La première chose que Harley a appris enfant fut qu’elle n’était aucunement désirée. Sa mère était une pauvre femme paumée, serveuse dans un bar miteux et probablement plus encore pour les clients qu’elle trouvait mignon. Elle ne s’est posée qu’un an avant la naissance de sa fille avec un homme tentant vainement de faire sa place en politique. Il semblait être parfait, l’homme charmant, à l’écoute. Il lui accordait de l’importance à cette femme inculte et égocentrique. Mais vint la naissance de Harley. Comment cela avait-il pu arriver ? Ses parents étaient furieux. Contre elle et l’un contre l’autre. Cette stupide serveuse avait oublié sa pilule. Et le voilà, le nourrisson pleurnichard les réveillant à trois heures du matin.

Les Stuart ne s’étaient jamais aimés. Alors pourquoi ? La mère était dépendante de son mari, incapable de faire quoique ce soit par elle-même, n’ayant même pas le permis avant que sa propre ne l’aide à l’obtenir. Et le mari, lui, voulait construire une famille parfaite pour ses campagnes politiques qui ne menaient pourtant à rien. Harley savait déjà effectuer toutes les tâches ménagères à sept ans. Très vite, son caractère se durcit pour devenir secrètement la matriarche de la demeure. Sa mère ne se rendait compte de rien, trop occupée à appeler ses « copines », à sortir et regarder la télévision.

Très vite Harley elle rêve de se barrer d’ici. A ses dix ans déjà elle tente la fugue, prenant seulement quelques billets et pièces, se disant qu’elle saura se débrouiller parce qu’elle a toujours dû tout faire seule. Mais la police l’attrape et son enfer ne fait que s’aggraver. Le véritable visage de son père se dévoile. Harley devient responsable de tout.

« Tu ne sais rien faire d’autre que chouiner »
« C’est de ta faute si ta mère est avachie sur le canapé et rentre bourrée presque tous les soirs »
« Pourquoi mon papier n’est plus sur mon bureau ? C’est toi Harley qui l’a bougé ? Arrête de nier, je sais que c’est toi. Tu fais tout pour me pourrir la vie. »

Harley c’est la responsable de tous les maux du monde. Elle y est habituée, à être coupable la gamine avec un cœur déjà cabossé. Elle ne peut se raccrocher à rien. Sauf un rêve. Un seul qu’elle ose avoir. Elle ose, la gamine à porter ça en elle. C’est ce qui la pousse à s’accrocher, à ne pas se renfermer. Son rêve ? Être libre. Et comment être libre selon elle ? Après maintes recherches sur internet en cachette après l’heure de son couvre-feu, des tableaux griffonnés rapidement au vieux crayon épuisé d’être taillé sans arrêt dans un outil, elle trouve enfin la Stuart.

Des études. De bonnes études, lui promettant un avenir meilleur. Elle ne devra plus nettoyer toute la maison, donner une bière à sa mère, veiller à ne pas croiser son père qui jugera ses traits, sa tenue, son comportement et lui portera le blâme d’une quelconque crasse qui lui sera tombée dessus dans la journée.
Elle mit des années pour choisir quelle université choisir. En réalité c’est son déménagement aux Etats-Unis, plus précisément à Boston qui l’aida à faire son choix. Elle était alors au début de sa 8th grade. Harvard avait vendu du rêve à l’adolescente qu’elle était. Alors que ses parents se disputaient dans leur chambre, Harley contemplait les bâtiments de l’université. Son choix était fait et rien ne pouvait la faire changer d’avis. Elle s’est mise à bosser comme une acharnée, a fait de son dossier, un dossier en béton armé. Si l’amitié n’a pas été mise de côté, elle a préféré ne pas se concentrer sur l’amour et en faire une priorité. Ainsi ses flirts ou quelques amitiés et plus ne prenaient jamais plus d’ampleur que cela. Harley voulait vivre pour elle-même avant de vivre pour les autres.

Le moment venu sa bourse fut obtenue. La jeune femme est ainsi devenue étudiante à Harvard, son rêve était enfin réalisé. Et plus encore, elle y trouva l’amour dès sa première année. Au début, Nicolas lui paraissait être un type n’y connaissant rien, cherchant à lui plaire par l’argent. Il lui a probablement tout fait. Mais les premiers gestes, les mains liés, les baisers. Elle a succombé. Sa muraille avait cédé, elle avait l’impression d’être la seule. L’unique pour lui. D’enfin être celle qui l’aiderait à se poser, à avoir une relation stable. Car la stabilité c’est inconnu pour Harley. Elle a passé outre nombres de ses erreurs, de ses défauts. Nicolas était immature mais Harley gardait l’espoir. Il changerait au fil du temps, lorsqu’il réalisera qu’eux deux c’est du sérieux. Mais après quelques années de relation, il ne fit qu’empirer, lui rappelant sa mère immature et incapable de prendre une décision et de s’y tenir, incapable d’être sérieuse dans un domaine. Les rumeurs dans son cercle d’amis finirent par arriver jusqu’à ses oreilles. Il n’était pas très fidèle apparemment. Il se laisserait aller dans les bars. Ces fêtes où elle ne l’accompagnait pas toujours, ces fêtes où elle a fini par devenir parano lorsqu’il en parlait. Mais elle gardait le sourire et lui souhaitait une bonne soirée, espérant au fond d’elle qu’il l’appellerait, qu’il lui enverrait un message. Harley avait beau lui dire qu’il devait prendre cette relation au sérieux, il ne l’a jamais fait semblerait-il. Cette fois où elle se décida à se rendre à une de ces nombreuses fêtes où il se trouvait, le lui avait prouvé. Nicolas embrassait une fille sous ses yeux. Son cœur gonflé par l’amour qu’elle ressentait explosa dans sa poitrine en mille morceaux. L’anglaise n’y même pas le courage de l’affronter sur l’instant. Elle quitta en trombe le bar et le quitta le lendemain, violemment. Goujat, gamin, manipulateur. Tout sortit de sa bouche. Son cœur déjà abimé semblait anéanti. Elle ne ressentait qu’un trou béant dans sa poitrine.

Alors depuis leur rupture qui eut lieu à la fin du mois de mai de cette année, elle profite la jeune femme. Après tout, elle aussi elle a le droit de se faire plaisir. Alors les femmes et les hommes passent, les sorties s’accumulent. Pour se prouver à elle-même qu’elle n’a rien de moins que ces filles dans les bars, elle fait du mannequinat de temps à autre. Tout semble changer dans sa vie, si soudainement.

Son père a monté les échelons en politique durant ses cinq années d’études en plus de faire fortune dans des investissements immobiliers. Les Stuart, famille modeste deviennent soudainement une famille riche, à la mode. Nouveau visage politique, sa mère, désormais propriétaire d’une boutique de cosmétiques qu’elle ne gère pourtant qu’à peine, le nouveau visage de la mode. Harley, elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle qui était boursière durant toutes ces années, n’a subitement plus besoin de son dossier en béton pour bénéficier d’une nouvelle année à Harvard. Elle doit se rendre à des soirées mondaines pour apparaître comme la fille parfaite de l’homme politique. Elle ne le veut pas. Mais son père l’a déjà menacé de la retirer de l’université. « Tu m’as pourri la vie depuis ta naissance, je ne vais pas te laisser continuer sans te la pourrir en retour ».

Harley elle voulait la liberté.
Mais elle semble se retrouver à nouveau enchaînée, avec le cœur brisé.