monde autour d’elle. ouvre la bouche sans son, se pince les lèvres la seconde d’après incapable d’articuler le moindre mot. c'est comme être plongé dans un gouffre sans fin, hurler à plein poumon mais ne pas se faire entendre. sensation la plus abject qui soit. elle tente un pas en avant, un deuxième, nausée qui lui comprime l'estomac alors qu'elle recule soudainement. j'peux pas souffle qui s'échappe, mots qui s'envolent alors qu'elle a la sensation de manquer d'air. puis qu'est-ce qu'elle foutait là ? il l'avait déjà abandonné une fois, une deuxième ne devait pas représenter grand chose.

get a hold on my soul.
 w/ @Mark Underhill @Camille Ainsworth @Elijah Hayes-Morales

ça semblait irréaliste. tout ça, là. nous trois, parfaits inconnus, au chevet d'un homme qui marquait nos vies de manière différentes et pourtant, aucun de nous n'osait réagir de la même manière. la pudeur à certain, le laisser aller à d'autre. j'étais bien trop inquiète et malheureuse pour me soucier de l'avis de chacun. je voulais juste m'endormir calmement à côté de lui et me réveiller en même temps que lui, dans ma chambre. me rendre compte que tout ça n'est qu'un vilain cauchemar et que tout allait finalement bien.
tout allait bien.
mais non, j'ai beau fermer les yeux plusieurs fois, c'est toujours la même chose. il y a tous ces tuyaux autour de lui, il y a ce masque à oxygène, ces plaies, ces bleues, ces brûlures, ces bandages... il était méconnaissable.
et pourtant, c'était bien mon homme qui gisait là, sous mes doigts. c'était mon homme qui mourait peut-être sous nos yeux.
stabilisé, mais pour combien de temps encore. est-ce qu'il allait seulement se réveiller ?
le policier ouvre la bouche et j'écoute même pas.
j'ai les yeux fixés sur son visage impassible, à me demander ce qu'il pense, ce qu'il rêve, ce qu'il voit.

puis une voix plus légère, discrète me fait lever la tête. je voudrais froncer les sourcils mais je suis surtout subjugué par la pâleur de sa peau. elle va aussi nous claquer entre les doigts.
son mouvement de recul me fait me lever avec lenteur. j'ignore pourquoi il a passé l'existence de sa fille sous silence mais si elle est là, c'est qu'elle est importante pour lui.
pas sûre qu'elle aurait du le voir dans un tel état, mais il fallait parfois affronter des horreurs pour apprécier les merveilles.
je m'arrachais le cœur à me lever, à lâcher doucement ses doigts égratignés. mais il y a des missions que seule une femme peut surmonter.
pardon, mark. c'est à moi de t'abandonner ici.
contournant le lit pour passer devant le policier, je marche jusqu'à la porte pour attraper doucement l'épaule de camille. « venez, on va prendre l'air et boire quelque chose. » je me serais volontiers risquer à un : il ne s'envolera pas. mais je me ravise. le sarcasme n'est bon que dans certaines circonstances. « on reviendra quand vous aurez repris des couleurs. » que je chuchote pour qu'elle soit seule à m'entendre. comprendre que je suis une alliée et non une menace.
comprendre que je comprends la douleur même s'il y a des aspects qui m'échappent.
la nature de leur relation, la nature de sa peur...
moi aussi, j'ai peur. et pas que de mark, mais de ce qu'il peut représenter.

je jette un dernier regard derrière moi, laissant ma main glisser le long du bras de camille, posant ma main dans la sienne.
geste tendre que je n'accorde généralement à personne, si ce n'est à mark. « allez. » que je dis en tirant doucement sur son bras pour l'arracher à la vision d'horreur qui semble la terrifier.
il s'en sortira, demoiselle, parce qu'il y a dans ce monde plusieurs catégories de personnes. et ton père... c'est un battant.
j'essuie les quelques traces de sel laisser sur mes joues et repose le masque de la femme forte.
celui qui a plus de charme et de charisme que la pauvre aly souillon qui pleure et se morfond.
et quand on reviendra, il sera peut-être réveillé... prêt à lui délivrer des réponses. des mots. de l'amour... ou que sais-je.
je pourrai être jalouse, au fond, je le lui suis un peu. ces larmes qui ont coulées quand elle a parlé n'étaient pas pour moi mais bien pour elle. mais mon instinct, ce drôle d'instinct qui bat comme mon cœur, me pousse à prendre soin de cette jeune femme jusqu'à ce qu'il ouvre enfin les yeux, que son âme décide de nous livrer sa vie, de le garder près de nous.

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