"dis mama, pourquoi j'ai pas de papa moi ?" c'était la question qui revenait toujours en boucle dans la bouche de salem et ça, depuis le jour où elle avait mis les pieds dans une école. ouais, pourquoi ? pourquoi est-ce qu'elle, elle n'avait pas cette présence paternelle ? et puis un jour, elle avait eu l'âge suffisant pour comprendre. l'âge suffisant pour avoir le droit à des explications. "ton père avait d'autre projets mais je sais qu'il veille sur toi." sauf que salem, c'était pas ce qu'elle voulait. d'autres projets ? non, elle n'acceptait pas. un enfant ça s'abandonne pas. et finalement, elle avait finit par comprendre. les projets étaient une autre famille. elle, elle n'était que le fruit d'un adultère. sa mère n'était que la secrétaire qu'il aimait bien se taper quand les soirées étaient trop longues mais quand la réalité les avaient rattrapés, il avait choisit sa femme, son autre fille et l'avait laissé elle comme si elle importait peu. salem, elle était le fruit d'un adultère, rien de plus. avec une mère qui galère à payer les factures mais qui se démène comme elle peu. salem, elle n'avait clairement pas la vie de rêve. un appartement miteux à brooklyn, l'électricité de coupé presque tous les mois, ses soirées à faire du coloriage dans le diner emplit de gros lourds pendant que sa mère enchaînait les services, les blagues salaces et les touchers de fessier sûrement trop récurent. mais salem, elle ne se plaint jamais. elle a sa mère au moins, sa mère qui ferait tout pour elle, sa mère qui décrocherait la lune pour ses yeux. au fond, elles se suffisent à deux, elles sont le monde de l'autre et c'est tout ce qui importe.

salem elle grandit et elle a les responsabilités qui vont avec. elle a quinze ans maintenant et elle sait ce qu'elle veut faire dans la vie. travailler. se tuer à la tâche pour offrir à sa mère cette vie qu'elle mérite. devenir célèbre peut être. les sortir de la galère et permettre à son ange une retraite tranquille dans un endroit paisible. mais pour l'instant, la seule chose qu'elle peut faire, c'est se trouver des petits boulots, contribuer aux factures, faire du mieux qu'elle peut. "princesse, c'est pas ton devoir de faire ça qu'elle lance épuisée à cette fille qui se saigne pour elle. "c'est toi et moi mama, juste toi et moi" qu'elle répond simplement nettoyant les dernières tables du diner où elle épaule sa mère après les cours. mais salem c'est une jolie fille, salem elle vaut mieux que ça. elle aspire à mieux, forcément. sauf qu'elle peut pas l'abandonner cette mère qui lui a tout donné. elle n'a peut être pas les plus beaux vêtements, ses baskets sont peut être usées mais sa mère, elle lui donne un amour inconditionnel et ça surpasse tout le reste. alors dans la finalité, salem elle vit de ses rêves. elle travaille, va en cours, passe son temps libre avec des jeunes du quartier, au rythme de la même passion. la danse. c'est peut être ce qui lui donne la force d'avancer au fond. danser à en perdre haleine dans des entrepôts abandonnés. vibrer pour le hip hop et trouver un sens à tout ça. un sens à sa vie.

"salem, il y a quelqu'un qui veut te voir. salem elle vient de rentrer de cours, de passer la porte de ce qui leur sert d'appartement et elle pose son sac sur le meuble d'entrée. elle a dix-sept ans, elle devient une femme. et elle sent l'odeur des muffins qui vient lui chatouiller le nez. c'est étrange parce que mama, elle cuisine les muffins que dans les grandes occasions. intriguée, elle suit sa mère jusqu'au salon où se trouve un homme. un homme qu'elle ne connaît définitivement pas tranquillement installé sur le canapé. et il sourit quand il la voit. salem, elle ne sourit pas. elle est sauvage au premier abord, ne se laisse pas facilement berner. "tu as mes yeux." elle comprends pas, s'adosse contre le mur, prefère rester spectatrice. "c'est ton père princesse." ah. "j'ai pas de père" fin de l'histoire. il croyait quoi ? qu'il pouvait se pointer là dix sept ans après et sous prétexte qu'elle avait ses yeux, tout irait bien ? ah non, c'était pas comme ça que les choses marchaient. "salem.." c'est sa mère qui tente de lui faire entendre raison, sa mère qui tente de calmer la sauvage qu'elle peut être mais salem, elle ne veut rien entendre. salem elle fait demi-tour et claque la porte d'entrée. hors de question d'écouter quoi que ce soit, hors de question de faire face à cet imposteur. et elle le soulage dans la danse une nouvelle fois. pour extérioriser cette colère, cette peine aussi. son père qui refait surface maintenant. la question est pourquoi ?

une semaine après, il était toujours là. il était revenu. la même odeur de muffin quand elle avait passé la porte et lui, sur le canapé. alors quoi ? cette scène allait se rejouer à l'infini tant qu'elle n'écoutait pas ? le mur devenait son allier. elle s'appuyait contre, les bras croisés et attendait juste. pas de claquage de porte cette fois, juste le silence. et elle entends les excuses, les regrets, la zizanie que ça avait pu semer. elle écoute tout mais dans le fond, elle s'en fout. "j'avais besoin de toi, maman avait besoin de toi mais c'est plus le cas. t'as rien à faire ici." alors qu'est-ce qu'il voulait ? pourquoi revenir après tout ce temps ? y avait rien à tirer de tout ça. salem elle ne pardonne pas. jamais. la trahison n'a pas sa place, elle est mieux servit par elle même, c'est un fait. "je voudrais te payer des études salem, t'offrir une vie, un avenir." oh. alors quoi ? sous entendait-il qu'elle n'en avait pas ? qu'elle n'avait aucun avenir sans lui et sans son aide ? oh ça non, elle lui prouverait l'inverse. "j'ai pas besoin de toi." elle fait la sourde oreille, s'en va. salem elle a pas le temps de continuer à écouter tout ça. elle s'en fiche en fait. elle lui prouvera qu'elle n'a pas besoin de lui pour avancer. que sa présence ne rime à rien et que de toute façon, elle n'en veut pas.

elle travaille d'arrache pied salem. au lycée, au travail. trois fois plus qu'avant. pour mettre un peu de côté, pour se construire un dossier en béton. elle se tue à la tâche mais elle a besoin de faire ses preuves. de montrer qu'elle peut le faire. et ça prends du temps. elle doit attendre ses vingt et un an avant de pouvoir postuler dans la prestigieuse université qu'est harvard. mais elle le fait. elle se donne les moyens. pour elle, pour sa mère, pour prouver à ce père qu'elle peut le faire et puis peut être aussi pour la voir elle, nevada. cette demi-soeur dont elle connait l'existence depuis peu mais qui elle, ne connait rien de la sienne. elle appréhende dans le fond. peut être même qu'elle ne trouvera jamais vraiment le courage de lui parler. pour lui dire quoi ? y a pas de mode d'emploi dans tout ça. probablement qu'elle ferait mieux de lui écrire une lettre. ouais c'est ce qu'elle va faire. une lettre c'est bien. libre à elle de la contacter si elle le veut. dans le cas contraire, elle restera en retrait.