"La ville était grande, je pensais pas que t'allais le croiser, je suis désolée". Tu soupirais, légèrement agacé. Lu, Cosmo, toutes ces histoires, t'avais du mal. A vrai dire, t'étais très égoïste et t'avais tendance à penser au mal qu'il t'avait fait plutôt qu'à celui qu'il avait fait aux autres. Seulement toi, t'étais sa soeur. Sa soeur, Stella, tu ne comprendrais jamais. "Ça va mal se passer Lu, j'te rappelle que mon frère m'a abandonné. Mon frère n'est pas venu à l'enterrement de notre mère. Mon frère n'est jamais venu prendre de mes nouvelles depuis que j'ai pris une putain de balle dans la jambe. Il m'a abandonné, et tu sais quoi Lu ? C'est sûrement moi la plus grosse conne, parce qu'à 23 ans je perds encore mon temps à le chercher. Alors j'espère que ça se passera mal Lu, parce que je t'assure que j'ai envie de lui faire payer toutes les années d'absences que j'ai enduré". Ta voix se pressait, les mots se bousculaient. Tu sentais la haine monter. "Il avait peut-être oublié qu'être un connard, c'est pas en marge de la famille Cavalero. Il avait peut-être oublié qui j'étais, mais il va voir que sa petite-soeur a bien grandi". Tu préparais ta vengeance, sourire mesquin aux lèvres. "En attendant je suis désolée Lu, j'pensais pas que ça se passerait comme ça pour toi". Tu soupirais, clamant tes ardeurs.

Et comme d'habitude, tu finis par t'écraser. Ton estime de toi est au plus bas, à tel point que Stella passera toujours avant toi. C'est de ta faute, tu peux t'en prendre qu'à toi-même que tu te répètes sans cesse alors que tu rêverais de dire à quel point son frère t'as fait te sentir comme de la merde. Mais tu restes silencieuses, t'accuses la colère de Stella. « T'inquiètes pas, ça ne sera jamais aussi difficile que pour toi. » tu le détestes tellement, pour toi, mais aussi pour elle. « J'suis désolée que ton frère soit tellement à chier. » c'est la première fois que t'oses critiquer Cosmo en présence de Stella. « Il te mérite pas, il t'as jamais méritée. » t'as la boule à la gorge, mais tu penses ce que tu dis. Cosmo il mérite absolument rien.

T'arrivais plus à pleurer Stella, c'était terminé ça. Tu laissais les larmes à l'adolescente, tu transformais toute cette énergie en haine, conviction, détermination. Tu laissais tes silences plus présents. Lorsque tu parlais de lui, tu avais toujours tendance à trop parler, à tout déballer. La haine était à son comble, il était trop dure de la contenir. "Moi aussi Lu, moi aussi". Tu l'avais adulé, mais le rêve s'était terminé les jours où son indifférence résonnait comme unique réponse. "Tu sais, je préférais apprendre sa mort plutôt que sa cavale aux États-Unis". Tu te demandais pourquoi t'étais venue le suivre jusqu'ici, finalement. "On devrait l'ignorer, toutes les deux, pour le moment. Ça te va ?".

Toi tu sais pas si t'aurais préféré le savoir mort. Tu sais plus ce que tu veux en fin de compte, t'es juste fatiguée, ce serait bien plus simple d'oublier. Tu soupires, et hoches la tête malgré que Stella ne puisse pas le voir. « Ouais. Je suppose qu'il est pas censé savoir que t'es là ou que t'es au courant ? » non parce qu'on sait jamais, Cosmo c'est comme un vieux chewing-gum, une fois qu'on a marché dedans on retrouve toujours un bout sous sa semelle.

Ton plan se dessinait, tu voulais le faire souffrir, lui montrer que toi aussi, tu pouvais manipuler. Te rabaisser à son jeu, essayer même de l'égaler, de le faire couler. Qu'il souffre, tu n'espérais que cela. Et pourtant, l'amour que tu lui porte restait démesuré. "Je pense qu'Ernesto a dû vendre la mèche. C'est parfait, j'espère qu'il va bien entendre mon nom partout, histoire de rêver de moi la nuit". Tu t'allumais une cigarette.

« T'as vraiment tout prévu. » la chance. L'inverse t'aurait étonnée ceci dit. A sa place t'aurait fait de même. Sans l'être aussi d'ailleurs. « Il n'était pas encore au courant quand je l'ai vu je pense. » il t'avait semblé bien trop calme pour ça. Tu fermes les yeux en y repensant. « Tu me tiendras au courant de l'avancée ? » t'es pas sûre de vraiment le vouloir, mais tu te dois d'être là pour Stella.

"Moi aussi je suis une Cavalero après tout". C'était vos gènes, c'était dessinés en vous. Vos coeurs marqués par la manipulation, par la vengeance. Secret d'une fortune bien gardée. "Il le sera bientôt, compte sur moi pour qu'il le sache". T'allais te surexposer Stella, et si tu devais faire la une des journaux, tu n'hésiterais pas. "Promis". Promesse en l'air, tu la protégerais des éclats de verres que vos retrouvailles provoqueraient. "J'te laisse la mia bellezza, j'me suis coulée un bain chaud et j'me suis servie un verre de vin italien. On se rappelle plus tard si tu veux ?".