Toute ta vie respirait le bonheur et ce depuis aussi longtemps que tu t'en souviennes. On t'avait déjà dit que le bonheur ce n'était pas ça et qu'il y avait tellement plus mais tu n'avais jamais eu le courage de tenter de le découvrir. Ta sœur et ton frère avait toujours foutu la merde, échoué au lycée, avaient toujours fait ce qu'ils voulaient, alors, tu avais dû reprendre là où leur bonne conduite s'était arrêtée. Tes parents n'avaient probablement pas eu envie de rater à nouveau, du moins c'est ce que tu pensais et tu te contentais assez bien dans tout ça. Etre une enfant parfaite était tout ce que tu souhaitais, et, dans le lycée où tu étais, tu excellais quel que soit la discipline. Tu te savais admirée dans cet endroit où tout le monde était comme toi, tu étais loin d'être la victime que tout le monde harcelait, tu régnais sur ce paradis d’hypocrites à ta façon, tu ne faisais rien de particulier, tu étais juste là, et tu montrais l'exemple. Mais tout cela tu ne l'avais pas eu par la volonté du bon Dieu, oh non. Ton père avait commencé seul, il avait fui de chez lui pour échapper au destin que lui avaient réservés ses propres parents et il était arrivé en France, où il avait monté l'échelle sociale par ses propres moyens. Il a toujours tenu à ce que tu sois élevée avec l'amour pour le travail, la seule chose qui t'aiderais à atteindre tes rêves. Cette idée t’était depuis restée en tête et tu avais voulu poursuivre le rêve que ton père n'avait jamais pu achever de lui-même. Aller à Harvard. Tu n'as jamais su si tu étais têtu ou non, mais à la seconde où tu voulais réussir quelque chose, tu faisais tout pour y arriver, et Harvard était devenu ton but premier, ou plutôt le sien, tu ne sais pas trop.  Tu avais alors dû abandonner tout ce qui pouvait t’empêcher de te concentrer. Tu avais abandonné tes amis trop perturbateurs et même délaissée peu à peu ta relation avec ton frère et ta sœur, même si celle-ci était déjà quasiment inexistante. Déterminée, tu l'étais plus que tout. Tu travaillais sans cesse. De nombreuses fois, le travail de ton père vous avait fait changer de ville, et quitter Berlin t'avais bien aidé à te débarrasser de tes amis lorsque tu t'étais tant attachée à ton nouveau rêve. Lâche ? Tu l'étais probablement aussi. Mais ça avait été tellement plus facile. Ton « meilleur ami » était le seul à être au courant de ton envie furieuse de partir pour cette université et de tout ce que tu étais prête à laisser pour cela.
"Sans cœur". C'est ça qu'il t'avait dit lorsque tu étais partie. Parce que tu n'en avais parlé à personne de ton futur départ pour la France, tu l'avais gardé pour toi, tu ne voulais pas entendre les pleurs de tes amis et les plans ridicules qu'ils auraient inventés pour te garder auprès d'eux. Tu avais changé depuis peu. Tu t'étais laissé aller et tu avais oublié le côté vagabond qui autrefois faisait également parti de ta personnalité. Tu t'étais allongée dans la perfection, tu souhaitais atteindre ce trésor et le reste te paraissais maintenant flou. Mais "sans cœur » ? Il l'avait bien appris un jour, lorsqu'il était venu te rendre visite par surprise et tu lui avais tout dis, sans aucun remord, sans aucune once d'émotions dans la voix. Du moins c'est de cette manière qu'il avait décrit ta façon de lui raconter les choses quand il commença à te crier dessus. C'était lui la chose dont tu rêvais de te débarrasser le plus au fond. Tout simplement parce que c'était lui qui te faisais sortir et t'amuser, celui qui t'éloignais le plus d'atteindre cette perfection. Et tu le détestais pour ça. Alors tu lui avais simplement sourit et tu avais continuée à faire tes cartons. Tu ne voulais pas le regarder, tu ne voulais pas voir ses larmes inutiles. Mais quand il claqua la porte, tu te demandas si ce n'était pas les tiennes que tu refusais de voir.
Toute cette peine, tout ce travail acharné, ces heures de concentration et cet isolement social c'était envolé à la seconde où tu avais reçu ton acceptation à Harvard. Tu aimais le travail, certes mais abandonner tout n’avait pas été moins douloureux, et la perfection que tes parents te poussaient à atteindre tu y étais enfin. Et cette putain de lettre le prouvait. Tu avais attrapé ta valise, foutu tout ce que tu avais trouvé dedans, laissé ta lettre sur la table du salon et tu étais partie.