LE PETIT MEMO SCOLAIRE EN BREF:

T'étais là, t'es cheveux bruns volants dans le vent, ta tête parsemées de petites boucles, alors que tu courais les pieds nus dans l'herbe du jardin du palais. Tu entendais ton nom, au loin, quelqu'un te criant de revenir, que c'était bientôt l'heure pour s'endormir, mais tu continuais de courir, jusqu'à ce que tu t'emmêles les pieds et que tu tombes sur l'herbe moelleuse, laissant éclater un rire cristallin parce que du haut de tes deux ans, tu étais tellement fort que quand tu tombais, tu ne te faisais même pas mal. Tu étais déjà dans ta période rebelle à cette époque il fallait croire, n'écoutant pas toujours les recommandations de tes parents ni des nourrices et les faisant toujours courir derrière toi lorsqu'elles voulaient te faire faire quelque chose dont tu n'avais aucune envie de faire. Et ça t'amusait, évidemment. Elles faisaient leur possible pour que tu ne te fasses pas mal, pour que tu restes en un seul morceau, et toi tu continuais de tester leurs limites, tel le petit trublion que tu étais. Il ne fallait pas remettre toute la faute sur toi, t'avais des bons côtés aussi. T'étais observateur, éveillé, curieux. Tu pointais tout ce que tu voyais et tu t'amusais à courir en pleins sur les pigeons pour les voir s'envoler. Absolument tout te fascinait et chaque nouvelle petite chose n'était qu'un prétexte pour faire pétiller tes beaux yeux marrons devant tant de belles choses. Particulièrement avec les oiseaux. Tu ne savais pas pourquoi, ça t'avait toujours attiré. Même à ton plus jeune âge, alors que la seule envie que l'on avait était de courir dans tous les sens afin d'explorer le monde, toi, tu pouvais tout à fait rester calme à la vue d'un oiseau. Tu pouvais ne plus bouger et le regarder pendant des heures, observant chaque mouvement de tête, chaque froissement de plumes. Peut-être était-ce leurs habilitées à voler, à pouvoir parcourir le monde en quelques battements d'ailes. Dans tous les cas, tout le monde au palais connaissait ta nature curieuse et aimante des oiseaux. Tout était beau et formidable, tu vivais dans un grand bâtiment avec pleins de chambres, tes nounous qui pouvaient jouer avec toi lorsque tu te sentais un peu trop seul et tes bons parents qui t'aimaient malgré ta nature casse-cou. T'étais jeune, insouciant. Tu vivais ta petite vie tranquille et t'étais heureux. T'avais l'air heureux.

C'était à ses moments-là que tu pensais quand ça devenait trop dur pour toi. A ces brides, par-ci, par là, ce sentiment de liberté, ces rires lointains ... T'as eu une éducation stricte, mais pas injuste. C'était juste ce qu'il fallait pour élever au mieux un futur dirigeant t'imaginais. Il fallait que tu sois droit, que tu présentes bien, que tu joues de la musique, que tu fasses du sport... T'étais passionné de piano, et tu te souvenais de tes cours particuliers chaque après-midi pendant au moins une heure, le temps de pratique se rallongeant avec années que tu prenais. Tu n'étais pas de ceux qui avaient un don de naissance non, mais tu devenais bon avec les années, et c'était la même chose avec la natation. T'aimais rester nager dans l'eau et oublier toutes traces du temps, juste perdu entre les mouvements que tu devais faire et tes pensées secrètes. T'étais aussi travailleur comme gars, il fallait de ça pour frôler l'excellence. Mais ça allait la plus grosse partie du temps. T'avais tous les événements de la ville auquel tu devais participer, et même si la plupart du temps ça ressemblait plus à des corvées, ça t'aider à t'aérer l'esprit. Et puis plus tu grandissais, plus tu trouvais de nouvelles manières de vivre comme un enfant puis adolescent normal, et tu faisais tout pour concilier boulot stricte et temps d'amusement, parce que tu refusais d'être une machine sans enfance.

Un gay au palais ? Il semblerait que Monaco n'ait pas fini de nous étonner. Selon nos reporteurs, le prince héritier a été aperçu vers 2h du matin sortant d'un bar à Montréal où il séjourne depuis trois mois, clairement éméché et aux bras d'un inconnu brun. Sur les photos ci-dessus, on peut facilement voir Rainier Grimaldi IV débraillé, titubant, et la main un petit peu trop collée vers la braguette descendue du mystérieux jeune homme avec qui il était, avant que les paparazzis perdent leurs traces entre deux rues. Il n'est pas inhabituel de voir l'adolescent de dix-sept ans loin du palais lors de ses séjours linguistiques qu'il pratique depuis ses sept ans, mais il nous avait habitué à de sérieux et véritables apprentissages lors de ses voyages, et pas à des touche-pipi avec le premier garçon rencontré. Alors, vrai coming-out ou sincère appel à l'aide d'un prince perdu parmi la débauche homosexuelle de Montréal ? Tout ce qu'on sait, c'est qu'à Monaco, Son Altesse Sérénissime doit déchanter...

Tu ne l'avais pas vu venir cet article, c'était le moins qu'on puisse dire. T'étais tellement enfermé dans ta petite bulle parfaite que t'en avais oublié le fait d'être un vrai prince que parfois les paparazzis surveillaient, prêt à prendre en mémoire les instants de tes moindres faux pas en photographie. Ils ne t'avaient pas loupés, cette fois-ci. Pris en photo dans la rue avec un mec, bien trop collés pour ne pas avoir le moindre doute sur la nature de votre relation. Ce qui était certain, c'est qu'en quelques heures, entre les - bizarrement - nouvelles réticences de te voir rester du père Scheffer-Stone chez qui tu dormais et le scandale créé à Monaco, t'avais tes valises pliées, ton billet d'avion, et t'étais de retour au palais, écourtant ton voyage au Canada. Et t'as stressé, mon dieu que t'étais stressé durant le trajet. Comme pris de panique, le souffle court, le teins pâle. Et des putains de lunettes de soleil pour essayer de te faire passer un minimum incognito. On t'avait vu. On t'avait vu avec un homme, parce que t'étais trop bourré pour faire attention, et voilà qu'on te jugeait déjà à cause de tes tendances après même pas un jour. C'était pour cela que tu ne l'avais jamais dit. Ce n'était pas que t'avais honte d'aimer les garçons, ni que tu voulais réellement te cacher et garder ce secret jusque dans ta tombe. Si des amis proches te demandaient, tu pouvais y répondre sans rougir, sans être gêné. Mais voilà que tout ce dont tu craignais t'éclatait à la gueule. T'osais même pas te connecter sur quelconques réseaux sociaux ou sur google en général, de peur de voir ou lire des choses qui ne te plaisaient pas. Putain. Ça faisait un peu plus de deux mois que tu sortais avec Oscar et tout allait tellement bien. Et t'étais amoureux, bizarrement. T'aimais sa personnalité, ses rougissements, ses imitations d'accents et son amour bizarre pour Xavier Dolan. T'aimais lui changer les idées, le forcer à prendre des pauses quand il travaillait, et puis t'aimais l'embrasser, une fois, deux fois, dix fois, vingt fois, jusqu'à ne plus pouvoir continuer. Et puis ses yeux, et puis son corps...

Bizarrement, ta famille à bien pris la nouvelle. Enfin, modérément. Ils s'en foutaient un peu que tu sois gay ou pas, c'était pas ça le soucis, et ça t'as enlevé un tel poids sur tes épaules. Ils t'acceptaient comme ça, ils auraient juste préférés l'entendre de ta bouche avant de voir de telles photos dans les magasines. Les photos, voilà ce qui était gênant en revanche. Ce n'était pas le comportement ni la classe qu'un prince devait avoir. Et s'il aimait s'amuser, et boire jusqu'à se bourrer, ce dit prince devait apprendre à contrôler son image, à ne pas se faire voir, et à cacher les apparences. A bien se tenir. T'as pas pu parler à Oscar pendant quelques mois, le temps que ça se tasse, que les gens en parlent moins, même si maintenant, quand t'allais en cours et que t'étais à côté de tes potes, tu voyais toujours un article ressortir, se demandant si l'un d'eux était ton copain secret ou des conneries de ce genre. Et t'essayais de passer outre, de pas y penser. Quand les rumeurs et que le sujet de discussion s'est épuisé, t'aurais pu renvoyer un message à Oscar. T'avais voulu, tellement voulu. Mais tu te trouvais con à lui envoyer un truc deux mois plus tard quand lui-même t'avais peut-être déjà oublié. La seule pensée positive que t'avais était qu'on ne le distinguait pas sur les photos prises et que personne n'avait trouvé son nom ou irait l'emmerder à lui poser toutes sortes de questions sur toi et sur vous. Alors t'as essayé de le repousser quelque part dans ton esprit, essayant d'oublier la pointe dans ton coeur qui te rappelait que vous n'aviez même pas eu l'occasion de continuer votre histoire ou d'avoir une vraie rupture qui aurait clos la chose, et tu continuais ta vie, comme si tu ne l'avais jamais rencontré.

Harvard, c'était le rêve. C'était l'université trop prestigieuse, trop connue, trop sélective, et pourtant t'as quand même essayé d'y entrer. Tu avais des notes excellentes et tu savais parler anglais parfaitement grâce aux voyages linguistiques que tu as passé un peu partout dans le monde durant ton enfance. T'avais fait pleins de recherches et tu te voyais déjà y étudier, y vivre, y rencontrer des nouvelles personnes, et participer à la vie du campus. T'as tout de même postulé dans d'autres universités pour avoir des plans b, mais quand t'as ouvert et lu la lettre qui t'indiquait clairement que tu étais reçu, t'étais juste aux anges, t'y croyais pas. T'es entré lors de la rentrée 2013, des étoiles pleins les yeux alors que tes grosses valises suivaient chacun de tes pas enthousiastes, le cœur qui palpitait pour cette nouvelle vie qui s'ouvrait à toi.

Et il s'en est passé des choses. T'as retrouvé ton premier amour brièvement ce qui t'a permis de clôturer enfin cette histoire en suspend, t'as eu des relations secrètes par rapport à ta sexualité à moitié assumée à l'époque, t'as manqué de mettre l'une de tes meilleures amies enceinte après un bain de minuit qui a dérapé, t'as eu ton quota de plan d'un soir, tes parents t'ont marié contre ton gré pour unir la principauté, t'es tombé vraiment amoureux. Le tout en t'efforçant de participer le plus possible à la vie du campus et de ta maison, aux clubs qui te tenaient à cœur, tout en révisant assez pour passer tes années d'études du premier coups et rester dans l'élite de ta classe. C'était pas toujours facile, mais tu y as donné du tien pour réussir. Jusqu'au jour ou t'as déserté.

T'étais pourtant bien, ce serait mentir que de dire que rien n'allait dans ta vie à ce moment-là. T'avais des amis proches que tu adorais et sur qui tu pouvais compter, tu avais renoué le contact avec certains dont tes relations auparavant ne s'étaient pas bien terminées ; même si la maison était quelque peu divisée en deux camps les eliots faisaient parti des premiers ; tu étais dévoilé aux yeux de tous malgré ton mariage et ton couple avec Graham se portait pour le mieux. T'avais pas à te plaindre. Pourtant t'as quitté tout ça. Après avoir lu un article de trop sur le net, t'as fait tes valises en juillet 2016 et t'es arrivé en Dakota du Nord, pour militer auprès des amérindiens contre la construction d'un oléoduc près de la réserve indienne lakota Standing Rock. T'es resté plusieurs mois, et c'est là que tout à commencé. T'avais besoin de faire une pause, t'avais besoin d'aider les gens, t'avais besoin de t'éloigner de ta vie facile et de te confronter aux injustices de la vie partout dans le monde. T'as entamé alors un tour du monde en deux ans, aidant la plupart du temps des associations sur place en leur consacrant du temps et en leur prêtant main forte. Ça t'a fait du bien, ça t'a fait redescendre et te souvenir ce que c'était d'être humble - mais il ne fallait pas non plus que tu oublies qui tu étais. Il a fallu que tu reprennes ta vie en main, tu ne pouvais plus continuer de voyager sans finir tes études et avoir ton diplôme. T'as remplis une nouvelle fois le dossier d'inscription pour Harvard, car tu te voyais difficilement continuer ta vie universitaire autre part. T'as expliqué en long et en large ce qu'il s'était passé, où t'étais, appuyant le fait qu'à l'époque t'avais toujours eu un dossier irréprochable. Et te voilà réintégrant le campus en septembre 2018.