« Ca marche pas comme ça Ashleigh, ils ont ouvert une enquête et tout. » Même si je voulais bien croire qu’avec la puissance et l’influence de sa famille, l’histoire aurait peut être moins fait de vague. Valait mieux se faire prendre à dealer quand on était un ‘fils de’ que quand on était monsieur tout le monde comme moi. Bref, dans tous les cas, mon renvoi ayant été décidé, mes semis aveux de la veille enregistré, mon sort sembla déjà un peu scellé. C’est l’annonce de mon expulsion qui la fit réagir ensuite. Violement. Enervée, enchainant une nouvelle avalanche de questions auxquelles je ne savais pas répondre, reproche de la blonde ensuite sur le temps que j’avais mis à l’appeler. Je déglutis difficilement, gorge noué, l’écoutant enchainer de nouvelles questions avec véhémence. « Ash, c’est pas le club med ici… Je peux pas appeler quand je veux mais… Mais ça va, te tracasse pas. Ca va s’arranger. » Ne pas céder à la panique, garder l’esprit froid, garder la positive attitude qui me caractérisait. « Reste auprès de Lucky, je sais pas comment ça se passe pour les visites, je sais même pas si j’y ai le droit. Je dois voir un toubib demain aussi. » Et ça, ça me stresser un peu quand même. On revenait de jamaïque quoi, mon test urinaire allait forcément être positif à la TSH. « Tu crois vraiment que je devrais prendre un avocat ? » Ouais t’aurais même du en prendre un hier avant de reconnaître que la marchandise retrouvée était à toi mon coco, même si sur le moment j’avais cru qu’ils parlaient juste de ma beuh.

La fille loyale, la bonne copine, la meilleure amie que tu étais, ne pouvait pas ne pas lui proposer de ne pas prendre la responsabilité. Limite tu serais crédible, tu t'étais mise à la coke y a peu, tu devais avoir des résidus dans ton sang, contrairement à lui. Mais il voulait pas, ce qui t'étonna pas. L'enquête était déjà ouverte en plus. Merde ! Tu souffles donc pour montrer ton désarroi. Et là tu ne peux t'empêcher de débiter des tas de questions, encore et toujours. Puis il en prend une comme un reproche, alors que c'était pas le cas. Plus une question pour savoir car s'il avait appelé plus tôt, tu serais venue tout de suite pour essayer de le voir, ou faire avancer les choses... Ca ne m'empêche pas d'être auprès de Lucky, je peux très bien jongler entre l'hôpital et la prison. Oui voilà à quoi allait ressembler les prochains jours et semaines. Super, à rendre visite à ta meilleure amie dans le coma, à l'hôpital, et rendre visite à ton meilleur ami en prison. Génial. Paye ta fin d'année. Quant à la question de l'avocat, tu lèves les yeux au ciel, même s'il ne peut pas te voir. Evidément Denys, tu peux pas te défendre par toi même là, c'est trop gros. J'appel ma mère dans la foulée et je te fais venir le meilleur avocat qu'elle connaît... Une chance que ta mère était associée dans un cabinet d'avocat. Une chance que tu étais cul et chemise avec elle. Tu allais lui demander de l'aide, tout de suite. Tout comme à Darren. Une chance qu'au final tu savais qu'il est flic non ? Je vais te sortir de là... Tu vas essayer en tout cas. Tu ne peux absolument pas le laisser ici. Ca te rend malade. Tu t'appuies finalement contre le mur et tu te laisses glisser pour finir assise au sol. Je suis désolée... qu'il soit dans cette merde. C'est pas ta faute, mais en fait si. C'est un peu à cause de toi, à cause de votre lien que tout ça lui arrive. S'il t'avait pas eut comme pote, il n'en serait peut être pas là, mais ça tu l'ignores. Pourtant t'es désolée quand même. Puis peut être aussi désolée parce que tu lui en fais baver avec ce faux couple.

J’essayais vraiment de garder la tête froide, de pas laisser trop entrevoir mon désarroi, même si ma voix avait surement perdu de son engouement et de son assurance comparé à la veille, mais ce n’était pas simple. J’avais la gorge nouée quand elle parla de visite, réalisant soudain les distances que j’avais voulu prendre, l’énergie que j’avais mis pour ne pas lui écrire, ne pas l’appeler, ne pas passer ces derniers jours près d’elle, éviter tout contact qu’ils soient visuels ou physiques… Et maintenant ? Maintenant j’allais juste être forcé de les garder ces fichues distances. Et je l’avais bien en travers de ne pas avoir davantage profité avant tout cela. « Je… Je vais me renseigner pour les visites… Je te redirais demain mais… Faut aussi que j’appelle les autres. J’ai le droit qu’à un coup de fil par jour. Tu peux leur dire, à tous, qu’ils s’inquiètent pas… » Ouais ouais, Denys va rassurer les autres alors que t’es au trou. Je réalisais pas je crois. Preuve en était avec ma question pour l’avocat, qu’Ash s’empressait d’éluder : bien sûr qu’il m’en fallait un. Elle s’en chargeait d’ailleurs. « Merci… » soufflai-je. Elle assurait qu’elle allait me sortir de là et une autre pensée traversa mon esprit : « Ash… Faut pas qu’ils le sachent. Mes frères, si ils appellent au loft, ne leur dis rien je t’en prie. » Parce que là, si ils savaient, c’était fini pour moi. « T’y es pour rien t’inquiète… Ca va… Je vais bien. Faut pas t'en faire, t'as assez de soucis comme ça... » assurai-je, essayant de paraître convaincant. J’avais le temps de rien ajouter car déjà le gardien me faisait signe d’écourter. « Faut que je te laisse… Je te rappelle dans le week end je pense. »

Il voulait prendre des distances et tu lui avais dit que tu serai pas égoiste, que tu le laisserais faire, mais là tu ne pouvais pas tenir tes promesses. Tu ne pouvais pas le laisser dans cette merde, le regarder tomber et ne rien faire, juste car il voulait s'éloigner. Façon vous alliez pas pouvoir vous voir comme avant, ni même vous parler par messages ou au tél pendant des heures. Dans tous les cas, les distances, elles seront là. A la différence que tu viendras le voir alors que tu ne l'aurais pas fait s'il était pas en prison. Tu ne pouvais pas le laisser seul, pas au moment où il avait besoin de toi. Tant pis si ça allait être dur, que tu ne pourrais rien lui avouer, que tu ne pourras pas toi aussi l'oublier, là il avait besoin de toi. C'était son bien avant le tien. Je vais les prévenir, tu veux que je prévienne qui ? Marin, Agathe, Kacy et Nate, Brent, et ? Les deux premiers c'étaient évident, ils faisaient partis de votre bande. Vos colocs, logique aussi. Brent, également, vu qu'ils bossent ensemble. Mais vous n'aviez pas que des amis en communs... Puis surtout, il s'inquiéta que ses frères le sache. Je leur dirais rien, promis, mais faudra tu les appels toi. Des jours sans nouvelles de leur petit frère ? Ils allaient trouvé ça bizarre, surtout à l'approche de fin d'année, des exams et donc des résultats que Priape voudrait connaître vu qu'il finance les études du mather. Puis tu t'excuses, et voilà qu'il tente de t'assurer que c'est pas ta faute, qu'il va bien. Mais t'es pas dupe, il sait pas mentir. Il sait pas te mentir. Denys, t'es pas un soucis affirme tu catégorique. Oui t'avais assez entre ton 'accident' et Lucky, mais et alors ? T'allais pas le lâcher pour autant. Et voilà qu'il faut à nouveau raccrocher. Tu avales ta salive, avant de libérer un : Attends... Tu prends une bouffée d'air, te pince les lèvres et te relance : je sais que tu voulais prendre tes distances, alors je te demande pas de m'appeler tous les jours, surtout si t'as le droit qu'à un appel mais... donne moi des nouvelles... s'il te plaît... et tu le suppliais presque avec ta voix. Tu ne pouvais pas rester sans nouvelles de lui le sachant là bas, c'était de la torture. Alors au moins de temps en temps, avoir droit à un coup de fil, pour te tenir informer. Fait attention à toi... termines-tu. Tu te doutes qu'avec sa gentillesse, son bon coeur, il va pas tomber que sur des mecs comme lui dans cette prison. Et pas violent pour un sous, tu imagines déjà le pire. Ton coeur se serre et tu attends qu'à nouveau l'appel se termine, que le bip retentisse, signalant la fin de votre appel...

« Ton téléphone marche bien ? » Parce que la liste, elle allait être longue. Je voulais qu’aucun de mes amis s’inquiète. « Faut le dire à Casey aussi, à Wade, Maxence, Aaron, Rhia, Alexys… » listai-je en pensant d’abord à mes camarades de confrérie avant d’ajouter quelques noms : « Teresa, je devais réparer un truc sur sa caisse, elle va se demander ce que je fabrique sinon… » Le mec qui pensait encore à son taf depuis sa cellule. Si c’était pas beau cette conscience professionnelle. « Tu demanderas à Brent d’inventer un truc pour le boss ? Je veux pas perdre mon travail. » Puis j’avais pas idée, comme ça pouvait être précieux, un contrat de travail quand on s’apprêtait à être traduit en justice… J’ajoutai quand même parmi les noms à prévenir la demande express de ne rien dire à mes frangins. Elle accepta, me conseillant de les appeler. « Oui, je le ferais… » J’en flippais d’avance. Le gardien me lança un regard qui voulait dire que mon temps était écoulé, et j’annonçais à la jeune femme que j’allais devoir la laisser. Elle me retint quelques secondes, juste pour me souffler qu’elle n’attendait pas d’appel quotidien mais des nouvelles régulières. « Bien sûr, je t’en donnerais Ash… Ce week end je pense… » Parce que j’allais devoir rassurer d’autres amis, que j’allais devoir aussi joindre ma famille. Et bordel qu’elles étaient courtes ses pauses téléphones. Regard dur du gardien et je soufflai à la jeune femme : « Prends soin de toi aussi Ash. A bientôt… » Et je reposai le combiné…