|	our name is chaos ; vassilyn

— Faux prince pour ce soir, et pour tous ceux qui suivront, pour tous ceux qui ont précédés. La vitre de sa voiture à demi relevée pour laisser s'échapper sa fumée de clope, presque bleue dans la lumière des phares, il frissonne. Il fait trop froid, même pour lui. Rictus froissé sur le visage, il lâche sa cigarette à l'extérieur, se mord le pouce. Il vient de se brûler ce con. Il est fébrile presque, les mains moites, le col du costume hors de prix trop serré. Elle est loin l'attitude, celle à la majuscule, cultivée depuis toujours à coups de crises et d'excès, de folies dorées et d'ordres à jamais ignorés. Il peut pas s'empêcher de laisser ses mains danser un peu partout, fouillant la boite à gants pour en ressortir deux trois photos vieillies et un briquet. Deuxième mort ce soir, il rallume sa précieuse nicotine, expire le poison et balance la tête en arrière sur le cuir neuf de son dernier caprice.

Un agacé Vass, ce soir. Loin du menteur venu s'enfermer à la dudley avec pour unique envie de tous les faire chier. Il détache du bout des doigts un bouton de sa chemise immaculée, blanc agressif jurant avec le noir profond de l'ensemble, qui lui ressemble pas. Pas tant que ça. Dépravé dans l'élégance, c'est tout un art. Le moindre muscle est tendu, il se perd entre proie et prédateur, de la pauvre âme dont il écope ce soir, une fille bien d'après le paternel. A l'écouter c'bâtard, c'est toutes des filles bien si l'argent suit derrière. Il la connaît pas mais avec un peu de chance, elle est pas farouche. Mécanique, il inhale une enième bouffée de fumée avant de balancer la clope dehors et de refermer la fenêtre, remettant le contact. L'adresse, c'est un hôtel. Il aurait bien pu critiquer, mais au fond il fait pareil, à louer à l'année dans un Ritz hors de prix juste pour le plaisir de prouver que lui, il peut se le permettre et pas les autres. Cette fille, elle est comme lui. Inatteignable. Ses doigts claquent contre le volant. En fait il en sait rien, mais il est forcé. Obligation contractuelle de se montrer, ce genre de merde. Pour rappeler qui il est alors que soit tout le monde s'en fout, soit tout le monde le sait. C'est pour l'image, pour l'importance. C'est politique et c'est vilain, c'est pour mettre une barrière de plus entre les mondes. Mais pour l'alcool et une jolie fille, il peut dire oui Vass, au moins une fois...

Les talons qui claquent sur le bitume, ça lui plait déjà, quand il baisse la vitre à nouveau, pour laisser passer le froid polaire des deux yeux bleus de son putain de passé. Et merde. Putain de merde. Sitt. Il réprime un rire nerveux. Fallyn. C'est pas possible et en même temps, ça fait beaucoup trop sens. Crispé, les ongles plantés dans le cuir jusqu'au sang, il a les iris bloqués sur sa nemesis. Trois mots d'elle et il est foutu. « Monte. » Les yeux coupables contre le rétro, il la regarde même plus. J’plaisante pas. T’as pas l’choix et tu l’sais. Rien à dire d'autre, le ton est laconique et s'oppose à son non catégorique, comme il s'est opposé à ses non de gamine y'a cinq ans. Y'a pas de non qui tienne. On s'oppose pas à Vassili Lyov, elle encore moins. Cris inconscients des prunelles, animées des dessins les plus cruels, la peur en toile de fond. Il appuie pour laisser la porte côté passager s'ouvrir. C'est l'hécatombe, chemin vers la tombe.  

Silencieux, il attend. Il le sait, qu'elle fera ce qu'on lui a dit de faire. Parce que c'est ce qu'elle est au fond. Serpent, elle mordra plus tard.