Les choix. Voilà ce qui fait de nous ce que nous sommes : les choix et rien d'autre que ça. Ils commencent tôt et ne finissent jamais, ils bifurquent, s'opposent, vous ramène en arrière ou vous propulse hors du chemin prévu. Une succession de oui et de non détermine votre putain de vie. Rien d'autre que ça.



I. MONEY BUYS HAPINESS
Cosmo est né à Milan, aîné d'une famille riche. Riche et non "aisée" car le fric ne met personne à l'aise. Son destin semblait déjà écrit bien avant sa naissance quand il n'était encore qu'un amas de cellules baignant dans une bulle d'innocence aveugle. Il serait beau, poli, saurait faire les nœuds de cravate à cinq ans et impressionnerait les associés de papa à huit. Il ferait de belles et grandes études, étudierait dans les meilleures écoles et décrocherait toutes les bourses. Ensuite, il épouserait la femme qu'on lui aurait choisi, belle et de bonne famille évidemment et il reprendrait les rennes de l'empire de son père. Tout est une question de choix, je vous l'ai dis. Cosmo n'en a fait aucun pendant quatorze ans. Il a écouté, hoché positivement la tête, obéit aux doux ordres de ses parents. Il a serré la cravate qu'il a su faire à cinq ans et offert son plus beau sourire lors des dîners importants. Quatorze années enfermé dans une villa luxueuse, équipée des appareils les plus modernes, d'un garage qui comptait plus de voitures qu'il n'y a de chiffres sur votre fiche de paie. Une vie calculée, millimétrée, chronométrée. Une vie parfaite. Ennuyeuse à en crever.

Il voulait gerber sur les sacs Vuitton, sur le cuir luisant des Porshe endormies qui ne servaient à rien sinon qu'à être montrées. Il voulait vomir sur ce Monde qui ne lui ressemblait pas, qui ne ressemblait à rien où tout n'était que faux-semblants et apparences. Faux tout. C'est eux qui avaient tout faux. Cosmo n'a jamais eu peur des monstres qui se cachent sous les lits, il craignait le requin qui ne le bordait jamais. Heureusement, parmi les dents trop longues et l'amour compté en billets elle était là. Saréna, sa petite sœur, son seul soleil dans l'ombre. Avec elle c'était vrai, de vrais rires, de vraies confidences, de vraies chamailleries aussi. La seule femme qu'il ai jamais vraiment aimé. Protecteur, trop parfois, il aurait sans hésiter donner sa vie pour la sienne.

I. DIRTY MONEY MAKES HAPPINESS
Et puis ça a commencé. Après tout 500 balles qui s'en rendrait compte ? C'était quoi pour eux ? Cosmo se servait d'abord discrètement, de petites liasses qui passaient toujours inaperçues parmi toutes les autres. Il glissait la capuche de son sweat hors de prix et partait gaspiller leur fric dans les quartiers malfamés de Milan une fois la nuit tombée. C'est là qu'il se sentait le mieux, la nuit. Personne ne se rendait jamais compte qu'il partait ni qu'il rentrait à la maison, sauf peut-être Saréna. La maison c'était quoi après tout ? Une grande baraque remplie de pièces vides, mortes, sans âme. Lui, il allait chercher les vertiges, les étoiles. Il allait chercher la vie. Il écumait les bars, achetait de quoi se fumer quelques joints avec ses potes qui ne savaient rien de son Monde. Il se reconnaissait pourtant dans leurs regards sombres, abîmés quand ils n'étaient pas tout simplement éteints. Il claquait ses liasses sans les compter pour s'offrir de belles caisses et les niquer dans le virage trop serré d'une course de rue. Sans remord. Il trouvait le frisson, l'appel d'air qu'il avait toujours cherché. Il se sentait vivant comme ça, sur le fil, dans l'ombre après avoir été trop ébloui par une lumière artificielle.

Peut-être que c'est à force d'avoir été trop opprimé qu'il avait tant besoin d'être libre. Peut-être que c'est parce qu'il avait tout vu qu'il avait tant besoin de fermer les yeux.

Plus il grandissait et plus ses envies semblaient insatiables. Il en voulait plus, toujours plus. Rien ne le satisfaisait vraiment, rien pour remplir le vide. Il baisait des tas de pétasses, de son Monde et puis de ceux des autres aussi. Sans les compter. Sans se souvenir ni de la couleur de leurs yeux ni de leur prénom. D'abord, il vidait les poches des habitués des comptoirs et puis il a commencé à s'amuser d'un nouveau jeu, à utiliser, manipuler jusqu'à pouvoir subtiliser quelques centaines d'euros dans la caisse sans qu'aucun soupçon ne pèse sur lui. Pire, ils lui souriaient quand il passait la porte avec leur salaire au fond de la poche. Il comprenait les émotions, mais ne les ressentait pas. Jamais. Il avait eu le temps de beaucoup observer les gens, de les analyser. Il cherchait les failles, les creusait pour y enfoncer son vice et boucher les trous Il était impénétrable, tantôt froid, tantôt chaleureux. Il faisait voir exactement ce qu'il voulait qu'on voit. L'ange ou le démon. Le meilleur et surtout le pire.

I. MONEY KILLS HAPINESS
2013. Cosmo a vingt ans et ça se fête. Cinq ans qu'il jouait au petit voleur, il se lassait déjà. Il rêvait plus grand, toujours plus grand. Il préparait son plus gros coup quand il est tombé sur cette nana. Une gamine pourrie gâtée, une fille de un peu paumée, elle aussi elle rêvait d'autre chose. La proie idéale. Il l'a apprivoisé, séduite, il lui a montré le meilleur de ce qu'il pouvait être. Du faux, du vrai ? Peu importe. Il a promit des sourires à n'en plus finir, une vie différente, une fin alternative. Ils n'avaient qu'une seule chose à faire.. Se tirer d'ici et pour ça il fallait qu'elle fasse un petit quelque chose. Il est parvenu à la convaincre d'emporter avec elle tout ce qu'elle pouvait, du fric, des bijoux, les montres et la caisse de son père pour qu'ils puissent se barrer aussi loin que possible. Elle l'a fait. Elle lui a vendu son âme, ses espoirs, elle a trahit sa famille pour partir avec lui. Quelques semaines de clandestinité, à crécher d'hôtel en hôtel, de nuits fiévreuses et d'aubes encore meilleures.

De l'autre côté du pays, son autre plan se mettait en place. Il orchestrait le faux braquage de sa propre famille. Quelques sales types payés pour entrer dans la villa des Cavalero avec un ou deux flingues histoire de faire flipper il padre et empocher un maximum de fric qu'ils partageraient ensuite. Peu importe combien, Cosmo ne manquait pas d'argent ni à l'époque, ni jamais. J'avais Il avait soif d'être en vie, de montrer à ses vieux que la vie ne repose pas sur des putain de morceaux de papiers.

Elle dormait, la tête posée contre la vitre glaciale de la caisse volée à son père. Ils arrivaient à la frontière franco-italienne, ils ne savaient pas vraiment où ils voulaient aller. Loin, juste loin. Un de ses trois portables a sonné, celui du business. Il a couvert le haut-parleur de sa main pour ne pas risquer de la réveiller. C'était eux, les braqueurs d'un soir. Ils avaient le fric. Ils avaient le pognon, mais ça s'était mal passé. Ils bredouillaient des bribes de mots l'un après l'autre quand l'un d'entre eux s'est décidé à prendre le téléphone et a posé les mots d'une voix claire. Ils n'avaient pas prévu que papa se la joue grand héros et dégaine son arme pour les faire fuir. Ils ont paniqué qu'il disait, deux coups sont partis. Une balle dans l'abdomen de sa mère, l'autre dans la jambe de Saréna. Elle est morte. Ils ne savent rien pour la p'tite. Ces connards ont tué sa mère et presque tué sa sœur. Non, Cosmo a tué sa mère et presque éteint son seul soleil.

Il a raccroché et réveillé doucement sa victime. Les traits impassibles, figés alors qu'à l'intérieur c'était l'enfer. Le vrai. Il lui a dit qu'ils allaient bientôt repartir et elle est sortie péniblement de la voiture pour aller pisser. Il a ouvert la boîte à gants pour vérifier que la boîte métallique remplie de fric était toujours là. Le moteur ronronne, il accélère sèchement et reprend la route sans un coup d’œil dans le rétro ne laissant à sa brune que les marques du bitume brûlé par les pneus. Sans rancune. A dans une autre vie.

2018. Il y a quatre ans, Cosmo intégrait Harvard à l'aide de l'amas de fric empoché au dépend de ses victimes et des relations de la vieille chez qui il a créché pendant un an avant de l'abandonner sans un mot elle aussi et d’investir dans un loft à Boston. Ses vieilles années dociles et sa lucidité sur le Monde l'ont certainement aidé à obtenir les notes suffisantes à son admission et c'est bien le seul fardeau familial qu'il veut bien porter. Il n'est jamais retourné à Milan. Il n'a plus jamais donné de nouvelles ni à son père ni à son soleil. Si Robin des bois volait les riches pour donner aux pauvres, Cosmo vole n'importe qui pour jouer au pauvre.

Une succession de oui et de non. Les choix, rien d'autre que ça.