Le vertige, j'ai le vertige quand même, faudrait pas l'oublier. Et j'ai accepté de monter dans ce truc, faut que Callum sache que sa copine est une héroïne. Je suis encore les fesses dans le siège, Callum serait d'attaque pour un deuxième tour. "Tu vas pas vomir quand même ? " Il glousse en me tendant la main, piouf, je me traîne hors du siège. Même si les pulsations de mon coeur retrouvent un rythme normal, ma tête est encore toute secouée. "Eh, ça va ?" Je hoche la tête, c'est pas convaincant. On marche vers les photos mais je sens cette bile désagréable, ce sursaut de l'estomac. Un petit panneau avec un petit bonhomme, une bonne femme. Haut-le-coeur, ok c'est le signal. Je cours, je pousse la porte, je grille la priorité au type et aux deux nanas qui font la queue devant moi, je saute sur la cabine qui se libère et je finis la tête dans la cuvette. C'était prévisible. Organisme de faiblarde. Je sens le regard réprobateur des gens dans mon dos, j'me sens comme une enfant qui fait une bêtise alors que je vide mes tripes. J'entends les pas de Callum, paniqué. Et moi toute minable, la gueule livide, malade, les cheveux en pagaille. Je lève un petit regard désolé vers le rouquin qui vole à mon secours. Décidément, Disneyland ça fait pas du bien à mon sex-appeal.

Tu t’attends à ce qu’elle se mette à exploser de rire et qu’elle en redemande encore, comme ça le fait souvent la première fois. Ou au moins qu’elle finisse par sourire en te disant qu’elle a détesté, tu ne sais pas, n’importe quoi. Mais son visage ne se déride pas et tu n’as pas cœur à regarder les photos – que t’avais pourtant hâte de voir – tant l’aspect de Roxanne t’inquiète. Le Space Mountain l’avait déréglé, tu voyais pas d’autre explications. Et puis sans que tu ne t’y attendes, Roxanne file en courant dans les toilettes à côté de l’attraction. Eh ! Tu la suis en trottinant, t’as compris. Code V, comme ils disent à Disney j’crois bien. Roxanne qui n’a pas pris le temps de fermer la porte vide tout ce qu’elle peut dans la cuvette. Tu rentres et fermes la porte derrière toi avant de relever les cheveux de la Dunster et de lui caresser de dos de ton autre main. Allez, ça va c’est fini. J’te demande pas si ça t’as plus ? Un léger rire, tu tentes de dédramatiser la situation. Attends.. souffles-tu en déroulant du papier toilette derrière toi pour le lui tendre et de sortir une petite bouteille d’eau de ton sac à dos. Petit corps fragile, hein ? souris-tu en l’embrassant sur le sommet de son crâne. Tu tires la chasse d’eau pour tenter de chasser cette odeur nauséabonde avant de finir par vomir à ton tour.


ha on est dans le glamour là

Callum ferme la porte derrière lui, dieu merci, je voulais pas me donner en spectacle. Il retient mes cheveux, passe une main dans mon dos. Je vous jure que c'est le mec parfait, j'm'en veux. "Allez, ça va c’est fini. J’te demande pas si ça t’as plus ?" J'voudrais bien rire mais, ouais non, je suis barbouillée. "Attends..." Il me tend du papier toilette, une bouteille. Je me passe un coup de papier mouillé sur la frimousse, je tente de me débarbouiller. "Petit corps fragile, hein ?" Il me dépose un petit baiser sur le sommet du crâne en tirant la chasse d'eau. Adieu les tartines de ce matin. Je hoche la tête, je ris un peu, malgré tout. J'me sens con. "De la camelote." Il s'est passé un truc à la naissance, les gènes du contrôle des émotions, de la résistance de l'estomac et de l'endurance sportive ont beugué. Je me lève, un peu tremblottante en m'appuyant sur l'épaule de Callum. Je vais me rincer le visage au lavabo encore une fois, alors que les gens lancent un regard dégoûté vers la cabine. Roooh, ça va, on dirait qu'ils ont vu un fantôme. "On rentre ?" Il commence à faire sombre de toute façon et puis j'ai eu assez de Disney pour toute une vie. J'me sens pas au mieux de ma forme, mine de rien, le Space Mountain, le passage aux toilettes, je suis crevée. Et je sens pas bond, la bile me colle à la peau, il me faut un bon bain. Main dans la main, on retourne au parking, passant une dernière fois devant le grand château rose. "T'emmèneras Jane sur les grands manèges, je suis sûre qu'elle aimera ça." Je glisse avec un petit sourire alors qu'on franchit la sortie du parc. "C'est une dure à cuire." Peut-être même qu'elle montera dans des trucs où son père osera pas la suivre. Une aventurière la pitchoune. Je parle de nous au futur, un futur toujours plus lointain. Je m'y autorise, de toute façon je le vois plus sans lui ce futur là. Je monte dans la voiture, monte le chauffage à fond, au diable les économies de carburant et je lance un dernier regard vers le parc de tous mes rêves de gamine. Puis un regard vers Callum qui s'installe au volant, tous mes rêves d'adulte.

De la camelote. Pourtant quand tu lui fais l’amour comme un forcené, son petit corps est loin d’être une camelote de brocante, ça tu peux l’dire. Tu chasses l’idée d’une Roxanne nue de ta tête et aide ta copine à se remettre d’aplomb. Elle a mauvaise mine, la pauvre, bien loin de la Roxanne pétillante et rayonnante à qui tu annonçais une virée à Disneyland. On rentre ? Adieu parade aux mille et une lumière et à la magie enfantine. Tu hoches la tête sans broncher ayant du mal à imaginer demander à Roxanne de rester encore un peu pour voir les chars défiler dans son état. Ouais. Vous sortez de la cabine des toilettes, une main autour de sa taille et quittez le parc non sans avoir acheté quelques souvenirs au dernier moment. Une jolie peluche Minnie et un tee-shirt Disney pour la plus jolie des petites filles. C’était inconcevable de rentrer sans ça pour elle. T'emmèneras Jane sur les grands manèges, je suis sûre qu'elle aimera ça. C'est une dure à cuire. Mais sa mère, plus jamais. Tu souris en grimpant dans la voiture et allumant le moteur. Roxanne grelotte et pousse le chauffage à fond. Tu retires ta veste et la pose sur ses épaules avant de boucler ta ceinture. La nuit n’allait pas tarder à tomber d’un coup et Roxanne s’endormira avant même que vous ne soyez sorti de la ville, t’en avais la certitude. Une main sur sa cuisse, l’autre sur le volant, tu démarres et quittes le parc d’attraction pour des heures et des heures de voiture jusqu’à Cambridge où une semaine de couple sans enfant vous attendait.