Une vie qui commence seule. Tu finiras probablement comme ça aussi, toute seule. C'est ce que tu veux, t'as jamais eu besoin de personne dès ta naissance, baignant dans la solitude absolue sans connaître l'amour parental. Des géniteurs qui n'ont jamais voulus de toi, qui n'ont jamais cherchés à te connaître ni à savoir qui tu es. Plus jeune, tu rêvais de ce jour où tu ferais leur connaissance, imaginant multiples scénarios où tu leur montrerait que t'es pas si pourri que ça. Que t'es même quelqu'un de bien pour eux, que tu aurais su les combler. T'as longtemps voulu te justifier pour l'erreur qu'eux ils ont fais, t'as longtemps voulu leur trouver des excuses et chercher à pardonner.. Mais aujourd'hui, tout est mort. Tout est fini. Tu veux plus rien, t'as plus espoir, t'as plus de chance à donner, t'as juste jamais eu de parents. Et puis tu t'en tape, t'en veux plus parce que t'as très bien su te débrouiller toute seule, t'as jamais eu besoin qu'ils te tiennent la main, qu'ils t'apprennent la vie. Toi, t'as directement était confronté à la dure réalité, à la rue plus tôt que prévu. Et, bizarrement.. C'est là où tu te sent le mieux. Tu vis pas, tu subis, des fois t'en viens à regretter le jour où t'as ouvert les yeux dans ce monde qui ne t'apporte jamais rien de bon. Jamais une touche d'espoir. En fait si, t'as cru toucher le bonheur du bout des doigts en un seul nom; Sheraton. Cet homme et cette femme qui t'ont ouverts les bras, qui ont ouverts leur coeur, tu étais le reflet de tout ce qu'ils ont toujours voulu avoir sans savoir que toi, tu leur prendrait tout. Tu ne leur laissera rien, seulement la destruction, ravages et larmes sur ton chemin. Leur chemin. Pourtant, ils t'ont tout donnés, plus qu'il n'en faut, cet amour inconditionnel que, inconsciemment t'as jamais voulu. Tu t'es mentis, pendant longtemps, croyant pouvoir vivre dans ce monde qui n'était pas le tient, dans cet amour factice, dans ce bonheur calculé et signé sur une feuille gribouillée. C'est triste, t'avais juste l'impression d'être un jouet, un cadeau qu'on venait d'offrir à des gosses qui n'attendaient que ça. Toi, ça te suffisait pas, ça te plaisait pas d'être celle qu'on a choisi comme dans un chenil, dans une animalerie où on cherche le plus beau clebs pour s'en occuper. Non, tu voulais un amour naturel, un amour qu'on ne pouvait pas nier, ou abandonner aussi lâchement.

Ta vie, c'est un chaos sans fin. Un problème sans réponse, une équation impossible à résoudre. Tu es pas une gosse comme les autres toi, t'as dû grandir trop vite, t'as vite été confronté aux vrais lois de la vie ou de la jungle. Petite fille perdue dans l'ouragan de la vie, prisonnière de sa rage sans fin. Tu préfères traîner dehors, tu préfères te défoncer la gueule plutôt que de privilégier tes études. T'en as rien à battre des études toi, t'as soif de vengeance. Cette pauvre fille qui n'arrive pas à se gérer, à qui les parents viennent toutes les semaines à l'école voir le proviseur. T'es cet enfant perturbé, qu'on regarde du coin de l'œil sans jamais oser s'approcher. Beaucoup trop solitaire, beaucoup trop sauvage, Az' tu t'es détruite dès ton plus jeune âge. Et puis là aussi on a plus voulu de toi, en même temps.. Comment leur en vouloir quand on sait que t'as tout fait pour qu'on te déteste ? Que tu t'es démener pour te coller cette image de bête noire infréquentable. Parce que, la vérité, c'est que l'attachement ça t'as toujours fait peur, que t'as jamais était capable de prendre le risque d'aimer ou d'être aimé. Évidemment, c'est plus facile. Plus faible surtout, mais rien à battre ! C'était mieux ainsi. C'est ce que tu te dit. Alors tu changes d'école, tu fais tes études dans un privé. Dans ce genre d'école où tout est toujours trop droit, trop carré, là où tu respires encore moins.. Où tu suffoques lentement, doucement sans que personne ne te vient en aide mise à part les démons de la rue. Certains sont comme toi, ils n'ont rien à perdre, et d'autres jouent les caïds, les gros bras pour défier l'autorité de papa et maman. Ça, tu le voyais pas, t'était beaucoup trop naïve, beaucoup trop fasciné par cette bande de "gros durs" que tout le monde craignait. Et toi, Az', tu voulais leur ressembler, tu voulais te rapprocher d'eux parce que tu pensais secrètement, qu'un jour, ils deviendraient ta famille. Mais non, tu vis dans un monde où l'art de la manipulation est maître, la mesquinerie et indomptable et l'hypocrisie la reine. Ils se foutaient de ta gueule, prenant ta faiblesse pour arme pour mieux t'écraser. Ils ont réussis, ils t'ont détruite un peu plus, ils ont saccagés le peu de choses qui étaient encore en toi. Et là, t'as enfin compris, tout est devenu plus clair avec le temps.. T'as compris que t'était vraiment seule contre tous.

Ce long couloir tu le connait par coeur, bondé de ces visages tous plus inintéressants les uns que les autres. Qui ne t'inspirent pas, même une seconde. Mais il y a autre chose que tu connais par coeur, c'est lui. Lui et son visage tellement bien dessiné, si bien qu'on aurait peur de le toucher malgré les cicatrices qui le rende que plus beau. Que plus profond. Et toi, t'es cette fille qui le regarde de loin, t'es cet ouragan qui perd de sa puissance quand il te frôle. Tu ne sais même plus qui tu es quand vos regards se croisent par hasard, tu écris des histoires inventées dans un journal que tu planques honteusement dans un de tes tiroirs. Tu décris tes fantasmes et ce premier baiser, tu décris sa bouche dans les moindres détails, tu parles de toutes ses mimiques que tu imagines même les yeux fermés. Il te hante, il mange ton âme de loin, il te dévore de l'intérieur sans même t'en rendre compte. Et vient cette première rencontre, ce premier contact.. Loin d'être celle que tu pensais, que tu écrivais dans ton journal. C'est ton poing que tu écrases malencontreusement dans sa gueule, tu comprends pas de suite, tu réalises pas sur le coup et lui non plus. Il te dévisage, sa mâchoire se contracte et finalement, tu peux lire dans ses prunelles que quelque part.. Il a envie de toi. Tu pouvais voir cette flamme dès le début, dès le début tu savais que tu lui appartiendrait, qu'il t'apprendrait à aimer pour la première fois depuis toujours. Il te fera te sentir belle, te sentir puissante dans ses bras, il te fera vibrer comme personne d'autre, il te fera grandir plus vite pour mieux te pousser dans les bras de l'ange de la mort. Tu te laisse faire, tu l'aime, alors tu fermes ta gueule parce que tu veux le garder encore. T'as pas envie qu'il te laisse, qu'il t'abandonne lui aussi. T'as longtemps fermé les yeux, t'as longtemps fait semblant de ne rien voir jusqu'à ce que tout te tombe dessus. Ces messages dans son cellulaire, ces femmes qui défilent, ces photos, ta première fois qu'il a filmé dans ton dos.. Ton monde s'écroule. Tu le déteste, bordel ce que tu peux le haïr, et cette tristesse. Inimaginable, irréelle, insupportable qui vient piquer tes membres, qui brûle ta peau. Alors guidée par la rage, tu le repousse, tu cris à t'en casser la voix et il ne le supporte pas. Il n'a pas apprécié que tu te rebelle, que tu lui tienne tête pour la première fois. Il frappe, frappe sans jamais s'arrêter, jusqu'à ce que tu ne reconnaisse plus cet homme que tu as longtemps aimé, jusqu'à ce qu'il fait apparaître les hématomes sur ton coeur. Son regard n'est plus le même, obscur, terrifiant, elle est loin la sécurité d'autre fois. Il s'éloigne, lui, l'amour de ta vie que tu disais, le seul et l'unique. Il t'as laissé sur ce carrelage froid, le nez en sang, la lèvre en feu, les joues salies par les larmes et le mascara. Sans un regard, sans se retourner.. Et la vie te rappelle encore une fois, que tu es seule. Que tu seras toujours seule.

En lambeau. Voilà comment c'est à l'intérieur, voilà comment tu te sent. T'avais perdu ta dignité, ta fierté ou le peu qu'il en restait, tu n'avais plus rien, plus rien à perdre alors tu voulais gagner. De l'argent, de la drogue, à en perdre la tête, la raison. Tu fréquentes ces gens qui te souris en planifiant en t'achevant sous tes yeux. Tu le sais au fond, mais tu t'en fou, t'es aveuglé par la liasse et la poudre, plus rien ne compte à tes yeux, à part ça, rien n'a d'importance. T'es une élève à peu près convenable en cours, mais à côté de ça, tu transportés de la drogue pour pouvoir te payer la tienne. Tu souilles la maison de tes bienfaiteurs sans scrupule en échange de quelques billets froissés. Tout déraille quand ton beau père crève de tes conneries, fallait trouver meilleure cachette que dans sa boîte de médocs. Overdose. Et toi, tu restes silencieuse face à ton crime que t'arrive pas à assumer, face à ce corps inerte que t'as envoyé dans un cercueil par avidité, par détresse. T'es chamboulé, tu perds pieds et la situation t'échappe, elle te file sous les doigts encore un peu plus ce soir là. Un échange arrangé, une grosse somme d'argent, assez grosse pour pouvoir te détourner. Le choix est vite fait, tu prends le sac et prend la fuite une bonne fois pour toutes. Tes secrets devenaient trop lourds à porter, l'odeur des remords commençaient à se faire un peu trop sentir et tes épaules n'étaient pas assez larges pour le supporter. Alors tu te casses, sans regarder en arrière, sans dire au revoir, tu pars simplement en laissant ces chiens aboyée derrière toi. Ils ne te lâcheront pas, tu le sais, tu deviens cette meuf en cavale, cette tête qui est mise à prix pour te faire payer ta trahison. T'as joué avec le feu, tu t'es brûlé, carbonisé même et tu t'en vas seule. Plus seule que jamais.

Nouvelle vie, nouveau départ. Tu veux te refaire, te défaire de ton passé sinistre et laid, tellement laid. T'as envie d'être quelqu'un d'autre, autre part, là où personne n'a entendu parler de toi. L'Amérique. Tu choisis Yale pour continuer tes études, cette université prestigieuse qui avait tout pour te correspondre, qui aurait pu te correspondre si cette photo n'était pas tombé entre tes mains, si ce prénom n'était pas tombé à tes oreilles. Azraël. Ton double. Toi. Le même visage, trait pour trait, la différence est minime pour ne pas dire inexistante. Le temps s'arrête face à ce visage, le tient, et tu te dit que c'est impossible, que c'est un putain de montage ! Mais t'as cette part de doute, cette petite voix qui te crie d'aller voir par toi-même. Harvard. Tu vagabondes, tu ne sais même pas si elle existe, si celle que tu cherches n'est pas le fruit d'une mauvaise blague. Tu n'y croit plus, parce que ça relève de la folie, parce qu'elle n'est pas réelle, toi, tu préfères te dire que c'est le fruit de ton imagination. Que tu n'as plus rien alors tu t'invente un tout. Harvard, là où tout commence, là où tu ne seras plus jamais seule.