Deux parents connus, leurs têtes dans tous les magazines de potins divers et variés, une mère danseuse étoile, rarement présente, et un homme d’affaires très prisé, malgré qu’il soit marié. Et il y a toi. Le vilain petit canard, la sale gosse junkie qui n’cesse jamais de faire la fête, qui exprime son mal-être par tous les moyens. En sortant tous les soirs ou presque, parce que ce n’était que de cette façon que tu t’sentais vraiment vivante. Le nez dans la poudreuse, probablement la fois de trop, mais tu avais toutes les raisons du monde pour être comme ça, pour t’faire remarquer par tes parents rarement présents à la maison.

Et y’avait lui. Ton grand-frère, le fils modèle, le chouchou de tes parents, mais toujours là pour toi. Link, alors oui bonjour les clichés entre toi Zelda, et lui Link, ton allié, ton meilleur ami, ta raison de vivre. Quand il était dans les parages, tu t’tenais toujours à carreaux, t’étais cette fille douce, souriante, qui avait la joie d’vivre. Jusqu’à c’qu’il ne meure en mission pendant son service militaire. Bêtement, en Afghanistan, à désamorcer une bombe soi-disant d’après ses supérieurs, mais jamais ton frangin n’aurait échoué à faire ça. T’en étais persuadée, t’étais persuadée que c’était pour une autre raison qu’il a perdu la vie. Tu n’avais que treize ans quand ils sont venus sonner chez vous, que tu as vu ta mère s’écrouler, que tu as vu le regard de ton père rempli de rage et de tristesse.

Ce jour-là, c’est là que tout a basculé. Alors tu t’es renfermée sur toi, mais tu t’es tournée vers quelqu’un d’autre de ta famille. Jason, le fils de ton parrain. Vous n’aviez aucun lien familial lui et toi, et c’est lui qui peu à peu t’as fait connaître le monde de la fête. Il t’a fallu deux années pour vraiment commencer à prendre goût à tout ça, à de plus en plus apprécier Jason, parce que c’était l’seul à être vraiment là pour toi. A comprendre la peine que tu pouvais avoir depuis la mort de ton grand-frère, à t’comprendre vraiment et à essayer d’te faire oublier toute cette peine que tu pouvais avoir dans des moments où plus rien n’allait.

Un autre monde s’est ouvert sous tes yeux aussi, en plus de celui des fêtes et de la drogue, l’art et tout ce qui en déviait, mais ce monde a plus ou moins sauvé la suite de tes études, malgré tes notes qui dégringolaient. C’est Jason qui t’as traînée dans un musée, une expo de Van Gogh, et c’est les yeux remplis d’étoiles que t’en es ressortie. La meilleure expérience de ta vie.

Jason. Il a fini par devenir ton premier crush de gamine, tu n’as jamais osé le lui dire, mais parfois il t’arrivait d’lui taper des crises de jalousie sans raison, d’lui faire la gueule pour un rien quand tu l’voyais draguer une autre meuf pendant que vous étiez en boîte ensemble. Puis les années sont passées, c’est vers tes dix-huit ans que t’a craqué, la fois de trop pour les nerfs de tes parents qui n’en pouvaient plus d’ton comportement de junkie.

Deux mois après tu faisais tes valises direction les Etats-Unis pour aller faire une cure de désintox chez ta grand-mère paternelle. T’as pas eu l’choix, t’as dû abandonner Jason parce que tes sentiments pour lui devenaient de plus en plus forts et ça en devenait malsain alors qu’il avait une petite amie. T’es partie pour Cambridge. Et pour que t’oublies ta vie d’avant, ta grand-mère a eu la bonne idée de te payer la fac d’Harvard, parce qu’en deux ans avec elle, elle a su que t’avais du potentiel malgré c’que tu laissais voir aux autres. Malgré ce caractère bien trempé, malgré que t’étais une ancienne junkie. T’as coupé les ponts avec Jason pendant plusieurs années. C’est c’qui y’avait de mieux.
Puis t’as eu cet appel pendant tes études, cet appel qui a détruit ta vie, un matin que ça s’est passé, que tu as appris qu’il était mort d’un cancer la veille, que malgré que t’aies coupé les ponts avec lui, ton parrain tenait à te l’apprendre. Il a été ton unique crush, parce qu’au fond, tu continuais de l’attendre, d’te dire qu’un jour il viendrait peut-être te voir à Harvard. Que ce jour-là tu oseras lui avouer tes sentiments. Ce jour-là, il n’est jamais venu.