« What the day owes to the night. »
lawrie & lily

« Tu es vraiment en train de me comparer à une citrouille trop mûre là ? » s’indigna-t-elle, les yeux ronds et inquisiteurs à la fois, alors qu’elle l’observait sans scier, soupçonneuse face à cet humour acéré qui dévoilait ses dents sans méfiance, voire avec une note espiègle à laquelle elle prenait goût bien trop vite. « Tu exagères ! » s’injuria-t-elle enfin, le gratifiant d’une tape dans l’épaule qui avait failli faire déborder sa chope sur sa chemise. Heureusement elle n’avait pas tapé fort, pour éviter un drame vestimentaire. Mais on n’était pas passé loin. « Tu parles. Je commence à connaître la bête, à force. » Bougonna-t-elle entre ses dents, fourrant son nez au fond de son verre. « Ce n’est pas grave Lawrence. Franchement, ça n’a aucune importance. » le rassura-t-elle en battant l’air avec sa main l’air de rien, pas le moins du monde offusquée par cet oubli qu’elle jugeait réellement sans importance. Pour elle, c’était un jour comme les autres, qu’il n’était pas nécessaire de marquer au fer rouge. Qui plus est, elle risquait davantage de s’offusquer s’il oubliait de lui donner des nouvelles pendant des semaines (comme les mois qui avaient précédés, en somme), plutôt que s’il oubliait simplement ce fichu anniversaire. « Je vois … Et ça va, tu n’as pas peur que tes chaussettes craquent, à ce rythme ? » répondit-elle du tac au tac, la mine sérieuse, les lèvres pincées, faisant référence à sa modestie naturelle sans égale, et à ses chevilles qui actuellement devaient frôler le diamètre d’un ballon de baudruche gonflé à bloc. Quant à la question qui suivit, elle ne prit pas la peine de lui répondre explicitement, constatant à sa mine pensive et silencieuse qu’il avait deviné ses raisons sans qu’elle n’ait réellement besoin de les lui expliquer. Et puis, la perspective d’une mort certaine n’était pas la seule raison qui lui faisait omettre de fêter son anniversaire. Depuis quelques années à présent, la période hivernale était rarement une période facile à gérer. Elle se sentait toujours envahie d’un sentiment profond, et étrange, à l’approche des fêtes de fin d’année qui sonnaient le glas sur son âme plus qu’elles ne l’embellissaient. Wolfgang était mort peu après Noël, juste avant le jour de l’An. Et chaque année, depuis, elle avait du mal à oublier ses souvenirs, pour profiter des fêtes avec sa famille. Voire même, elle se retranchait à ce moment-là dans un deuil qui n’appartenait qu’à elle, et dont elle n’avait jamais parlé à quiconque, cette histoire étant assez « taboue » avec son paternel depuis des années. C’était de ces récits que l’on n’aborde pas, pas chez eux en tout cas.

La requête venait de tomber, implacable. Et Lily s’attendait déjà à essuyer un refus des plus catégoriques. Elle aurait compris au fond, qu’il lui refuse ce « service ». Surtout lui, qui connaissait mieux que quiconque la violence et ses nombreux travers. Mais pourtant, il lui paraissait aussi le plus à même de la lui apprendre. Plus que son père, qui n’était pas capable d’être professionnel lorsque son côté paternel entrait en ligne de compte. Il lui avait déjà appris quelques bases qui plus est, quand elle était plus jeune. En demander davantage ne ferait que l’alarmer inutilement. Chose qu’elle ne souhaitait pas lui infliger. Pourquoi l’infliger à Lawrence dans ce cas ? Elle le pensait au-delà de ces interrogations, et de ces soucis-là. Ses questions d’ailleurs, la firent sourire. Elle s’arrêta à l’orée de son verre, ses lèvres se fendirent en un sourire ironique. Avait-elle besoin de se justifier outre mesure, sachant qu’il y a quelques mois à peine, elle était victime d’une altercation des plus violentes avec des hommes qu’il avait refroidi sans autre forme de procès ? N’importe qui à sa place, après un tel événement, ce serait sentit dans l’insécurité. Rien de plus humain à avoir de telles craintes. « Non, personne ne m’a racketté mon goûter à l’école. » ironisa-t-elle glissant ses lèvres dans son verre, mettant en exergue la naïveté de ses remarques, comme s’il parlait à une enfant ayant des ennuis avec des camarades de classe. Fuyant son regard le temps qu’il pose le pour et le contre (elle devinait déjà la multitude des contres dans l’équation), c’est un regard un brin surpris et désarçonné qui se posa sur lui, à ce « D’accord », prononcé sans autre demande de justification. « Merci. Oui … Je te dirais, c’est promis. » S’accorda-t-elle enfin à lui répondre, un sourire penaud et reconnaissant au coin des lèvres, toujours un peu honteuse de cette demande pour le moins … Étrange. Mais elle n’avait pas envie de lui expliquer ses raisons pour l’instant. Pas ce soir. Plus tard peut-être, en des instants plus propices. « Il se fait tard, on devrait commencer à rentrer … » annonça-t-elle d’une voix plus claire à présent, constatant que le temps avait défilé à une vitesse folle, et que même le pub commençait à se vider. Elle craignait déjà les appels répétés et affolés de sa mère, qui se demanderait où elle avait disparu pendant la soirée … Tant pis. En attendant, elle venait de glisser son manteau autour de ses épaules dénudées, se glissant à l’extérieur du pub en saluant Connor qui essuyait une chope parmi d’autres.




@Lawrence H. Austen

ACIDBRAIN