J’savais pas si c’était bien, ce que je faisais là. Te voir dans un bar, boire un verre avec toi comme si de rien n’était, alors qu’on savait tous les deux que ton frère, aka mon meilleur ami me couperait les couilles s’il le savait. Ou peut-être pas, en fait? Après tout, je ne faisais rien de mal. Je ne t’avais pas embrassée, je ne t’avais pas touchée, je n’avais pas couché avec toi. Tant que je ne posais pas la main sur toi, il n’aurait rien à me reprocher, n’est-ce pas? Et puis bon, pour les pensées, tant pis, mais ça devrait pas compter, ça reste seulement de l’imagination. Une putain d’imagination quand même, qui s’enflammait à chacun de tes mots. Il n’est pas obligé de savoir. Si, parce que c’est mon meilleur ami, la seule personne pour qui je donnerais ma vie sur cette planète. Et je pourrais pas me regarder en face si je lui mentais, si je trahissais sa confiance, si je te touchais. Pourtant, t’es attirante, Willow, t’es putain d’attirante et tu le sais, t’es une séductrice dans l’âme puisque tu surenchéris en suggérant la fessée. Je me contente de lâcher un petit rire, finis mon verre cul sec et en recommande un autre. « T’es vilaine. » Épargne-moi les provocations, non? Ça me faciliterait la tache, ça calmerait les fantasmes que t’es en train de me donner. Mais non, je te rassure, je ne suis pas un homme casé, et ça me surprend même que tu le demandes. N’as-tu pas entendu les rumeurs? Apparemment non. Et tant mieux, j’ai envie de dire. J’haussais les épaules d’un air quelque peu nonchalant. « J’suis pas capable de me contenter d’une seule. » C’était l’excuse que j’avais donné à Lucky pour justifier le divorce après tout, autant la réutiliser. « Même si j’ai déjà été marié, tu sais ! » ajoutais-je en lâchant un autre rire, franc cette fois. Une gorgée d’alcool entre deux. Ce fameux mariage catastrophique. Catastrophiquement plaisant. Ridicule.

J’te disais que tu étais vilaine, et tu prenais ça comme un compliment. Ça, puis ton aveu sur les fessées… Non, tais-toi Elliot, enlève-toi ça de la tête. Off limits. Mais c’était duuuur, surtout quand tu t’amuses à glisser tes doigts sur mon torse par dessus mon t-shirt. Peut-être que l’alcool pouvait m’aider à éteindre tout ça. Ce feu que t’étais en train d’attiser. « J’vais rêver de toi si tu continues ce petit jeu. » t’adressais-je dans un sourire amusé, quelque peu charmeur. Le pire, c’est que c’était fort probable. J’avais une imagination débordante, et mes séances d’hypnose faisait ressortir tout ça la nuit, en ce moment. Dieu merci j’habitais pas encore avec Nath. Et mon sourire s’étirait un petit peu plus quand je te sentais presque te détendre de savoir que j’étais un coeur à prendre. Enfin, coeur, c’est vite dit. Pourquoi? J’suis juste pas le genre de gars qui sait se contenter d’une seule nana. Oui, tu as raison, je ne suis pas le seul. Et ça ne me dérange pas d’être comme ça. Enfin, j’crois. La première et seule longue relation sérieuse que j’avais eu, c’était quand j’avais dix neuf ans, avec Hippolyte. Inutile de préciser que ça s’était fini dans un grand fiasco. Ah, et puis y’avait Lucky aussi, que j’avais épousé, l’histoire de deux semaines. « Oui, j’suis sérieux. » te confirmais-je pour essayer d’ôter ton air surpris. Et j’riais à ta réponse. « Moi, amoureux? » La blague. « Elle avait fait un pari avec son meilleur ami, celui qui se marie en premier gagne. Et il allait demander sa nana en mariage donc elle m’a demandé un service pour lui faire gagner son pari. » Et j’avais beau raconter cette histoire des centaines de fois, elle sonnait toujours aussi ridicule et irresponsable. Pourtant, j’regrettais pas. Et elle non plus, j’pense. C’était spontané. Carpe Diem, quoi.

À cause de ton frère? Grâce à ton frère, plutôt. Moi, j’le voyais pas comme une mauvaise chose. Au contraire, à choisir, ça serait toujours Nath avant le reste. C’était ça, la fraternité, la famille. La famille, ça avait été Lucky aussi, l’histoire de deux semaines de mariage suite à son pari idiot. « Sauf qu’en temps normal, quand on fait un truc comme ça, on s’attache sans le vouloir avec la personne que l’on souhaite aider. » Je lâchais un rire en secouant la tête. « Mais nan. » Bon ok, j’étais peut-être pas tout à fait honnête, là. Elle s’était attachée, ça, elle me l’avait dit. C’est pour ça que j’avais demandé le divorce, d’ailleurs. Et moi? Ben, moi… Oui, j’appréciais sa compagnie. Encore plus quand elle n’incluait pas de fringues. Dieu merci tu commandais un nouveau verre, comme si tu voyais que j’en avais besoin pour faire passer la pilule. « Pour ma part, je ne crois pas au mariage. C’est une histoire d’argent, tout simplement. » À nouveau, je secouais la tête. « À mon avis, c’est pas nécessairement une question d’argent. » Ça limitait un peu trop la chose à mon goût. Certes, les mariages arrangés et entre familles influentes étaient bien connus, mais y’avait pas que ça qui discréditait ce genre d’union à mes yeux. « Mais j’suis d’accord, j’crois pas au mariage non plus. » Je buvais une gorgée du verre que tu m’avais offert. Fallait que je me détende, c’était le troisième depuis que j’étais arrivé, c’est-à-dire, y’a pas si longtemps que ça. « J’vois pas pourquoi t’aurais besoin de signer un papier juste pour prouver à l’autre que tu l’aimes, déjà. Et puis, l’amour, c’est surfait, j’pense que ça n’existe pas, tout simplement. » L’amour, ça va, ça vient. On peut "fall in love" et "fall out of love", c’est bien la preuve que ça a été conçu comme quelque chose qui s’installe et qui part avec le temps. C’est pas éternel.

« Pourquoi t’assumes que je suis un gosse de riche? » Bon, c’était pas faux en l’occurrence, mais j’étais curieux de savoir pourquoi elle avait directement pensé ça de moi. J’transpirais l’argent sans m’en rendre compte ou quoi? « On a déjà essayé de t’épouser pour ton nom ou ta fortune pour que tu sois aussi sûre de toi? » C’était suspect tout ça. En tout cas, ouais, de par ma place dans ce monde de capitalistes, j’avais pas besoin de me marier à une princesse pour être heureux. Loin de là. D’ailleurs, j’serai jamais heureux dans un mariage, ça sert à rien. Et puis, en général, c’est l’amour qui conduit au mariage, et dans mon cas, j’pensais que l’amour n’existait tout bonnement pas. « C’est parce que je le suis. » J’avais jamais été amoureux. Je n’avais jamais eu le coeur brisé. Tout ça, toutes ces conneries, ça m’était totalement étranger. « J’suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule à croire ça. Il n’y a que dans les films ou même dans les contes de fées que les histoires finissent bien. » Je riais quelque peu et fis claquer mon verre au tien. « Je trinque à ça. Mais dis-moi, tu fais parti de ces filles fans de The Notebook ou Titanic et qui rêve d’une histoire comme ça? J’veux pas te casser l’espoir mais ça n’arrivera pas. » Fallait être réaliste, c’est tout. Comme tu disais, y’avait qu’à Hollywood que ça se finissait bien. Et encore.

Bon d’accord, ma veste en cuir à quatre cent dollars me trahissait peut-être légèrement, c’est vrai. T’avais raison, j’étais loin de manquer d’argent. Mais heureusement, car c’est grâce à cet argent qu’on allait pouvoir s’acheter une putain de baraque avec Nath, ou que j’avais pu emmener Lucky en lune de miel. Même si en réalité, la Roumanie, c’était pas très couteux. C’était peut-être pour ça aussi que j’comprenais pas qu’on puisse épouser quelqu’un pour son héritage. Comme ta soeur, info surprenante d’ailleurs. En tout cas, t’avais pas l’air de ce genre de nana mielleuse qui était fan de films romantiques et qui croyait aux âmes-soeurs. « T’en fais pas, je suis loin d’être ce genre de fille… Je n’ai pas souvent été en relation amoureuse avec un homme et ça a toujours été moi qui était incapable de garder sa relation. » Je lâchais un petit rire. Ouais, toi et moi, on était fait pour s’entendre. « Sinon, mise à part les filles… Il y a bien un truc que tu dois aimer dans la vie. » Je reportais mon regard sur toi. « Ça fait cliché si je te réponds ‘le sport’ ou ‘faire la fête’ ? » Oui, ça faisait cliché. Mais à croire que moi j’étais ce genre de stéréotype. Le mec populaire du lycée qui est un tombeur, a beaucoup d’amis, fait parti de l’équipe de foot et fait la fête tous les week-ends. « Désolée de te décevoir, pas grand chose d’exotique. » Ah, attends. « J’aimais bien partir faire un tour en hélico. Mais depuis, j’me suis crashé et j’suis amnésique. Alors j’sais pas trop si c’est une bonne idée de recommencer. » Pas pour l’instant, du moins. « Et toi? »