Elle se meut finalement jusqu'à se planter face à moi, signe avant-coureur de prochains débats même si son regard ombreux ne se détache du mien avec arrogance. De mon coté à l'annonce d'un marché qui me parait honnête, je me détends peu à peu, feuilletant avec soin des yeux les quelques détails non anodins de son visage anguleux. En mon for intérieur, je sais d'ores-et déjà qu'avoir recours à ses services va me couter autant professionnellement parlant que dans mon amour-propre. Il suffit de la regarder... J'ai pour habitude de ne côtoyer que les petites secrétaires aux jambes élancées et jupes stylées, les femmes qui ont du style et par style j'entends du chien, du féminin. Les piercings aux arcades et aux narines n'ont rien pour moi si ce n'est effectivement pour en jouer comme l'a si bien fait son tuteur, une provocation à l'ordre établi.

" Très bien, mais à mes conditions."  C'est donnant-donnant effectivement mais le fait qu'elle s'octroie le droit de m'imposer ses propres clauses m'agace profondément, perdant un peu de ce terrain que j'avais conquis par le chantage, le menton en appui sur mon poing contracté. " Tu me contacteras par le moyen que je te donnerai et pas autrement. Et t’as intérêt à te remettre à jour pour tes cours de décryptage. " Et j'ai surtout ripé sur mon pouce délié, me rattrapant du plat de la main sur la table comme si de part mon geste je souhaitais mettre un terme à ce combat. " Décryptage? " J'ai arrêté les cours d'info depuis un moment, depuis que j'ai délaisser la gymnastique de l'esprit en faveur des plaisirs visuels du Nirvana... Mais il n'y a de place pour les coïncidences et je la soupçonne d'avoir fait un tour dans les bases de données de nos dossiers. Peut-être que mon nom lui a évoqué le souvenir de certains détails sur lesquels elle serait tombée.

« Je veux récupérer mon ordinateur. Tes gars ne trouveront absolument rien, même si je leur laissais six mois. » Dans mon acte manqué mon ongle est venu effiler la chair dans cette barbe naissante, me cinglant d'une légère douleur que j'effleure du doigt, mimant la réflexion. " Ton ordi te sera restitué en temps voulu. " Telle est la loi, telle est la procédure et tel est mon bon plaisir de m'imposer. " Puisqu'ils ne trouveront rien, pas d'inquiétude à avoir. N'est-ce pas? " Puis avec une telle réputation, la cyber hackeuse ne doit pas en avoir qu'un à sa disposition... La couverture de son dossier est enfin refermée afin d'aller récupérer le disque gravé qui se trouve toujours dans le lecteur à coté. D'une simple pression, derechef, le plateau s'ouvre et me permet de disposer comme bon me semble du fameux dvd sur lequel mes doigts s'attardent. " Pas de copie alors... " Un murmure agrémenté d'un ricanement. " Dommage..."  puisque je pourrais faire d'avantage pression sur elle en possession d'un tel enregistrement. Ma main soupèse le disque aux marbrures métallisées tandis que je reviens vers elle dans l'optique de le ranger. Tout comme le dossier, celui-ci est reglissé dans son emballage plastifié mais pourtant, aucune des deux pièces à conviction ne m'échapperont. " Cette façon d'opérer... Ne me plait pas vraiment. "  Mais tout dans mon attitude laisse présager du contraire, ne souhaitant rien lui cacher cette facette de mon caractère. " Mes messages seront évidemment prioritaires " Une condition sinequanone à notre entente.

« Ouais, de décryptage. Je pense que tu trouveras vite un gars du service informatique qui remettra tes connaissances à jour. A moins que tu veuilles également me mandater pour te donner ces cours, ce que je doute fortement. » Et elle a raison sur ce point, je préfère de loin parvenir à mes fins par mes propres moyens même si elle doit avoir eu vent de mes activités par je ne sais quelle méthode. Au moment de remettre sous scellé la fameuse preuve de son viol, ma petite boutade ne la laisse pas indifférente et se permet même une réflexion, me confortant dans cette image de flic dépourvu d'éthique et de morale. Pourtant l'affaire semble réglée lorsqu'elle me laisse imposer quelques normes codifiées. « Très bien. Mais comment être certaine que mon dossier sera détruit ? J’en veux la preuve. » Je n'ai qu'une parole et ne suis jamais revenu dessus, contrairement à certains uniformes derrière leurs pupitres ici qui se prétendent être des exemples de civisme et de vertu. " Ma parole suffira. " C'est tout ce qu'elle peut me réclamer et c'est tout ce qu'elle aura parce que si d'aventure je venais à rompre ce pacte, elle est suffisamment expérimentée pour me foutre en réel danger. " Parce que maintenant, je suis impliqué " et ai plus à perdre qu'elle ne veut bien le croire. Évidemment, la psychotique pourrait s'imaginer qu'il s'agit d'un piège afin de la coincer dès qu'elle usera ouvertement de son pseudo et de ses compétences pour moi... Mais je n'ai aucune preuve de cette discussion, les caméras éteintes en amont. Cette conversation n'a donc jamais eu lieu et il me serait difficile d'expliquer comment j'ai, par le plus grand des hasard, pris contact avec elle la première fois, l'ayant officiellement ratée ce soir.

« Et j’vais devoir attendre combien de temps, ici ? » De piètre compagnie, j'imagine que je ne suis pas de ceux qu'elle a pour habitude de côtoyer et referme la pochette cartonnée sur tous les documents qui furent durant cette brève entrevue étalés sous ses yeux, un regard qui ne cesse de me fusiller et que j'entends bien un jour mater. " Si les choses sont entendues, je ne te retiens pas. " En ce qui concerne le bien tant convoité, il lui faudra patienter à présent qu'il a été remis en mains propres aux autorités compétentes. Sur ce, ma paume s'écrase et retrouve la fraicheur du métal de la table pour y prendre appui, ma chaise crissant sous mon déplacement pour paraphe à ce débat. " Tu repasseras demain avec ta carte d'identité pour ton pc. Demande le sergent Farell. Il ne posera pas de question. " C'est un con mais un con qui ne cherche les ennuis, ni les complications. La porte est déverrouillée et sans même me retourner, dossier sous le bras, les dernières recommandations: " Clayton Cooper. 1172 Cambridge Street. Tu retrouveras mon ip...." afin de me contacter. Pour le reste elle connait le chemin et n'a besoin de mon bras pour retrouver seule la sortie...