Le 29 janvier 2019.

T'ouvrais tes yeux sur le blanc immaculé, une nouvelle fois. Tu soupirais, une fois de plus. Toi qui d'ordinaire avait toujours été habitué au luxe, il était difficile de céder le confort auquel tu avais toujours aspiré. Mais c'était toi qui le choisissait, Stella. Enfermée dans cette chambre d'hôpital, tu ne pouvais pas réclamer un peu plus comme tu le faisais si bien en temps normal. T'étais là, seulement toi et ton corps meurtri, les infirmières passaient, te parlaient. Bella. Nouvelle identité, prénom de substitution. C'était elle qui te l'avait donné, la femme qui était là au dessus toi à faire de nouveaux pansements. Tu regardais pas trop ce qu'il s'y passait, n'ayant ni l'envie ni le coeur d'admirer la cicatrice qui marquait ton abdomen. Comment ça va aujourd'hui. Rituel depuis ton réveil, tu tentais de sourire et tu restais plutôt silencieuse. Pour une fois Stella, tu gardais les mots pour toi. T'étais fatiguée depuis que tu les avais vu et ils étaient là, sans cesse, à tourmenter ta tête. Lucrezia et Cosmo, ceux pour qui tu mentais. T'avais bien vu qu'ils étaient blessés, apeurés. Seulement toi qui avait tant perdu le contrôle depuis ton arrivée à Boston, tu commençais à récupérer pieds. Difficile à imaginer lorsque l'on te voyait, visage amochée, corps lacéré, coeur émietté. Seulement Stella, tu te complaisais dans l'inconnue qui te façonnait. Tu riais légèrement avec l'infirmière, elle, elle était ta préférée. Elle avait ce côté qui te faisait penser à ta mère, ce côté d'amour et de compassion en plus. Petite fille mal aimée que tu avais été, Stella. Les yeux rivés sur la télé, la journée ne passait sans grande nouveauté. Tout à l'heure, tu auras la chance de pouvoir sortir de ton lit afin de marcher quelques pas, comme tous les jours depuis ton réveil. En attendant, tu te contentais de téléfilms très peu attrayants. Mais t'avais besoin de cette légèreté, Stella. Et puis ça toquait à la porte, et comme tous les jours depuis que tes yeux s'étaient ouverts, l'italien reprenait ses droits. "Sì", que tu lançais, pensant qu'une énième infirmière ferait son entrée pour tout contrôler.

Tout s'est enchaîné depuis cette histoire d'attentat. Tu as passé ta semaine entre veiller ton frère et ta sœur. Noah est désormais sorti mais Asia reste toujours entre les bras hospitaliers. Son état nécessite une greffe et tu n'es pas compatible. Tu sais que cette révélation est liée à ton origine mais tu ne dis mot, espérant qu'on ne fasse pas tout un foin de l'affaire. Tu es pressé, comme toujours. Mais aujourd'hui, tu as terminé plus tôt pour pouvoir passer la voir avant l'heure de fin des visites. On t'indique qu'elle a changé de chambre et on te donne le numéro. Tu finis par trouver et en entendant la réponse en italien, tu te confortes dans ce nouveau choix. La porte s'ouvre et ne dévoile pas ta sœur non. C'est Stella que tu contemples. Ton étoile en plein jour. Abîmée, lacérée, meurtrie. Tu sens l'acier de ton corps se défendre un brin face à cette contemplation difficile. “Stella?” Que tu articules malgré toi. Tu as voulu prendre de ses nouvelles oui, mais tu n'as même pas son numéro et il n'y avait rien sur ses réseaux. Alors tu t'es juste demandé, fait ton enquête mais rien trouvé. Et tu la trouves malgré toi, le destin qui vous réunit une nouvelle fois. Tu t'approches pour t'asseoir tout près d'elle. Une main passe sur son visage abîmé et fuyant, tu relèves son menton pour qu'elle te regarde en face. Tu murmures en italien malgré toi “ Stai bene? Ti ho cercato ma non ho trovato”. Parce que c'est plus authentique, parce qu'elle a parlé dans cette langue sans doute. Et que l'un comme l'autre vous allez et venez de l'anglais à cette langue latine sans aucune difficultés. Les billes océanes détaillent les écorchures, les stigmates de l'attaque. Tu as envie de l'envelopper, de poser tes lèvres sur chaque brisure, de la rallumer ton étoile. T'es trop égoïste pour supporter son absence de lumière. C'est inédit et ça te tenaille là au fond. Une rage sourde et profonde sous le dessus de ta surface lisse.

Personne ne te rendait visite Stella, et ça ne te déplaisait pas tant que ça. A dire vrai, c'était une forme de paix que tu n'avais pas retrouvé depuis tant d'années. C'était un peu comme si le monde s'était arrêté de tourner, quelques jours, quelques secondes, quelques instants. Tu ne devais plus faire semblant, tu ne devais plus feindre des comportements, tu ne devais pas être parfaite dès le réveil. Ici tu te laissais aller, dans un total oublie de toi-même, cherchant à trouver dans cette inconnue Bella une once de vérité. Naturellement tu restais là, dans ce lit, à attendre. Attendre quoi, attendre qui. En dehors des infirmières, tu n'avais pas de contact physique. Ce sentiment de silence t'allait bien, Stella. Après les hurlements, après les sirènes. Tu fermais les yeux, tu ne voulais plus y penser. La porte s'ouvrait, et ton océan déchaîné se posait sur un visage trop familier. Ton coeur s'affolait, l'électrocardioscope était le témoin de la détresse qui s'emparait de ton corps. La tête qui s'embrouillait, tu l'entendais prononcer ce prénom que tu refusais d'entendre et ça te donnait envie de gerber. Pourtant après tout ce qui c'était passé, t'étais certaine de ne plus te ressembler. Son regard insoutenable et ses caresses sur ton visage déformé, t'avais envie d'imploser dans ce lit que tu ne trouvais plus tellement confortable. Il avait été, le temps d'une nuit, le fruit de tes envies, l'objet de tes désirs. Il appartenait au passé, Stella, et le voir là, devant toi.. Il était le premier à entrer depuis ce qui s'était passé. Le premier que tu connaissais. Ses mots italiens te donnaient une décharge dans le coeur, tu reprenais conscience de la gravité de tes silences. Enzo était le premier qui ne méritait pas tes mensonges, et pourtant, Stella... "Non so chi sei. Non conosco Stella" (Je ne sais pas qui tu es. Je ne connais pas Stella). Et pourtant une larme sillonnait ta joue pâle, l'épiderme qui lui, semblait assoiffé des larmes qu'il attendait de sentir couler. Ton corps trahissait tes mots, ta tristesse coulait pour la première fois depuis que tu t'étais réveillée. Tu n'étais pas seule, Stella.

Tes orbes insondables passent rapidement de l'électro à cette personne frêle en face de toi. Elle n'est que l'ombre d'elle-même mais tu la reconnais toi. Tu sais qu'elle est là. Ta main passe doucement sous son menton et elle te dit ne pas te connaître. Ton pousse essuie doucement la larme qui s'offre à tes phalanges tendres. T'es d'acier mais t'es doux Enzo quand tu le veux. Délicat, si délicat. Et tu as un peu peur de la briser. Et tu t'enflammes de l'intérieur de la voir si mal en point. Tu ne peux en aucun cas deviner ce qu'elle a vécu là bas, l'enfer dont elle ressort et les stigmates qu'elle devra atténuer mais tu as envie de tout casser là. Tu t'approches d'elle, dangereusement. Trop dangereusement pour toi Enzo. Tu vas te cramer à t'exposer de la sorte, mais tu ne peux pas la laisser se noyer de mensonges. Vous êtes des Astres, tu n'as pas oublié. Tes lèvres se posent doucement sur les siennes, tout doucement tu les presses entre les tiennes pour y apporter de ta lumière. T'aurais jamais pensé que l'inverse puisse se produire entre vous. Tu te recules pour l'observer, impassible, si ce n'est ton regard qui arbore une couleur particulière quand elle se déploie là sous tes yeux. “Ne sei sicuro? perché la conosco, conosco le sue labbra.” (Tu es sûre, parce que je la connais moi, je connais ses lèvres). Et tu sais très bien que c'est elle. Elle ne peut pas te mentir, tu ne la croirais pas. Et maintenant que tu la tiens entre tes doigts, elle ne t'échappera pas.

Ses doigts sous ton menton et tu baissais les yeux afin de ne pas l'observer. Tu ne pouvais pas tenir son regard, ses yeux douloureux. Ceux qui disaient que tu n'étais que l'ombre de toi-même Stella, ceux qui disaient que tu ne semblais pas tant en vie. La larme s'écoulait et elle ne s'échouait pas, Stella, il l'attrapait de ses doigts agiles et si tendres. Pourquoi était-il là, lui ? Pourquoi était-il ici sachant que la nuit n'était pas encore arrivée ? Vous étiez le fruit interdit de minuit, vous n'étiez pas les tendresses sous les rayons lumineux d'une belle journée. Tu refusais qu'il devienne une faiblesse Stella, tu refusais qu'il te fasse perdre la tête. Tu savais où tu étais, tu savais qui tu étais. A vrai dire, t'étais un peu perdue et tu ne savais plus quoi penser, ni quoi dire. Seulement tu refusais qu'il vienne chasser tes doutes, tu refusais qu'il vienne perturber ta nouvelle vérité, celle que tu construisais depuis que tes yeux s'étaient à nouveau ouverts. Et là, les paupières baissées puisqu'il t'étais insoutenable de le regarder, tu voyais une ombre s'approcher. Tu pourrais prendre peur, Stella, mais caché derrière son ombre tu te sentais déjà plus rassurée. Et lorsque ses lèvres touchaient les tiennes, tu te rappelais cette soirée. Celle où sur le toit, vous vous étiez épris de vos lèvres. Un jeu interdit, un feu au sommet de la ville. Tu te remémorais au creux de ton ventre le feu qu'il avait animé. Tu finissais par oser l'observer, timide, apeurée. Que t'étais t-il arrivé, Stella ? Ou devrez t-on dire, Bella. Tu secouais ta tête, tu n'étais plus celle qu'il avait rencontré. Tu refusais d'avouer qui tu étais, Stella. Parce que tu avais changé, et que tu voulais être seule. Seule et disparaître, dans un silence, ne plus souffrir. "Penso di averlo perso" (je pense que je l'ai perdu). Et ça t'allais bien, Stella, jusqu'à maintenant. Et si tu devais te remémorer qui tu étais, alors c'était en italien que tu le ferais. Après tout, personne ne pouvait comprendre ce que tu disais, Stella, sauf lui. C'était un secret, votre secret.

Tu ne sais pas pourquoi tu es si doux Enzo. Tu ne sais pas pourquoi tu es comme ça avec elle. C'est elle ta fée, celle qui enchante tes nuits. Et t'as toujours eu cette peur étrange de la voir en plein jour. Sauf que tu n'as même pas le temps d'y penser ou de t'y préparer. Elle est là dangereusement frêle entre ses draps blancs et elle réveille tous tes instincts de protection. Même ceux dont tu ne te pensais pas capable. Alors tu ne peux pas empêcher de rejouer le sortilège, de t'emparer de ses lèvres. De remettre ce goût de fièvre nocturne entre vous. Et tu sais que y'a rien de bon à ça Enzo. Ni pour elle, ni pour toi. Elle est cette reine brisée, mais elle est impitoyable au fond. Et toi bien trop préparé, entraîné pour te laisser aller à de pareilles faiblesses. Tu ne peux pas te permettre ça dans ta vie bien rangée. Et pourtant t'es bien là auprès d'elle. Tu passes cette mèche de cheveux derrière son oreille alors qu'elle s'exprime dans votre langue, et même à toi, ça te fait un bien fou. Tu t'es exposé par ces examens, tu seras peut-être bientôt déchu, inutile. Et quelle image aura-t-elle de toi alors? Quand tu ne seras plus ce brillant. Quand tu ne seras plus que l'ombre ancienne et honteuse d'un nom. “Vuoi che ti aiuti a trovarla ?”(Tu veux que je t'aide à la retrouver?) Parce que tu ne peux pas supporter cette idée qu'elle soit éteinte. T'es trop égoïste pour la laisser filer entre tes doigts. C'est ton étoile, ton astre nocturne, ta fée de tes nuits trop tumultueuses et tu y tiens.

T'avais jamais été si peu sûre de toi, Stella. A vrai dire, il était peut-être vrai que tu avais changé. Cette bombe avait explosé et avait emporté avec elle, l'éclat de tes yeux. Peut-être était-ce la fin de l'étoile, la fin du règne. Peut-être que finalement, toute cette vie n'était pas faite pour toi. Dans ce cas, qu'est-ce qui t'attendait au bout de tout ça Stella ? T'étais effrayée par la vie, effrayée par la mort, effrayée par le vide. Pourtant le contact de sa peau contre la tienne revivifiait tes lèvres, ton coeur s'affolait et les émotions se bousculaient. C'était tellement le chaos là-haut que tu ne savais plus comment les apprivoiser, comment les faire taire. C'était peut-être ça le problème Stella, il y avait trop de sentiments, trop de craintes, trop d'hésitations. Parce que tu te demandais après toutes ces années s'il était bon de vivre. Bon de respirer si c'était pour se faire exploser le corps dans un lieu de fête. Seulement tu n'avais pas été là-bas pour t'amuser, Stella, simplement une curiosité que tu aurais mieux fait d'ignorer. Et tous les mots qui s'étaient échappés, tous les mots qui avaient été prononcés. Des mensonges, des tromperies, des coucheries. Est-ce que cela valait la peine de vivre pour entendre ces inepties ? Pourtant tu en faisais partie, Stella. Les pieds joins, les mains liés, la bouche malfamé. Tu ne savais plus ce que tu voulais, ni même ce que tu désirais. Tu ne voulais que sentir son contact contre ta peau. T'envoyais au diable le fruit de minuit, t'envoyais brûler le jeu interdit qui s'animait au crépuscule. Il était là, lui. Enzo était là et c'était ce qui comptait. Tu ne voulais plus penser à hier, ni même à la semaine dernière. Tu ne voulais plus accepter ta destruction. Pouvait-il seulement aider l'étoile qui s'était envolé ? "Non sono sicuro di volerlo Enzo" (je ne suis pas sûre de le vouloir Enzo). Ton coeur vacillait, vérité ou vanité. Tes sourcils se fronçaient, ton regard se plantait dans le sien. Tu quémandais de l'aide, Stella, pour la première fois depuis que cette bombe avait explosé.

Tu sens ce trouble qui s'empare de sa personne. Les morceaux d'elle qu'elle éparpille un peu partout au sol. Le tourment qui l'aspire. Et tu peux que comprendre ça Enzo. T'es dans ce même monde toi aussi, et c'est la musique ton échappatoire, ton mode d'expression. Qu'on te coupe les mains et tu agonises. Mais le bleuté de ton regard ne faiblit pas devant son mal. T'es pas du genre à être faible, à t'apitoyer. Tu veux qu'elle soit fière d'être Celle qu'elle est. Parce que toi tu es fière d'elle, toi tu le regardes et ça suffit. Tes phalanges passent sous le menton gracile, effleurent le cou tendre et relèvent son visage vers le tien. “Guardami.” (Regarde-moi) Que tu lui dis doucement mais d'un ton qui se veut sans appel. On ne te fuit pas. Elle peut se fuir elle-même mais sans doute pas toi. Ton pouce caresse ses lèvres doucement, viennent entrouvrir cette porte close sur son propre monde. Tu la désires, tu la désires toujours, même si le jour vient à exposer ses fêlures. Tu ne la désires que plus encore. Et elle doit le voir là quelque part dans tes yeux trop clairs  et trop charmeurs. “ Ma lo vioglio.” (Mais moi je le veux.) Et tes lèvres se posent sur son front doucement. Vous avez mis si longtemps à vous toucher et tu peux pas t'arrêter. Faudrait pourtant Enzo. Et les mots n'en font qu'à leur tête, de ta langue natale, ils franchissent la barrière de tes lèvres avant ton cerveau. “ Non lasciarmi Stella.” (Ne me laisse pas.) C'est pourtant lui le chef d’orchestre. T'as jamais commandé l'inverse. Mais elle a besoin de ça, elle a besoin de toi et toi t'as besoin d'elle, de cette lumière des nuits dans ta vie. “ Non ora che ti ho trovato.” (Pas maintenant que je t'ai retrouvé). Et tu poses ton autre main sur son dos que tu viens caresser doucement. Elle ne peut pas t'abandonner. Pas sur tes terres parce que tu l'as décidé.

Il y a quelques jours de là, t'avais décidé de renoncer à qui tu étais. Tu voulais faire une croix sur le passé, désirant avancer vers une nouvelle face cachée que tu souhaitais dévoiler. Terrifiée à l'idée de retrouver ta vie après l'attentat, tu te disais qu'il était sûrement préférable d'en avoir une nouvelle. Après tout, tu avais cette chance de pouvoir prétendre à de nouveaux lendemains. La vie ne serait pas facile, mais t'avais de l'espoir, Bella. Dans cette solitude qui te saisissait, tu te confortais, tu te rassurais. T'étais en paix avec toi-même, et cela faisait des années que tu la cherchais cette plénitude. T'avais tout envoyer valser, danser loin de toi, s'époumoner sans risquer de te voler ton oxygène. Seulement il était là, là et ses mains se posaient sur toi. Ça changeait tout, Stella. Parmi les mensonges, t'y trouvais un peu de lueur. Le bleu de ses yeux te donnaient vue sur un nouvel horizon, un monde où le ciel n'était pas si noir. Un monde auquel tu avais appartenu, toute ta vie. Tu n'étais plus une enfant, Stella, tu ne pouvais plus te cacher sans risquer d'être damnée. Tes yeux dans les siens, t'étais envoûtée et l'incapacité de se détacher de ses iris azur. Tu trouvais au fond d'eux, un certain équilibre. La flamme trépidante de la nuit te chatouillait, elle te rappelait à quel point tu aimais ça, vivre. Vivre sans concession, vivre dans la perdition. Ses mots résonnaient en toi comme de nouvelles balles, tu commençais à perdre pied Bella. Bella, Stella. L'âme qui chavirait, nuancé par ces deux femmes. La guerre remuait et cette paix que tu désirais, elle s'envolait au milieu des décombres. Tu ne pouvais fermer les yeux au contact de ses lèvres sur ton épiderme, t'étais prête à lui en demander encore. Encore parce que t'avais l'impression de retrouver une once de vérité dans le passé. Les jeux enjoués n'étaient pas que des frasques des mondanités. T'espérais y trouver quelque chose de vrai, quelque chose d'ancré au fond de toi. Ce n'était pas l'amour, simplement la sauvagerie de la vie. Les délires et les passions, les instincts et les dissipations. Et tu l'aimais ce monde de la nuit, ce monde qui te berçait lorsque mamma n'était plus là pour venir te coucher. Il était là, il était vrai. Une nouvelle lueur, celle qui t'indiquais que le passé n'était pas fait que de vanité. Et si tu t'étais trompais, Stella ? Tes sourcils s'arquaient, ça te faisait un mal de chien, ton arcade était fêlé. Seulement ton visage était en ébullition, tu ne pouvais plus le contrôler. Sa tendresse t'enveloppait, tu ne pouvais pas le laisser s'échapper. Le soleil se levait sur la chambre 321, Stella. T'avais cette sensation de saisir quelque chose, juste là, sous ses doigts. Et pourtant, Bella tirait toujours dans ton coeur afin de tuer ton passé. Partagée, déchirée, les mots étaient ceux qui te définissais. Tu ne bougeais plus, jusqu'à ce geste. Il réveillait en toi ce que tu voulais laisser mourir, et c'était angoissant. "Grazie per avermi detto la verità" (merci de me dire la vérité). Elle était importante, cette vérité. Elle tachait ta peau, bouchait tes oreilles. Il était là, et quelqu'un demandait Stella. Tu cherchais son regard, et pour la première fois depuis qu'il était arrivé, une de tes mains s'aventurait à le toucher. Elle se glissait sur sa nuque, cherchant un peu de réconfort, cherchant les bribes du passé s'immiscer par ce touché silencieux. "Anche se sento che non è rimasto nulla da trovare". (Même si j'ai l'impression qu'il n'y a plus rien à trouver)

Elle est brisée ton étoile. Éteinte même. Et toi, tu es trop capricieux Enzo. Tu ne peux pas laisser faire ça. Tu vis ça comme une injustice et tu sens ton sang qui se réchauffe à cette pensée. Tu veux la garder pour toi. Tu veux être absent de ses jours mais le Roi de ses nuits. Tu veux continuer ce quelque chose entre vous qui vous consume à la lueur pale des astres nocturnes. Alors tu la regardes, ton étoile, tu la réchauffes, tu la caresses de tes mains bien plus tendres que tu ne le pensais. T'es capable de douceur finalement tu vois. Pourtant, on t'a pas appris mais avec elle c'est inné. Elle ta précieuse. Ta mystérieuse et secrète. Elle t'appartient même si elle n'est à personne. Parce qu'on ne peut te fuir, ni te défier. Le lien que tu poses sur son étrange personne ne se refuse pas. T'es suffisamment avare de sentiments pour qu'elle se gausse de ceux que tu lui offres là sur ce lit blanc. Parce que je le veux. Sa main vient se poser sur ta nuque et toi tu t'inclines, éphémère soumis face à sa grâce chétive. Ta tête vient se poser sur son épaule et tes lèvres marquent cette peau épuisée et porcelaine sur le profil de sa nuque. “ Torna da me” (Reviens-moi). Tu chuchotes ces mots, parce que tu ne veux pas qu'elle parte non. Et c'est le destin qui vous a réuni dans ce cocon étrange et aseptisé. T'as jamais laissé les choses au hasard toi Enzo. Ton visage se relève vers le sien, et une fois de plus tu poses ce regard bleu profond sur ses stigmates, elle brille moins au jour mais tu ne la trouves pas moins belle. C'est étrange. Elle te fascine par cette fragilité sans doute parce que tu soupçonnes cette force au fond d'elle. “ Ti autero.” (Je vais t'aider.) Ta voix est douce mais sans appel, parce que tu ne la laisseras simplement pas être une autre, tu resteras là tant que la lumière ne s'infiltrera pas sous sa peau. “ Mi vuoi dire?” (tu veux me raconter?) Parce que c'est peut-être là, la clé. Votre lien il est éphémère et puissant mais tu as les épaules suffisamment solides pour entendre, t'es suffisamment fort pour ça. Ta main vient se poser sur la sienne doucement et tes phalanges viennent caresser la peau fine et offerte. Tu prendras le temps qu'il faut. Pour elle. Pour qu'elle revienne.