« Non mais trois heures du mat ? Il est sérieux ? » Je re-vérifiais une énième fois le sms qui m’indiquait l’heure de rendez vous pour ma ‘prise de poste’ et cette journée particulière au service du jumeau de mon boss et je ravalais mes ronchonnements. J’avais une série de consignes, de la couleur du costard à la marque de la voiture à utiliser. Je sentais d’emblée qu’Abélard ne serait pas aussi décontracté qu’Hadès. C’était qu’une seule journée, après j’étais en congés. J’aurais mon séjour avec Ash pour décompresser, voilà, fallait que je me concentre là dessus mais la journée allait être très longue en attendant. Couché tôt, le réveil à deux heures piqua néanmoins beaucoup. Une douche, l’un de mes costards sur mesure enfilé, et je filai à l’adresse indiquée par le garçon, au volant de la jaguar. Je garais le véhicule et marchai pour retrouver le belge devant chez lui. Si j’arrivais souriant près de ce dernier, mon sourire disparut bien vite puisque ce dernier m’accueillit par des remontrances et une leçon sur la demi heure d’avance que j’étais toujours supposé avoir… « Bah désolé… En fait… Tu aurais pu me dire de venir à 2H30… » soufflai-je tout penaud alors qu’ensuite le brun s’amusa à me détailler de haut en bas pour m’interroger ensuite sur ma tenue. « C’est l’un de mes costumes de travail qu’Hadès m’a fait faire sur mes… » Pas le temps de finir ma réponse qu’il me coupait pour annoncer que comme lui, il était déjà en bleu, je ne pouvais pas rester dans mon costard bleu. « Mais je pensais que… » commençai-je, en me décomposant un peu plus alors que les remarques cinglantes continuaient de plus belles. A quoi bon protester ? A rien… Alors je finis par opiner, secouant poliment la tête avant de faire volte face et de courir jusqu’à la voiture, soupirant en m’y glissant pour enfiler mon costard de rechange. « Mais qu’est-ce qu’elle a ma cravate ? » ronchonnai-je en me plaçant devant le rétroviseur pour essayer d’arranger le truc mais empirant ça plus qu’autre chose. Je revins ensuite vers le garçon, en noir cette fois et ce dernier semblait s’être détendu un peu plus. Je saisis son bagage alors qu’il m’informait de notre destination et je retrouvais un peu le sourire : « Très bien. Ca promet d’être intéressant. Je connais peu la Belgique. » J’avais eu l’occasion de voyager plus dans le sud de l’Europe, ça allait être intéressant de découvrir ce pays. Je laissais mon boss de la journée pianoter et avançai doucement avec sa valise en main, avant de l’entendre à nouveau critiquer le nœud autour de mon cou. « Je… Je suis pas très costard et compagnie en fait. C’est un peu nouveau tout ça pour moi. » bredouillai-je. Il souffla ensuite vouloir la BMW et je me stoppai net : « Je suis quasi sûr que tu m’as demandé de prendre la jaguar… Je suis désolé. » Et si il fallait que je file au parc automobile d’Hadès pour changer de véhicule, on allait finir par être vraiment en retard pour son jet…  

J’avais la mine endormie de ces matins où la couette vous apparaît comme votre meilleure amie. Levé beaucoup trop tôt, j’essayais quand même d’arriver avec le sourire, espérant que ça passera mieux ainsi, avec ma cravate mal nouée et mes cheveux indomptables en vrac. Sauf que mon ébauche de sourire s’effaça bien vite devant l’accueil froid de mon boss du jour. Je protestais un peu, pour l’heure. J’étais pile poil dans les temps, sauf que monsieur aurait souhaité que j’arrive avec une demi heure d’avance. « Je… Non, c’est pas ce que je veux. Je prends note. » bredouillai-je en écoutant les reproches assassines du belge. Ok, la journée commençait bien… Et ce n’était qu’un début. Si l’heure avait été respectée mais n’allait pas à monsieur, ce n’était que le premier point d’une longue liste. Ce fut ensuite le costard bleu que j’avais revêti, et qu’il avait exigé que je porte, qui n’allait plus lui non plus. Je baissais les yeux pour observer le vêtement avant de filer exécuter l’ordre de me changer, commençant à me demander si j’avais sérieusement lu le bon sms. Grognant devant le rétro en essayant d’arranger ma cravate, mes ronchonnements n’échappèrent pas à l’oreille fine du brun. « Rien, rien… » toussotai-je avant de revenir, habillé d’un costard noir par dessus ma chemise blanche cette fois, tenue qui sembla radicale sur le caractère du garçon. Aussitôt plus aimable, plus souriant, me dressant le programme de la journée me promettant même de me faire découvrir un peu la Belgique. « Ca serait avec plaisir. » Je me sentais un peu plus relax d’un coup, enfin c’était sans compter cette fichue cravate. Je me tournai vers lui pour le voir me montrer l’exercice. « Attends attends… Tu peux reprendre plus lentement… » Trop rapide pour moi… Et si l’espace d’un instant, j’avais pu croire à la sympathie sincère d’Abélard, l’instant suivant et ses paroles me firent déchanter. Un peu piqué sur l’appellation qu’il avait utilisé pour mes origines, je me plus à répondre avec un certain sarcasme : « J’ai pas trop les moyens de me permettre une bonne couverture santé. Mais la gale c’est pas contagieux de toute manière si ? »  Et ensuite, mon envie de faire le malin passa. Bordel, j’avais vraiment du recevoir un texto bidon, c’était pas possible autrement. Même sur la marque de la voiture ça ne correspondait pas aux exigences de monsieur. « Je… Non, c’est moi j’ai du mal lire… » déglutis-je en sentant son regard me foudroyer quand j’évoquais le message et la jaguar qu’il avait exigé. La menace était claire, il m’avait à l’œil et je n’avais plus intérêt à me planter. Je lui ouvris cérémonieusement la porte pour qu’il s’installe sur la banquette arrière du véhicule en confirmant : « Tout devrait très bien aller… » Les paroles y étaient mais en vrai j’étais beaucoup moins sûr de moi. Je redoutais d’avance la suite de cette journée…