Mon Jamesounet marié. OMG, je n’en revenais pas. Amis depuis de nombreuses années, depuis le début de nos études, nous ne nous étions jamais perdus de vue, lui et moi, malgré mes trois années de vadrouille à travers le monde et James était l’un de ceux que j’avais eu le plus hâte de retrouver pour mon come back. Et apprendre ses fiançailles en revenant, c’était la cerise sur le gâteau. Parce que, qui disait mariage, disait enterrement de vie de garçon, et ça j’allais me faire un malin plaisir de m’en charger, je m’en réjouissais d’avance. Mais avant de penser à la fiesta, avant de se charger de réserver la tireuse à bière, d’aller se ravitailler en vodka, tequila et autre boisson forte, avant de penser à tous les défis fous que j’allais m’amuser à lui lancer pour son ultime soirée de célibataire, il fallait être sérieux. Ca allait être moins fun, mais il fallait commencer cette journée par les essayages. Je connaissais le moineau, il allait grogner, ronchonner, réclamer à boire. Mais il ne pouvait pas aller se marier en short, cette étape était donc inévitable : l’épreuve du costume. Tester différents tissus, différentes coupes, passer divers cravates, nœuds pap, et enfin se prêter aux prises de mesure pour ajuster à merveille sa veste à sa carrure… Si c’était le genre de journée que les futures mariées, elles, adoraient, c’était typiquement le genre de truc qui allait gonfler mon ami. J’avais donc prévu le coup. Arrivant en bas de son immeuble, j’avais glissé une canette de bière fraiche dans la boîte à gant. Je lui envoyai alors un sms pour lui signaler que j’étais là, et lorsqu’il ouvrit la portière et prit place sur le siège passager, je donnais le ton : « James, toi et moi aujourd’hui, on va souffrir. Faut qu’on aille de toute urgence s’occuper de ton costard. » Et du mien au passage, je pouvais pas aller au mariage de mon meilleur pote en jean ou jogging. « Mais avant que tu commences à protester, j’ai un cadeau pour toi. » Et je lui désignais alors de l’index, la boîte à gant devant lui.

 J’avais vu l’invitation de James pour cette journée chasse au costard comme un appel au secours. Je le connaissais mon meilleur pote, je savais qu’il allait souffrir, passer son temps à se déshabiller, se glisser dans une chemise, enfiler une veste, une autre, nager dans ce monde de cravat et nœud pap’, lui qui était aussi coutumier que moi de ces tenues de pingouin… Ca allait être la torture, mais pour rendre cela plus fun, j’avais prévu le ravitaillement.  Et à peine dans la voiture, je lui désignais ma petite surprise : il attrapa donc le –cadeau- que je lui avais réservé en retrouvant le sourire, imaginant déjà ma caisse remplie de ce genre de petits présents. « Pâques avant l’heure : ça serait pas la chasse aux œufs mais la chasse aux bières. » me marrai-je à ses mots avant de néanmoins le faire déchanter, brisant son petit fantasme de voiture remplie de binouzes. « On en a qu’une en fait, alors savoure la… » Parce que pour ma part, pour l’heure, je roulais donc je laissais la boisson pour le futur marié qui me soufflait des consignes au cas où son copain appelait. « T’inquiètes, je tiendrais ma langue… Et si il appelle, je lui dirais surtout que je vais te kidnaper pour la soirée. Parce qu’après l’essayage de costumes, je compte bien te récompenser en t’embarquant pour un barathon de folie. » La canette là, c’était qu’un avant goût de ce qui nous attendait. On trouvait nos tenues et après on allait profiter jusqu’au bout de la nuit. Ca serait nos récompenses, à lui pour avoir jouer les mannequins et moi pour avoir tenu mon rôle de Cristina Cordula. Je garai mon véhicule devant une première boutique. « Alors prêt à souffrir ? » demandai-je en coupant le contact.

 Je souris flatté par sa réflexion, l’observant savourer sa canette, cet apéro, parce que oui ce n’était qu’un aperçu de ce qui nous attendait. Dans ma tête, l’étape éprouvante du choix du costume devrait être la plus courte possible pour que l’on dispose de plus de temps pour notre barathon. Pas tout à fait sûr que les choses allaient se dérouler aussi simplement. Je n’étais pas un grand habitué de ce genre de magasin, j’allais probablement vite déchanter. Mais c’était mon meilleur pote, je ne me défilerais pas. Même si il était question de m’habiller moi. Là, mon expression changea un peu, quand il fut question de thème. « Pitié, pas un dress code rose bonbon ou un truc du genre. » Non parce que ce n’était franchement pas ma couleur…  Arrivés devant la boutique, je garai la voiture et allai rejoindre mon ami devant l’entrée. « Quand faut y aller, faut y aller. » On prend une grande inspiration et on plonge ? On poussa la porte, pénétrant dans le magasin attirant aussitôt les regards des demoiselles présentes, ce qui me valut une réflexion de mon pote. Mes prunelles se posèrent sur lui, et je lui murmurais : « T’aurais pu laisser ta canette dans la voiture, on va se faire virer en moins de deux… » Parce que ça avait l’air sélect là, d’ailleurs j’étais pas sûr d’avoir la moindre chance avec aucune de ces femmes dans tailleurs inabordables… « On peut vous aider ? » nous alpagua alors une vendeuse, chignon sévère, petit air dégoûté lorsque ses yeux s’attardèrent sur la bière de mon ami, avant que je ne m’éclaircisse la gorge pour répondre : « Il se marrie bientôt, il nous faudrait un costume à chacun… » Et si on pouvait payer en plusieurs fois aussi, moi ça m’arrangeait. Mais ça je n’allais pas me risquer à le dire vu l’austérité de la bonne femme. « Je ne le sens pas trop ce magasin… » soufflai-je discrètement au futur marié alors qu’elle nous entrainait vers l’arrière boutique pour prendre nos mensurations…

 Si moi je trouvais la bonne femme relou, je n’imaginais même pas l’exaspération de mon meilleur pote. Je connais son caractère parfois emporté et je savais qu’aujourd’hui, avec le stress des essayages, c’était typiquement le genre d’attitude qui risquait de le gaver. J’essayais de garder mon petit soupir poli. Sourire qui s’effaça quand on avança et qu’on capta le regard d’une autre dame plus que désagréables. Il n’en fallut pas plus pour exacerber l’agacement de mon meilleur pote qui réclama alors… deux coupes de champagne. Je pouffai, incapable de me retenir devant le regard outrée de madame proutprout lorsque James lui remit sa canette vide, sourire provoquant aux lèvres. « Il se marrie, on ne peut rien refuser à un futur marié… » lançai-je alors en espérant qu’elle n’allait pas cracher dans nos coupes. Je me posai sur l’un des sièges face à la petite estrade, dans la pièce au fond du magasin, regardant mon ami monter et jouer les kens. Il me lança directement l’avertissement de ne pas me moquer, menaçant sur la couleur dans laquelle il allait m’affubler sinon. « Arrête, déconne pas ! Et dis moi quelle est la couleur du dress code ? » Pas du rose, pitié. Pour l’heure, c’était au tour de James et c’était un régal de le voir répondre avec nonchalance à la vieille chouette. C’était un vrai show. On savait surement, et ce dès la première minute où on avait mis le pied dans la boutique, que ça ne serait pas ici qu’on trouverait nos tenues. Trop guindé. Trop coincé. Trop maniéré. Mais faisons un peu péter les plombs à mémère. « On voudrait quelque chose de vintage moderne vous voyez le genre ? Quelque chose de coloré, mais en noir et blanc à la fois, bref faites nous rêver… » lançai-je alors que nos verres arrivaient. Je me levai pour aller donner le sien à mon ami et retourner m’asseoir en sirotant le mien, observant la vendeuse enrouler un mètre autour de la taille du garçon avec son mètre, laissant trainer ses mains un peu partout au passage. « T’as une touche je crois… » lui chuchotai-je discrètement en pouffant. Deux vrais gosses ! On n’était pas prêts d’être habillés moi je vous le dis.

Les meilleurs potes.

Le suivre dans ses délires, lui porter ses valises. Promener son poisson rouge et partir surfer à Nice. J’m’y attache c’est pour pas qu’il m’lâche.

Néanmoins quand je sens effectivement les mains baladeuses de la vendeuse, je fronce automatiquement les sourcils en abaissant mes pupilles sur ces phalanges qui ne cessent d’examiner à la perfection mes courbes. Je me fais tripoter, dans un magasin de costumes pour des mariages. Je pince mes lèvres l’une contre l’autre avant de me dégager lentement de ces griffes de sorcière. « Je crois que… Enfin, c’est moi le marié. Et je suis gay. Très gay. Plus gay que moi, il n’y a pas. J’aime les pénis. » Je la regarde, et elle me regarde presque choquée avec sa mine abattue. Je ne sais pas si elle est vraiment traumatisée de ma nouvelle ou si c’est le fait que je sois vraiment le marié. Dans tous les cas, je montre du doigt mon poto, dans un sourire amusé en retenant un rire que je canalisais au fond de ma gorge. « Par contre lui. Il aime les seins. Un peu comme les vôtres… » J’entends la patronne arriver avec ces talons qui claquaient le sol. Et je ne peux empêcher mon cerveau de fonctionner. De voir cette femme avec des menottes et une cravache. Maltraitant son mari durant les nuits froide d’hiver. J’en viens même à déformer les traits de mon visage en raclant ma gorge. Comme pour m’excuser, je préfère lentement m’avancer vers Denys. Posant ma coupe de champagne où j’ai évité d’y boire une simple gorgée. « Tu ne devrais pas boire. Je crois qu’elles ont crachées dedans. » Je crois, que je n’ai jamais été aussi sûr de moi. Pour le coup, je laisse lui laisse une tape amicale avant de l’inciter à s’avancer vers l’avant de magasin. Tout en regardant pardessus mes épaules. M’assurant que les trois mousquetaires ne sont pas en train de nous suivre. D’ailleurs, on est un peu parti sans rien dire. Arrivant devant la voiture, les mains dans les poches. Fixant les passants. « Bon d’accord, j’ai abusé. Mais elle me tripotait. Je me suis senti quasiment agressé sexuellement. » Je plantais mes pupilles dans celles de Denys. Avant de rire aux éclats alors que je passais un bras pardessus ces épaules. « Aller, le prochain. Promis. Tu passes avant moi ! » Question de sécurité ? Ou non, enfin… Peut-être !

 

S a n i e

Spoiler:

  La vendeuse se décomposait un peu. Entre mes exigences loufoques et la remise en place bien directe et sans détour de mon meilleur ami, elle était toute chamboulée. Je pouffais, cachant ma bouche derrière ma main comme un gosse pour essayer de masquer mon hilarité et me faire discret. Sauf que mon rire cessa lorsque James me renvoya la « balle » ou autrement dit, recentra l’attention de la demoiselle sur moi, en évoquant mon amour pour les poitrines féminines. Mon regard se porta alors sur le décolleté de la jeune femme qui capta mes yeux baladeurs et referma aussitôt un bouton supplémentaire de son chemisier en me lançant un coup d’œil sévère. Ok, elle devait clairement se demander sur quel duo de zigottos elle était tombée. On fut interrompu par l’arrivée de la patronne perchée sur ses escarpins probablement hors de prix et les paroles que mon meilleur pote me souffla me firent recracher directement dans mon verre la gorgée de boisson pétillante que j’avais pris dans ma bouche avec un air écoeuré. « Eurk… » J’espérais sincèrement qu’il se trompait, mais vu les regards qu’on nous avait lancé depuis notre entrée dans la boutique, il avait surement vu juste. Raison de plus pour me laisser entrainer vers la sortie. Une fois à la voiture, c’est dans un petit débriefe qu’on se lança, James avouant ses tors, mais accusant clairement la vendeuse d’attouchement. « On taira cet épisode le jour J, je veux pas avoir des problèmes avec Harley. » Parce que c’était sûr que le garçon n’apprécierait pas que son fiancé soit peloté de la sorte alors quand le rire de mon interlocuteur résonna et qu’il me promit la première place pour le prochain magasin, je me marrai à mon tour en répliquant : « Seulement si la vendeuse est jolie… Et le champagne pas piégé. » Mon regard balaya la rue, cherchant une devanture moins présomptueuse, moins chic coincé, quelque chose qui nous ressemblait davantage. Mais c’est sur une autre façade que mes prunelles restèrent bloquées : un bar. « On se fait une pause là avant de continuer ? Juste un verre pour s’hydrater, j’ai la gorge sèche. » réclamai-je en tirant mon ami vers l’établissement. Une boutique de fringue, un bar, une boutique de fringue, un bar… A ce rythme là, on allait finir dans un bel état cette journée.