PUERTO MADRYN, ARGENTINA, 2001

"Matteo ! Matteoooo !" Aucune réponse, évidemment. Parce que Matteo, il n'était pas là, encore une fois. Comme à chaque fois que c'était l'heure de travailler un petit peu en fait. Et non, ce n'était pas une question de fainéantise ou de flemme mais plutôt un soucis d'horaires. Parce que dehors il faisait bon, il faisait chaud et il y avait des tas de choses à faire et à découvrir alors évidemment que le garçon préférait traîner dehors plutôt que de d'écouter le cours que sa mère avait spécialement préparé pour lui. C'était compréhensible oui et d'un côté, il avait raison d'en profiter puisque tout le monde n'avait pas cette chance que de pouvoir voyager à travers le monde à son âge mais... Matteo, il était impossible à suivre. Certes, il n'avait que six ans, mais il était déjà bien trop malin et débrouillard pour rester coincé entre quatre murs alors qu'à l'extérieur, le monde n'attendait que lui. Exactement comme son père. "Nina, où ton frère est-il encore parti ?" La petite brune qui observait sa mère depuis cinq minutes lui répondit d'un simple haussent d'épaule accompagné d'une grimace. Elle aussi, était exactement comme son père. Trop loyale pour oser trahir son frère, même si c'était sa mère qui la suppliait. Ah ça... Matteo savait très bien s'y prendre avec elle, comme avec eux d'ailleurs. Il n'y avait qu'un seul moyen pour s'assurer que son fils ne parte à l'aventure elle ne savait trop où : le faire étudier tôt le matin, juste après le réveil. Le seul moment de la journée où elle était certaine qu'il ne lui échapperait pas. Du moins, pour le moment...

MILANO, ITALIA, 2009

"Pas trop stressé, ça va ? Ton père peut te conduire tu sais..." "Maman, ça va je t'assure. Je serais pas en retard pour mon premier jour, t'inquiète." lança Matteo d'un ton qui se voulait rassurant. S'il y avait quelqu'un de stressé ici, ce n'était certainement pas lui. Mais bien sûr qu'il appréhendait. Non seulement, il entrait aujourd'hui au lycée mais c'était surtout la toute première fois qu'il allait mettre les pieds dans un établissement scolaire et donc... découvrir tout ce qui allait avec. Depuis toujours, c'était ses parents et sa mère plus précisément qui lui avaient fait cours à domicile en raison de leurs nombreux voyages. Alors non, avoir des camarades de classe, il ne connaissait pas. Tout allait être complètement nouveau pour lui. Mais Matteo n'avait pas peur, au contraire. Sur son visage, c'était de l'impatience que l'on pouvait lire. Un clin d'oeil, une tape sur l'épaule de sa génitrice et ça y est, il quittait la maison, skate en main, casquette sur la tête, prêt à faire face à l'inconnu. C'était le début d'une nouvelle vie, complètement différente de ce qu'il avait pu vivre jusqu'à maintenant mais vous savez quoi ? Il pouvait s'adapter, il était confiant. Bref, c'était Matteo quoi. L'inconnu, il aimait ça lui.

BAHAMAS, CARAIBI, 2014

Échange SMS entre Nina et Matteo Raffaelli

NINA
- Tu sais quoi Matt ? Tu me déçois. Je pensais qu'on irait tous les deux à Harvard mais toi... Toi t'annonces finalement comme ça, du jour au lendemain, que tu pars à l'autre bout du monde avec une fille à qui tu parlais à peine il y a un an ? juste sur un coup de tête ? Ouvre les yeux enfin, tu peux pas tout lâcher comme ça, abandonner ta famille...

MATTEO
- C'est pas parce que je pars que ça va changer quoi que ce soit entre nous ok ? T'es toujours ma soeur Nina, j'abandonne personne. On continuera de se parler par skype et tu sais très bien que vous pouvez tous venir quand vous voulez.

NINA
- Ouais c'est ça... Et qui me dit que dans deux semaines vous serez pas partis ailleurs ?
Moi qui pensais avoir le meilleur frère du monde... t'es juste le plus égoïste du monde.
Adieu Matteo.

BALI, INDONESIA, 2016

Un large sourire scotché aux lèvres, appareil photo à la main, la jeune femme venait d'entrer dans la chambre, tout excitée comme un enfant le jour de Noël, en criant. "Allez Matt, réveille toi !" Grimpant sur le lit, elle s'assit sur un Matteo encore à moitié endormi. "Quoooi, il n'est que..." Même pas le temps de terminer sa phrase que le bruit de l'appareil photo retentit. Le jeune homme ouvrit aussitôt les yeux, découvrant sa petite-amie qui lui offrait son plus beau sourire. "Allez, debout  !" Elle lui attrapa le bras mais n'eut pas le temps de le lui tirer, se retrouvant à son tour allongée sur le dos, immobilisée par l'italien qui n'avait pas tellement l'air de mauvaise humeur en dépit de ce réveil... indésiré. "Qu'est-ce qui se passe ?" "Happy birthday babe." répondit-elle avant de déposer un baiser sur ses lèvres. "Veux-tu m'épouser ?" Wow. Du tac au tac. Même pas il ne l'avait vu venir. C'était sorti tout seul. Deux ans. Ça faisait déjà deux ans qu'ils étaient partis, qu'ils avaient tout quitté. Deux ans qu'il n'avait pas revu sa soeur qui, de toute évidence, n'avait toujours pas accepté son choix. Ses parents eux, s'étaient montrés beaucoup plus ouverts et compréhensifs étant donné qu'ils étaient les seuls responsables de cette passion qu'avait Matteo pour les voyages. Ouais, deux putain d'années qu'il ne vivait pratiquement que d'amour et d'eau fraîche avec Elena et vous savez quoi ? Bah c'était certainement les deux plus belles années de toute sa vie, à Matteo. Et là, il se sentait prêt. Prêt à passer le grand cap, à se lancer. Alors il l'avait fait, il venait de poser la fameuse question. Et elle venait tout juste de hocher la tête pour acquiescer, entre deux baisers. Bordel, ils allaient se marier.

MILANO, ITALIA, 2016

Partie. Envolée. Disparue tout simplement. Comme ça, du jour au lendemain. Sept petits jours après qu'il lui ai fait sa demande. Sept jours après qu'elle ai dit oui. Et la seule chose à laquelle il avait droit c'était un "Pas prête. Désolée." sur un bout de papier ? Ça, c'était la meilleure. Après tout ce qu'ils avaient vécu, elle n'était même pas capable de le quitter proprement, en face to face. En l'espace de deux secondes, elle avait réussi à faire passer Bali du rêve au cauchemar. En l'espace de deux secondes, il avait rayé cet endroit de la carte et elle, de sa vie. Faire ses valises, prendre l'avion, rentrer chez soi. Voilà ce qu'il avait fait. Parce que c'était la seule chose qu'il pouvait faire. Sa vie, elle était là-bas. Et il avait une soeur avec qui renouer le contact, en plus de deux ans à rattraper. Oh et puis aussi un dossier d'inscription à Harvard à finaliser.