« Ça t’a vraiment traumatisé, pas vrai ? » J’haussais quelque peu les épaules, un air faussement nonchalant que je perdais bien vite. Après tout, j’avais toujours été honnête avec toi, depuis notre première rencontre. Je voyais un neurologue, un psychologue, j’avais un suivi médical de près, et je frissonnais à l’idée de voler. « Ouais. C’était… » Je me tus, réfléchissant quelques secondes à ce que je pouvais bien te dire. J’avalais le contenu du fond mon verre dans une grande gorgée puis me raclais quelque peu la gorge. « J’ai vraiment cru que j’allais y rester, et ça quitte pas mon esprit, même la nuit. » Alors, oui, c’était un traumatisme. Un beau, un vrai. Qui me donnait cauchemars sur cauchemars, frayeurs dès que j’entendais un bourdonnement ou un sifflement, et angoisses de ne jamais retrouver entièrement la mémoire. Et toi, t’avais des projets bien plus prometteurs dans ton sac. Une année sabbatique. « Tu devrais faire l’Australie. J’me proposerais volontiers pour être ton guide, même. » Un retour au pays. Peut-être que ça me ferait du bien. Peut-être que ça ferait remonter des souvenirs, qui sait? Et j’pouvais même emmener Nath avec moi, histoire qu’on prenne un break et qu’on retrouve un peu une partie de notre enfance passée ensemble. « Tu sais, je ne pensais jamais dire un truc pareil mais je t’apprécie bien Elliot. » Je lâchais un petit rire avant de reposer les yeux sur toi. « Je sais pas si je dois être heureux de la conclusion ou vexé du fait que tu pensais pas ça possible. Mais moi aussi, j’t’aime bien. » C’était facile de te parler. Pour une fois.

J’préférais parler de ses projets de voyage plutôt que du crash d’hélicoptère. J’pourrais l’emmener en Australie, même peut-être avec Nath, histoire qu’il se fasse pas de films de me voir partir avec sa soeur sur un autre continent. Elle m’aime bien et je l’aime bien. Faut dire que le courant est tout de suite passé entre nous, sans qu’on puisse vraiment expliquer pourquoi. Elle m’inspirait confiance et j’arrivais à me confier à elle de façon naturelle, sur des sujets que je préférais en temps normal éviter. Mon futur, mes peurs, mes désirs. Désir pour elle, par exemple, qu’elle s’amusait à alimenter de temps à autres. « Quoique, j’sois déçue qu’il n’y ait rien de plus entre nous. » J’esquissais un sourire à cette remarque. « Un jour, qui sait? En attendant, on peut toujours faire aller notre imagination. Peut-être que tu rêveras de moi en rentrant chez toi ce soir. » Ou peut-être que je rêverais d’elle. Voire qu’on en rêverait tous les deux. Ça, ça serait le comble.