Pas de Caprice. J'accompagnais Miles à Paris pour m'occuper de sa fille. Mais la fillette n'était pas là. Je ne comprenais rien à la situation. Il avait fait en sorte que j’accepte de le rejoindre, prétextant la petite tornade en sachant très bien que j'étais attachée à elle et par conséquent, que je ne refuserais pas. Je pensais même, naïvement, que des amis à lui seraient de la partie et donc, que j'étais vraiment là dans un rôle de nounou. Mais pas ce week-end apparemment. Pourquoi est-ce qu'il me l'avait faite à l'envers ? Mystère. Nous nous apprêtions à passer un week-end à Paris tous les deux, j'étais quelque peu perturbée et nerveuse à l'idée. Je ne savais pas à quoi m'attendre et aussitôt que nous avions pris place dans l'avion, une moue boudeuse était apparue. Parce que oui, j'avais quand même accepté de le suivre jusqu'à Paris malgré le mensonge. Pourquoi ? Parce que j'étais intriguée et qu'il avait éveillé ma curiosité. Aussi, parce que je m'étais sentie bien durant le Spring Break, loin de Boston et que j'espérais vraiment que ces quelques jours allaient être une bouffée d'air frais. J'étais contente d'aller dans l'une des plus belles capitales au monde, mais... j'avais fait la tête durant tout le voyage, ne décrochant pas un mot. Rien ne s'arrangea en passant par l'hôtel quand on déposa nos affaires dans une seule et même chambre. Respire Marla, tout va bien se passer. C'est seulement quand mes pieds foulèrent les pavés de la capitale française que ma bonne humeur commença à se réveiller. La Seine, ses ponts, ses monuments, l'ambiance générale accompagnée du beau temps. C'est quand nous nous retrouvions aux pieds de la majestueuse tour Eiffel que j'échangeais un immense sourire - pour la première fois du voyage - avec Miles. « Tu prends des photos pour moi ? » Depuis janvier, la vie de mon téléphone ne tenait qu'à un fil et donc, je laissais à Miles le soin de nous créer des souvenirs photos. À mesure qu'on pénétrait dans les étages de la dame de fer, mon excitation grimpait, faisant de moi une pipelette, posant mille et une questions sur les pourquoi du comment jusqu'à finalement rester muette devant la vue qui s'offrait à nous. « J'ai encore du mal à réaliser qu'on est ici » Et surtout, que tous les deux.

Marla ne lui avait pas décroché un seul mot depuis l'aéroport, le moment où il lui avait dévoilé - sans plus grand choix - son plan machiavélique de la semaine. Le weekend à Paris qu'il lui avait vendu pour travailler n'était en fait pas pour travailler, ouaip. Ce n'était pas un imprévu de dernière minute l'absence de Caprice, mais bien son plan depuis le début étant donné qu'il avait su dès le début qu'elle n'aurait jamais mis les pieds dans cet avion s'il lui avait proposé un weekend en Europe juste pour oublier leurs tracas bostoniens. Et honnêtement, il avait cru pendant l'espace de quelques longues minutes qu'elle allait faire demi-tour dans cet aéroport et le planter comme il le fallait sauf qu'à sa plus grande surprise, elle était quand même montée dans l'avion mais lui avait fait subir le traitement du silence pendant tout le vol. Et à l'arrivée dans la ville, même dans l'hôtel où son regard s'était noirci à la découverte de l'unique chambre d'hôtel pour deux. Oops ? Il n'allait pas s'excuser, et d'ailleurs il n'affichait nullement une expression désolée sur son visage, se contentait de lever les yeux au ciel, amusé par ses infanteries. Tôt ou tard, elle devra lui adresser la parole mais d'ici-là, il n'allait pas lui forcer la main, aussi occupé à organiser le programme du jour, à l'emmener vers l'attraction phare de la capitale de la France. Elle avait continué son petit jeu du silence pendant le trajet en taxi aussi jusque là et Miles patientait, de plus en plus amusé et impressionné par la persistance de la rousse dans son silence. Il en aurait presque oublié le son de sa voix tiens. Ce n'était qu'aux pieds de la Tour Eiffel que celui-ci résonna enfin dans les oreilles du brun qui fit semblant de sursauter pour l'effet dramatique de la chose. « Wow, mon dieu, c'est que ça parle ce petit truc tout compte fait ! » Qu'il lança plus taquin que jamais, tout en attrapant le téléphone de la jeune femme pour la prendre en photo comme elle l'avait quémandé. S'il avait été vicieux, il aurait pu lui rendre l'appareil - métaphoriquement parlant - et l'ignorer comme elle l'avait fait mais honnêtement, une part de lui était quelque peu soulagé de l'entendre enfin. « Il te fallait la Tour Eiffel pour te tirer un son et un sourire ? Madame a des goûts de luxe, je note ! » Qu'il renchérit avant d'embarquer dans l'ascension du monument. Là aussi elle était silencieuse mais pas le même silence. C'était un silence émerveillé. Et elle le confirmait avec son exclamation une fois qu'ils avaient atteint le haut de la pique en fer. « Tu l'aurais sûrement réalisé plutôt si tu m'avais.. hm je sais pas ? .. adressé la parole pour te présenter un peu la ville en chemin » La taquinait-il, vraiment fier de lui. Oui, il était totalement fautif du rechignement de la rousse, mais est-ce qu'il se sentait coupable ? Pas le moindre. Est-ce qu'il était même plutôt satisfait malgré tout ? Totalement.

La patience était certainement l'une de mes qualités. Rares étaient les fois où quelqu'un arrivait à bout de celle-ci. En tout cas, Miles était en train d'en faire les frais. Depuis que nous étions montés dans l'avion pour Paris, j'avais décidé que je faisais la tête et par conséquent, que je n'allais pas lui adresser la parole pendant plusieurs longues heures. C'était sans compter l'esprit malsain de l'ancien Eliot qui ne pouvait s'empêcher de trouver cela marrant. Limite, un concours s'était instauré silencieusement. En découvrant notre chambre nuptiale, mon regard s'était assombri, me faisant clairement gagner à ce petit jeu de la dispute silencieuse. Il n'y avait même pas de canapé pour accueillir Miles pour la nuit qui allait nous attendre. Au moins, le lit semblait assez grand pour qu'on est pas à se croiser en pleine nuit. Bref, je gagnais jusqu'à ce que mes yeux commencent à parcourir les rues de la ville, tombant en amour pour cette ville pleine de charme. Si bien qu'une heure plus tard, au pied de la tour Eiffel, mon visage s'illumina dans la direction du jeune homme pour lui adresser la parole pour la première fois depuis notre arrivée. « Wow, mon dieu, c'est que ça parle ce petit truc tout compte fait ! » que l'ancien Eliot surjouait digne d'un grand acteur de théâtre. Mon nez se fronce en une grimace avant de rire à sa plaisanterie, d'une bien bonne humeur, les yeux pétillants devant la beauté du monument. « Il te fallait la Tour Eiffel pour te tirer un son et un sourire ? Madame a des goûts de luxe, je note ! » Je secouais doucement la tête, il avait l'air lui même plus rassuré à ce que je pouvais remarquer. « De la sincérité Miles. Ne me cache plus les choses maintenant » Parce qu'en soit, même si je ne comprenais pas très bien ce que l'on faisait ici, l'idée de s'éloigner de Boston pendant un week-end était cool. Alors peut-être que j'aurais mis plus de temps à accepter, mais ça aurait pu être possible. On commençait à monter dans les étages de la tour, et petit à petit, mon émerveillement s'accentuait. J'avais du mal à penser que je me trouvais à Paris. À des kilomètres de chez moi. « Tu l'aurais sûrement réalisé plutôt si tu m'avais.. hm je sais pas ? .. adressé la parole pour te présenter un peu la ville en chemin » - « Ce n'est pas de ma faute, je préfère les surprises... » que je répondais pour me dédouaner de son accusation. Je me déplaçais dans les lieux pour admirer la vue sous tous les angles, Miles à mes côtés. « Pourquoi tu as tenu à m’emmener en week-end ici ? » Il aurait très bien pu faire ça ailleurs, dans un endroit plus proche de Boston. Ou même, pourquoi juste lui et moi ?

Pendant de longues heures, Miles avait imaginé ce weekend silencieux au plus haut point, bien décidé lui-même à ne pas rompre le silence avant Marla. Si elle souhaitait économiser sa salive pour il-ne-savait-quoi, il n'allait pas la provoquer. Déjà qu'il ignorait ce qu'elle pensait exactement, si c'était la colère, la déception ou son entêté qui l'avait mené à ne plus lui adresser la parole, et quand bien même il était prêt à toutes éventualités, toutes réactions, prêt à rebondir et à se défendre, il n'allait clairement pas aller la chercher et la provoquer, ouaip. D'un côté, elle lui laissait également du temps pour un petit tête-à-tête avec lui-même, lui permettre une petite rétrospective de sa semaine infernale avant d'oublier tout ça et mettre de côté l'histoire de deux jours dès qu'elle retrouvera la parole. Ce qui arriva à la première grande attraction de la journée en ce début d'après-midi. S'il s'était attendu à une tornade vivante, c'était tout l'inverse qu'il reçut avec ce grand sourire et cette excitation qui laissait à croire que rien ne s'était passé. Evidemment Miles n'allait pas la laisser esquiver sa petite crise silencieuse et se prit un joli revers de la main. « De la sincérité Miles. Ne me cache plus les choses maintenant » En soit, il s'était vraiment attendu à pire, c'est pour ça qu'il accueillit sa remarque avec un simple haussement des épaules, tout sourire à son tour, fier de lui.  « Ne plus rien te cacher ? Je note de partager avec toi tous les détails de mes futurs ébats sexuels alors » Qu'il rétorqua, un sourire d'ange aux lèvres, espérant garder la bonne humeur de la rousse qui s'émerveillait devant le paysage devant elle, sous le regard et taquineries de Miles avant qu'il ne s'étouffe dans un rire à une réponse de Marla à ces dites de taquineries. « Ce n'est pas de ma faute, je préfère les surprises... » -  « T'es sûre de toi ? Parce que rien dans ton attitude ne montrait que t'as apprécié ma surprise du weekend » Souleva-t-il en arquant un sourcil, toujours amusé par sa réaction pour le moins surprenant. « Pourquoi tu as tenu à m’emmener en week-end ici ? » Il ne lui fallut pas plus d'une seconde pour tergiverser sur la réponse à cette question :  « Parce que t'en avais besoin.. » Aussi simplement. Inutile d'expliciter le fond de sa pensée, elle savait tout aussi bien que lui ce qui l'avait amené à penser ça. Et croyez-le ou non, Miles pouvait porter de l'attention à quelqu'un d'autre qu'à sa petite personne. Ou presque. « Et parce que j'avais vraiment besoin d'acheter un costume. » Parce qu'il resterait toujours Miles, un homme pourri gâté qui ne jurait que par les produits de luxe tout droit sorti de leur boutique et pays d'origine. Rien ne valait un costume Chanel digne de ce nom que chez.. Chanel. Quand on avait les moyens, aucune extravagance n'est limitée. « Pour le bal. Avant que tu enchaînes tes questions dans le genre 'pourquoi' comme Caprice me fait souvent. »

Sa tête de gamin enjoué ne présageait rien de bon. J'avais beau lui expliquer clairement que je ne voulais plus de mensonges entre nous, je sentais qu'une connerie lui traversait l'esprit au même moment. « Ne plus rien te cacher ? Je note de partager avec toi tous les détails de mes futurs ébats sexuels alors » Est-ce qu'il fallait une réponse ? Non Marla. Ne marche pas dans son jeu en te diabolisant. « Si certaines sont bi, ça peut être intéressant ». Le ton monotone, les yeux rivés devant moi, les joues flamboyantes comme à leurs habitudes. Non, je n'assumais pas DU TOUT mes propos. C'était un... rejet d'une... autre personnalité. Que sais-je ? Je ne voulais même pas regarder Miles dans le blanc des yeux, de peur que l'intégralité de mon corps se mette à rougir - comme si c'était possible. Lui, il devait déjà se bidonner et moi, je songeais à bouder à nouveau. On montait les étages et je faisais de mon mieux pour oublier les propos de tout à l'heure. Miles semblait d'humeur légère aujourd'hui, ce qui n'allait pas m'aider à rester polie. « T'es sûre de toi ? Parce que rien dans ton attitude ne montrait que t'as apprécié ma surprise du weekend » - « Parce que c'était une double surprise déconcertante » m'offusquais-je en lui faisant face, sourire timide aux lèvres. « Disons... disons que notre relation très... cordiale ne laisse pas la place pour imaginer que de telles choses puissent arriver nous concernant. Je ne sais pas... J'étais perturbée - et je ne comprends toujours pas d'ailleurs - que tu puisses avoir envie de passer un week-end à Paris... avec moi » Oui, non... Vraiment, je ne comprenais pas ce qu'il se passait dans sa tête. C'était juste bizarre. Naturellement, je voulais savoir pourquoi il avait organisé ce voyage avec moi. « Parce que t'en avais besoin.. » Je restais interdite quelques secondes. « Et parce que j'avais vraiment besoin d'acheter un costume. » Quoi ? Mes sourcils se fronçaient, oubliant totalement le lieu, la vue, le pays et le monde autour de nous. « Pour le bal. Avant que tu enchaînes tes questions dans le genre 'pourquoi' comme Caprice me fait souvent. » wtf. « Petit un : Depuis quand tu te soucis de ce dont j'ai besoin ? Petit deux : Tu es riche au point de dépenser autant d'argent et tu me paies une misère ? Je note. Et petit trois : Une fille a bien voulu de toi ? » Et bien sûr, Caprice était parfaite.

Evidemment qu'il allait détourner la demande innocente de Marla sinon il ne s’appellerait pas Miles. Juste pour le plaisir de voir sa gêne monter en flèche, avec ses joues s'enflammer instantanément sans une réplique de plus. Habituellement. Là, à la plus grande surprise de l'ancien Eliot, la réplique fusa derechef.  « Si certaines sont bi, ça peut être intéressant » S'il avait eu quelque chose en bouche, Miles l'aurait recraché aussitôt, loin d'avoir été prêt pour ça et fut lancé dans un fou rire immédiat, surtout déclenché par l'expression qu'affichait Marla. Elle n'assumait clairement pas ce qui venait de sortir de sa bouche, comme si elle n'avait eu aucun contrôle. « Okay, je pense que j'ai un peu trop d'influence sur toi » Il n'y voyait pas d'autres explications. Chose dont il était aussi fier, en plus de ce voyage surprise. Cette surprise double déconcertante apparemment selon madame la Présidente qui partageait son désarroi dans un monologue hésitant, digne d'elle-même. « Tu réfléchis un peu trop Marla. » Qu'il répondit simplement en haussant les épaules, volontairement évasif. Parce qu'en soit, lui-même ignorait la raison du pourquoi elle avait été la première personne à qui il a pensé pour un weekend évasion. Cette petite voix dans sa tête lui soufflait qu'il n'avait tout simplement plus personne autour de lui, entre Philip et Duncan qui vaquait à ses occupations. Est-ce qu'elle était une roue de secours du coup ? Même pas. « Je viens de te le dire, t'avais besoin de changer d'air, j'avais besoin de venir à Paris. Ni plus, ni moins. J'pense qu'on est assez cordiaux, pour reprendre tes propres mots, pour pouvoir passer un weekend entre amis. » Entre amis. De temps en temps, le mot 'amis' lui paraissait ridicule pour qualifier leur relation, pour qualifier n'importe quelle relation d'ailleurs, mais plus la leur en vue de la gaffe de l'ancien Eliot quelques mois plus tôt mais c'était ce qu'ils étaient - amis. Ceci dit peut-être cet événement l'a poussée à se poser des questions ambiguës sur la raison de ce weekend et peut-être qu'une partie de lui, l'éternel charmeur, y avait songé - mais ce n'était pas priorité, connaissant dorénavant la rousse et ses antécédents avec les hommes. Miles savait être sage quand il le fallait et oui, se soucier des autres, choquant, right ? Sauf que Marla n'allait pas se contenter de cette réponse, cette simple explication, évidemment. « Bordel, tu poses beaucoup trop de questions. Peut-être que j'te préférais quand tu parlais pas.. » Toujours sur le ton de l'humour, dorénavant il savait qu'elle le connaissait assez bien pour ne pas s'offusquer par ce genre de piques. « Ok, bien.. petit un : je me soucie du bien être de la nourrice de ma fille, pas envie de revivre le cauchemar des nounous qui fuient une par une. Petit deux : je t'ai proposé de te payer autant que tu veux, c'est toi qui as choisi ton salaire de misère. Petit trois : tu oses vraiment poser cette question ? » Qu'il répliqua, accompagné de ce sourire de charmeur colgate extra blancheur exagéré pour appuyer son dernier point. « La vraie question est : qui t'accompagne au bal, toi ? »

« Okay, je pense que j'ai un peu trop d'influence sur toi » Peut-être bien oui, ou peut-être qu'il me mettait étrangement à l'aise alors que je laissais complètement paraitre le contraire. Non, je n'étais pas à l'aise, ça ne pouvait pas être la seconde solution. J'étais même rouge de la tête aux pieds, morte de honte et finalement, bien heureuse qu'il n'y ait que nous deux. Je lui laissais le temps de digérer ce que j’avais pu dire et voilà que je reparlais dans des explications bancales afin d'essayer de comprendre les pourquoi des comment nous en étions arrivés à partager un week-end tous les deux à Paris. « Tu réfléchis un peu trop Marla. » Et encore une fois, il avait raison. Il n'était pas leur seul à me rabâcher cette phrase d'ailleurs. Moi même, pas moment, j'aimerais mettre mon cerveau en stand-by pour ne plus avoir à penser à ce qui était bien ou ce qui ne l'était pas, ce que je ne pouvais pas faire et ce que je pouvais faire. En l'occurrence, ce week-end, j'avais l'impression d'être dans l'illégalité la plus complète. « Je viens de te le dire, t'avais besoin de changer d'air, j'avais besoin de venir à Paris. Ni plus, ni moins. J'pense qu'on est assez cordiaux, pour reprendre tes propres mots, pour pouvoir passer un weekend entre amis. » Et juste l'entendre dire me rassurait. Entre amis. Je secouais ma tête de haut en bas, sans un mot. Évidemment, je voulais en savoir plus. Parce qu'il avait beau me demander d'arrêter de réfléchir, c'était impossible. « Bordel, tu poses beaucoup trop de questions. Peut-être que j'te préférais quand tu parlais pas.. » Un regard noir et je songeais à reprendre le silence suite à ses propos. D'ailleurs, je le reprenais pour qu'il se concentre sur les réponses à mes trois questions. Je m'offusquais à chaque fois qu'il ouvrait la bouche pour me donner sa version. Miles l'égoïste venait de me rappeler que nous étions entre "faux amis". Néanmoins, je n'avais pas le temps de répliquer puisqu'il me posa une question, à son tour, qui me déconcerta. « La vraie question est : qui t'accompagne au bal, toi ? » Personne, évidemment. Quelle question. J'avais espéré si fort m'y rendre en compagnie de Philip. Mais, il m'avait complètement éjecté de sa vie et actuellement, je me retrouvais... comme une débile. « Personne » que je répondais avant de trifouiller dans mon sac pour en sortir une sucette que je déballais et mettais à ma bouche, reprenant ma visite des lieux. Il préférait quand j'étais silencieuse ? Nous y étions.

Pourquoi Marla ? Pourquoi tout ce stratagème pour avoir la certitude qu'elle vienne avec lui ? S'il ne savait lui-même pas la réponse à cette question, il s'en mordait les doigts de ne pas avoir songé à une réponse plus élaborée, ne pensant pas qu'elle aurait eu l'audace de poser cette question directement. Du moins, il était évident qu'elle allait poser des questions mais il avait plutôt compté sur des interrogations dirigées vers l'absence de Caprice, qu'il aurait expliqué en deux trois phrases crédibles et qui ne menaient pas à d'autres ambiguïtés. Sans qu'elle ne le mentionne, Miles savait que c'était encore par rapport à la conversation par sms qu'ils avaient eu il y a quelques jours, sur ce baiser qu'il a entreprit dans un moment de faiblesse où il avait besoin de réconfort. Pourtant il lui avait dit de ne plus y penser, chose qu'elle ne semblait pas avoir fait de toute évidence vu les rouages de son cerveau qui tournaient si vite qu'il pouvait le sentir. Tu réfléchis trop. Et toi, tu ne réfléchis pas assez Miles à agir sans réfléchir aux conséquences. Deux personnalités diamétralement opposés ces deux-là. Marla voulait comprendre chaque agissement de chacun, Miles ne comprenait lui-même pas ses propres agissements. Ils allaient aller loin comme ça. Ou du moins, ils étaient venus à Paris. Grâce à Miles. De temps à autres, ne pas réfléchir, ne pas poser maintes et maintes questions suffisaient pour vivre, pour s'émerveiller. Elle devrait le remercier, tiens. Mais à la place, elle ne pipait mot face à ses réponses, soit par acceptation soit parce qu'il ne lui avait pas laissé plus de temps que ça pour une quelconque répartie. Dans un sens, tant mieux, elle n'eut pas besoin de renchérir sur le sujet, rougir davantage sur ce terrain miné, il la menait sur une autre conversation. Le bal. Peut-être pas moins miné ceci dit. En une simple question, il voyait qu'il l'avait fait repensé à Philip et s'il n'avait pas été de bonne humeur, il aurait sûrement levé dramatiquement les yeux au ciel. « Cool, tu viens avec moi alors » Ce n'était pas une question, ni une proposition, mais une affirmation qu'il venait de poser nonchalamment. Puis tout aussi nonchalant, il tourna les talons non sans lui lancer un : « On y va ? Y'a une soirée qui nous attend à l'hôtel plus tard, faut pas traîner »  Il avait tout prévu ce weekend le monsieur, il ne rigolait pas. Il avait tourné les talons sans la regarder prendre une sucette dans son sac, mais en se retournant pour vérifier qu'elle le suivit bien, il la surprit en flagrant délit. « T'en as apporté une pour moi j'espère ? » Il avait une autre réplique plus douteuse en tête en la voyant ce bonbon en bouche en souvenir de leur dernière conversation sur cette confiserie mais se garda de le dire à voix haute, vu le regard noir et son visage qui s'était renfermé qu'il s'était pris 30s plus tôt sur son trop de questions. Nope, hors de question qu'elle recommence son jeu du silence, alors pas de dérapages Miles, pas de dérapages. Pas d'arrières pensées, ou du moins, ne le partage pas.

Miles avait beau me dire de ne pas réfléchir, il ne m'aidait pas tellement. Le cerveau en ébullition, toutes nos conversations se mélangeaient avec ses actes tous plus étranges les uns aux autres. Au moins, on était sûr tous les deux qu'il n'y avait pas d’ambiguïté, n'empêche que l'amitié qui était en train de se dessiner entre nous n'était pas le genre d'amitié dont j'avais l'habitude. Et disons que nos caractères opposés avaient bien du mal à s'accorder par moment. C'était lui qui menait la danse depuis le début, toujours derrière moi pour me pousser à sortir de mes habitudes. Les conversations s'enchainaient les unes après les autres, nous amenant à la question du bal de fin d'année. L'évocation de la soirée me perturbait. Je n'avais personne pour m'y accompagner, n'avais aucune idée de qui je pourrais inviter. En fait, je ne savais même pas si j'avais envie de m'y rendre. Trouver une robe que je ne vais pas remettre, devoir me faire belle, trouver une table où je ne connaitrais personne, danser devant tout le monde... La flemme. « Cool, tu viens avec moi alors » Perdue dans mes pensées, mes yeux s'écarquillèrent avec quelques secondes de retard « Pardon ? » Je suivais Miles à la hâte, mais il avait déjà changé de sujet. « On y va ? Y'a une soirée qui nous attend à l'hôtel plus tard, faut pas traîner » Ah. Donc je n'avais rien à dire du week-end ? Il gérait du début à la fin et je devais simplement me laisser porter ? Et pour le bal ? Je n'avais pas mon mot à dire non plus ? Attendez... Je m'arrêtais, attrapais une sucette dans mon sac pour m'aider à réfléchir. Il s'est imposé comme cavalier ou je rêve ? Dans quel monde il vit ? Celui où doit lui être dû apparemment. « T'en as apporté une pour moi j'espère ? » Alors là mon coco, tu peux toujours courir. « Tu choisis les choses à ma place et en plus, il faut que je pense à toi. J'ai pas donné mon accord pour que tu sois mon cavalier. J'ai pas d'autres sucettes et de toute façon, t'es pas assez sage, crois-moi. Et avant d'aller faire la fête, je compte me promener sur les quais ce soir » Avec ou sans lui. De toute façon, je ne comptais pas faire la fête comme lui il allait la faire et il y avait forcement un moment où j'allais étouffer et avoir besoin de m'échapper. Et je lui passais sous le nez, profitant de ma sucrerie en silence tout en quittant les lieux pour d'autres aventures.

Peut-être qu'elle avait raison de se s'interroger sur la nature de leur relation compte tenu de ce baiser à l'hôpital. En général quand dans une 'amitié', un des deux prend l'initiative d'embrasser l'autre, ce n'était pas à cent pour cent de l'amitié pure et simple, il y avait une faille, un pourcentage plus faible de fiabilité comme les préservatifs - oui, best comparaison ever - et dans ce cas-là, Miles était celui qui était le fautif. Moment de faiblesse qu'il avait dit. Le connaissant, beaucoup auraient parié sur une fausse excuse pour justifier ses actes excepté qu'il avait, pour une fois, bien énoncé la vérité. Caprice était dans un état critique, il avait été désespéré et soulagé et apeuré, en recherche de réconfort, et Marla avait été présente. Aussi simple que ça. Aujourd'hui, elle semblait être celle en recherche de réconfort et il était présent. Aussi simple que ça, bis. C'était le fonctionnement de l'amitié, non ? De deux personnes cordiales l'une envers l'autre ? Une amitié peu commune où il venait paisiblement de lui proposer, ou plutôt de s'auto assigner son cavalier du bal de fin d'année certes, mais une amitié quand même. Il aurait pu prédire de loin sa réponse d'ailleurs, commençant à la connaître, elle et ses réactions, ses mini protestations pour un oui et pour un non quand elle ne se mettait pas à rougir. Alors une fois que la surprise lui était passée, qu'elle se remette de son changement de sujet et qu'elle le renvoie bouler pour sa sucette; quand elle se lançait dans un mini aparté sur tout ce que lui imposait Miles - apparemment, il n'eut pas plus de réaction qu'un sourire en coin. Toujours ce sourire en coin. « T'aurais eu la liberté de faire ce que tu veux cet après-midi dans tous les cas, j'ai quelque chose à faire.  Pas besoin de jouer ta pseudo rebelle. Mais si tu y tiens vraiment, je te libère, j'annule la réservation pour midi et je vais à mon rendez-vous plus tôt que prévu, et tout le monde est gagnant ! » Volontairement, il omit une répartie sur le bal, préférant plutôt revenir sur le sujet un autre moment - même si dans sa tête, tout était déjà acté et qu'il était à peu près sûr qu'elle s'y opposait juste pour s'y opposer. A la place, il l'observa prendre les devants et le devancer totalement, littéralement amusé. « Hey Marla ? » Qu'il l'interpella assez fort pour que le monde autour d'eux se retourne sur eux. L'insolence incarnée, Miles les salue non sans un clin d’œil avant de se concentrer sur la rousse qui avait commencé à partir sur la gauche. « La sortie c'est par là.. Essaie de te repérer mieux que ça dans la ville s'il te plaît, si tu veux retrouver l'hôtel pour ne pas dormir sous un pont ce soir ! » Et dans un geste aussi théâtral que sa remarque, il avança pour rattraper la rousse et.. vola sa sucette en main en la dépassant avant de goûter à son tour à la sucrerie, visiblement peu dérangé qu'elle l'ait mise en bouche avant lui.