efrain & jonah

locked in a room

D'un simple hochement de tête, il acquiesçait bien que l'information fuiterait probablement aussitôt. Il se souviendrait qu'il ait proposé son aide mais Jonah préférait de loin se débrouiller seul, même s'il avait du mal à gérer, s'il avait du mal à nourrir toutes les bouches, les becs et autres cavités buccales vivant sous son toit – surtout cette gosse qui mangeait pour cinq, mais après tout ce qu'elle avait vécu, pouvait-il vraiment la blâmer pour ça ? Pas vraiment, il était idiot, pas cruel. « On s'en souviendra », déclarait-il seulement avant qu'il ne lui dise qu'Arlo était chanceuse d'être tombée sur lui ; il aurait bien voulu rire aux éclats, malheureusement il choisissait de rester impassible. Au fond, elle aurait pu trouver mieux, trouver stable, trouver plus attentif et certainement plus affectueux et patient qu'il l'était. Elle avait dix ans, que pouvait-il réellement faire pour l'aider si ce n'était acheter une demie douzaine de donuts pour combler le vide qui logeait les tréfonds de sa rétine d'enfant solitaire ? Deux loups de meutes différentes qui cohabitaient, évidemment, ça faisait des étincelles et il ignorait encore comment avoir un quelconque pouvoir sur ce comportement aussi ingérable que le sien et dont il ne connaissait pas encore toutes les facettes. Ceci dit, il taisait ses pensées, ne préférant pas épiloguer avec Efrain là dessus, l'un comme l'autre voudrait probablement avoir le dernier mot et il n'était pas d'avis à débattre là dessus durant des heures. À la place, il avait choisi pire encore ; l'embrasser, mais dieu sait combien Jonah était amoureux de l'interdit, il vivait pour rompre les lois, pour les enfreindre et se blesser afin de satisfaire toutes ses envies. Il n'aurait pas pu se résoudre à ne pas s'élancer sur ses lèvres, elles étaient là, provocatrices sous son regard qui peinait durement à se détacher de leurs courbes. Puis la proposition d'un rendez-vous durant cette projection qui lui faisait de l’œil depuis déjà plusieurs semaines – plein air et date n'aurait autrefois pas fait parti du vocabulaire de Jonah, cependant l'événement subit fin d'année 2018 lui avait amplement ouvert les yeux, assez pour qu'il aime davantage vivre dangereusement, plus qu'il n'aimait ça avant. Alors certes, ce sont ses principes qu'il remettait sur le tapis, mais il se sentait prêt à se laisser la chance d'être enfin libre, malgré les regards qu'on poserait sur lui, sur eux – il ne voulait pas qu'on enterre le Jonah qu'il était réellement sans avoir donné l'opportunité à ses connaissances, à ses amis, à ses proches, de le connaître, bien que ça serait compliqué puisque sa carapace était massive, solide comme un roc. « Avec plein de gens, oui, des tonnes », affirmait-il pour souligner combien il était conscient qu'ils seraient soumit à la vue de tous, mais tant pis, il n'avait plus le temps d'avoir peur. Alors, lorsqu'il l'entendait accepté cette idée, un fin sourire venait loger ses lèvres, ravi de partager un film à l'ancienne à ses côtés. Jonah s'apprêtait à lui répondre qu'il aimerait bien voir ça – Efrain défoncer une porte, ça devait être quelque chose, cependant un événement quelconque l'interrompait. Pas grand-chose non, assez pour qu'il en oublie de respirer – ils s'effleuraient seulement, extrêmement près l'un de l'autre, lui laissant la désastreuse occasion de loucher sur chaque parcelle de sa peau taquinant son regard. De ses lèvres à sa mâchoire, de sa mâchoire à ses clavicules ; l'air lui manquait indéniablement. Jonah daignait relever les iris vers les siens, l'air de rien, les traits plaidant l'innocence même. « Mh, je t'attendrais, allez, défonce nous cette porte qu'on puisse.. respirer ».

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Je ne suis pas de ceux qui proposent leur aide juste pour l’avoir dit, pour la beauté du principe. Des gens comme ceux-là, il y en a des centaines et des centaines dehors, ils se vantent de leur présence, de leur capacité à être là en dépit des circonstances mais ce sont soudainement eux qui disparaissent lorsque le monde entier semble se dérober sous tes pieds. A croire qu’il est suffisant de prétendre être capable de quelque chose pour se donner bonne conscience, je ne sais pas trop comment ça marche. Je ne saurais pas agir de la sorte, lorsque je propose mon aide – ou ne serait-ce qu’une épaule sur laquelle pleurer en cas de besoin – ce n’est pas pour me transformer en fantôme à la première occasion. Jonah le sait, j’en suis persuadé. Nous savons également tous les deux qu’il n’osera pas faire appel à moi, qu’il ne me demandera jamais mon aide à moins d’être pris à la gorge et de ne pas trouver de solution alternative. Il est comme moi là-dessus, plutôt crever que d’admettre une certaine forme de faiblesse en se reposant sur les autres. « T’en souvenir, ce n’est pas suffisant ! » Je le gronde en le pointant du doigt, parce qu’on se souvient tous de ce qui nous arrange sans pour autant faire le moindre mouvement pour aller dans le bon sens. « Ce que je te demande, c’est d’agir en conséquence si un problème quelconque se présente à toi. Ne pas réfléchir, ni écouter ta fierté… Juste attraper cette main tendue ! » Je ne prétends pas avoir les réponses à ses maux, peut-être même que je serais sacrément inutile le jour où il lui arrive une merde… Tout ceci ne m’empêchera pas d’être présent physiquement et d’aller ramer au milieu de toute cette galère à ses côtés. Elle est là la différence avec ceux qui fuient les responsabilités, savoir admettre ton impuissance mais continuer à te battre quand même. Je suis forcé au silence par un Jonah plus entreprenant que jamais, ses lèvres, un goût de passé et de nostalgie. Une excitation folle, qui me ronge l’estomac, qui enflamme mon bassin sans que je puisse anticiper ou même y faire quelque chose. Je retrouve avec une certaine gourmandise certaines sensations passées, certaines habitudes. Elles sont délicieuses, ses lèvres, une pure merveille. Dans une série télévisée, c’est probablement à ce moment-là que les deux héros abandonneraient le reste de leurs fringues pour se retrouver autour d’une valse à l’horizontale. Ce serait sacrément prévisible, libérateur et sacrément plaisant aussi, mais non… Je me dérobe à cette idée qui me fait battre le cœur si follement et opte pour une autre option, pour une autre danse. Plus lente, plus appliquée, plus langoureuse. Un date, lui et moi, rien que nous deux et un tableau blanc à noircir de nouveau. Qui sait où tout cela nous mènera, rien n’est impossible, nous l’avons déjà largement prouvé par le passé. Une idée, un rendez-vous, une séance en plein air. Des tonnes de promesses implicites liées à la nature « publique » de notre lieu de rendez-vous. Des plans, des projets… Je m’emballe et peine à garder une certaine contenance face à lui. J’ai du mal à ne pas avoir l’air surpris, surtout lorsqu’il met un coup de pied dans la fourmilière que pourrait représenter la foule que l’on croisera. Est-il vraiment prêt à une telle sortie ? L’avenir nous le dira, à priori. « Dans ce cas… J’accepte, avec grand plaisir ! » Il est grand temps, et tant pis pour cette porte. Rien ne pourra me retenir plus longtemps. J’enfile ce maillot de bloc et me retourne, prenant de grandes inspirations, le nécessaire pour me préparer mentalement à l’action à venir. Je prends un peu d’élan, puisse sur mes appuis pour m’élancer et rencontrer brutalement cette porte qui craque sous mon poids et s’ouvre avec fracas. Elle est abimée, très abimée mais tant pis. Plus le temps de niaiser. « Attends-moi à la cafet de médecine, j’arrive ! »