Non mais ça faisait deux jours que j'étais au courant. Deux jours que je flippais de fou. Kaya était venue chez moi et je m'occupais d'elle, espérant surtout que les choses iraient mieux au niveau de sa santé par la suite. Cet incendie était pas vraiment bien tombé pour le coup, puisqu'on venait à peine de se remettre ensemble qu'on devait à présent vivre ensemble. La rencontre avec les parents avait été houleuse aussi et on s'en était presque sortis indemnes. Autant dire, la chance avait été légèrement de notre côté. Bref, j'avais besoin de parler de tout ça à quelqu'un et c'était naturellement que je m'étais rendu à la Mather House, à présent remplie de Winthrops et Lowells de ce que je savais, pour discuter avec Rylie. Non mais mine de rien, cette meuf c'était le meilleur soutien que j'pouvais avoir. On avait une vie un peu similaire... bon, légèrement. Quelques points. De légers détails. Bref, on avait connu la perte de nos parents et mine de rien, ça rapprochait. Et puis elle avait cette écoute qui me plaisait et dont j'avais besoin. Entrant dans sa chambre, sans faire gaffe à si elle était occupée ou non, je m'installais sur le fauteuil. « Elle est enceinte putain ! » que je lançais, le regard dans le vide, avant de le poser sur elle, installée dans son lit.

Installée dans ma chambre à la Mather, les fesses enfoncées dans ma chaise tournante et les pieds relevés sur mon bureau, j'avais un crayon de papier coincé dans la bouche et je lisais religieusement mon cours de criminologie. En choisissant la sociologie, le domaine de prédilection de ma sœur, jamais j'aurais pensé que ça allait réellement me plaire. Mais étudier les comportements, putain, c'était vraiment fascinant. Et juste au moment où j'étais prête à bondir de ma chaise pour aller faire les cent pas en lisant, un bonhomme entrait avec perte et fracas dans ma chambre. Et pas n'importe quel bonhomme. Mon bonhomme préféré. Il s'assit sur mon fauteuil et sans me regarder, me balança une phrase qui faillit me faire éclater de rire. Je jetai un coup d’œil à mon ventre et en jouant la meuf paumée, je répondis « Non, j'te jure. » En voyant qu'il n'esquissait même pas l'ombre d'un sourire, je me redressai sur ma chaise. Ouh là, d'accord. Mon sourire s'effaça directement. « Attend, mais t'es sérieux ? Kaya ? » Bordel, mais aux dernières nouvelles ils avaient rompu non ?

C'était compliqué d'être Nicholas Brewster des fois. Sérieusement, pourquoi tout était si merdique en ce moment ? Seule ma relation avec Kaya semblait être au beau fixe en fait. La relation en elle-même ouais. Parce que sinon, c'était aussi la merde. Elle était enceinte, yay. Ses parents me détestaient, double yay. J'avais envie de péter la tronche à tout le monde, triple yay. Ouais non, ça ne va clairement plus dans ma tête et j'avais besoin d'un espèce de recalibrage. Alors je m'étais dit “allons voir la meilleure” et c'était pour cette raison que j'avais trouvé place dans sa chambre, à la Mather House. Sûrement qu'elle ne comprenait aucun mot de ce que je pouvais dire et.. compréhensible. Je fronçais les sourcils dans un premier temps, comprenant à mon tour pas où elle voulait en venir, avant qu'elle ne tilte réellement ce qui se passait. « Qui d'autre ? » Bon, pendant deux semaines et demi, j'avais couché avec d'autres filles, c'est vrai. Mais dans le lot, il y avait Kaya. Et Kaya portait mon bébé. Et maintenant, j'étais dans la merde. « Juste une fois putain, une seule fois j'ai oublié la capote... pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle est tombée enceinte? On avait pas besoin de ça bordel » On venait à peine de se remettre ensemble, et le destin nous faisait un beau fuck.

Ce mec, c'était mon pilier ici. Bon, jamais j'allais aller lui avouer en face mais putain, que ça faisait du bien de pouvoir compter sur quelqu'un comme ça. Alors bien entendu, je lui rendais la pareille constamment. Parce que même si j'étais une insociable finie, que j'aimais pas tellement le contact humain même si l'observer était une passion, eh bien je savais qu'une telle relation était rare. Et malgré tout, je l'aimais bien ce bonhomme. Mais là il venait de débarquer dans ma chambre en me baragouinant une connerie plus grosse que lui. Alors j'avais tenté une petite blague, parce qu'il ne pouvait pas être sérieux. Si ? Non. On n'est pas en avril, check. Alors c'est forcément une nouvelle farce. Je le regardais, dubitative, perdue entre mon envie de hurler de rire parce que je n'y croyais pas, et l'envie de lui en foutre une si jamais il était en train de me dire la vérité. Je l'observais un moment sans rien dire et l'avantage avec ma filière, c'était que j'étais formée pour détecter le mensonge. Et là, putain... Putain, il mentait pas ! Mon dieu, je sentais la panique monter en moi alors que j'étais même pas concernée. Mais qu'il était con, c'est pas possible ! Ouais, sauf que je me gardais bien de lui dire ça à voix haute parce qu'il n'avait pas besoin d'être plus enfoncé à l'heure actuelle. Je pris une grande inspiration pour rester calme, puis je vins m'asseoir près de lui. « Bon. Je vais pas te faire une leçon de morale parce que c'est pas le moment. Mais crois-moi que je reviendrai au cours d'éducation sexuelle, tu vas pas y échapper. » Ouais parce qu'encore, la capote aurait craqué. Mais non, là ce débile n'en avait même pas mis. Je le regardais, soucieuse. « Vous en êtes sûrs et certains ? Vous avez fait les tests à l'hôpital et tout ? » Bon, maintenant j'allais poser la question délicate, mais qui se devait d'être posée. « Vous comptez faire quoi ? » Le garder, ou non ?

Non mais ouais, je me devais de me pointer à la Mather et extérioriser tout ce que j'avais sur le coeur. Genre le truc qui n'arrive jamais et Rylie était la première à le savoir puisqu'elle le vivait. Mais là, j'pouvais pas le garder pour moi c'était juste impossible. C'était too much. Installé sur le siège du bureau, je lui lançais la nouvelle et sa tentative d'humour avait été plutôt mal réceptionnée pour le coup. En fait, j'étais même pas sûr que c'était de l'humour mais voilà, je réagissais pas tellement, préférant rester sur la situation actuelle qui était que j'allais être papa dans quelques mois. Et ça me foutait une peur bleue. « Spare me all that. I know how it works » Après tout, j'avais couché avec un tas de filles et j'ai jamais oublié la capote putain. Alors ouais, forcément que, quand ça devient trop émotionnel, monsieur l'oublie. Sauf que Rylie elle est là pour me faire une espèce de morale quand même. « Yeah. Blood test after the fire at her house when she was at the ER. And... she's a Christian so... abortion is against her believes. We keep it » Ouais, j'avais pas tellement le choix en fait. « I'm fucking scared »

Non mais sérieusement, tout ce qu'il méritait présentement c'était une baffe. Parce qu'il avait été tout sauf prudent là et maintenant il allait être papa. Mais je ne pouvais pas lui dire ça, même plus tard, parce que mon rôle était juste de le soutenir et après tout, ça m'allait très bien. Les leçons de morale, c'était pas fait pour moi. Pour en faire, j'estimais qu'il fallait se sentir un tant soit peu plus raisonnable que la personne en face sur le sujet, et c'était pas mon cas. Mais putain, en fait j'avais juste peur pour lui parce que je savais qu'il n'était pas prêt à être père, et qu'en plus il n'avait pas terminé ses études. La galère annoncée. « Oh, yeah... Right, she's a Christian. » Ouais ça voulait pas forcément dire qu'elle était contre l'avortement, on savait jamais. Mais là en l'occurrence, si. « Shit. » Putain, j'aurais tellement pu me foutre de sa gueule sur son irresponsabilité si ça n'avait pas été aussi dramatique. Il me confiait qu'il avait peur et oui, je m'en étais déjà doutée. Je passai ma main dans son dos dans un geste se voulant réconfortant. « I know, but look... For the next few months, here's what we're gonna do : we're going to read everything that talks about fatherhood. You'll be father of the year before that baby even shows up. » J'esquissai un petit sourire, mais je redevins instantanément sérieuse. Je me mordis la lèvre avant de parler. « I know she wants to keep it. But what do you want, Nick ? What are you feeling ? Besides... fear. »

Bien sûr que j'étais en flip total depuis l'annonce de la grossesse de Kaya. J'avais peur pour plusieurs raisons. La première étant que je n'étais pas prêt, évidemment. La seconde étant que je ne sois pas le père, puisqu'elle avait fait des galipettes avec un certain Royce. Et si la capote avait été mise, alors peut-être qu'elle avait craqué, j'en savais rien. Et puis merde, c'était d'un bébé qu'on parlait. Le genre de choses que tu te trimballes toute ta vie. Tu te sens forcément responsable de ce petit être insignifiant. Tu as des obligations envers lui et... damn. J'étais pas prêt. « Yeah, shit » C'était le cas de le dire. Disons que j'avais débarqué dans sa chambre d'hôpital le lendemain de l'incendie et elle me l'avait dit comme ça. Je le garde. On le garde. Et moi, j'ai pas mon mot à dire en fait ? Juste parce que je suis le père et que je ne le porte pas ? Visiblement ouais. « Yeah.. yeah.. » N'empêche que son geste était bienvenu. Son geste de caresse dans le dos me faisait du bien, et j'esquissais un sourire pour la remercier. « I don't want it.. I'm not ready. I'm angry at myself, I'm fucking scared and I don't understand why it happened » Et le pire dans tout ça, c'était pourquoi Kaya voulait le garder. Je ne comprenais pas, elle était bien plus jeune que moi et c'était bien trop de responsabilités.

La veine. Pourquoi devenir parents, ça tombait la plupart du temps sur des gens qui n'étaient absolument pas prêts à le devenir ? Putain, si jamais ça me tombait dessus, je sais pas ce que j'allais faire. Enfin si, parce que moi tant que j'serais pas prête, je savais pertinemment que j'hésiterais pas longtemps avant de mettre fin à cette grossesse. En plus là franchement, c'était loin d'être environnement stable pour accueillir ce gosse. Mais malheureusement pour lui, Kaya n'avait pas les mêmes convictions et puis, peut-être qu'elle en avait envie au final de cet enfant. Putain, moi ça m'couperait l'envie de recoucher un jour avec quelqu'un. Pour au moins deux semaines quoi. Allez, soyons sérieux. Mon pote était grave dans la merde et je tentais de le rassurer comme je le pouvais, en lui balançant des paroles auxquelles il n'était pas vraiment réceptif. Donc je commençai à passer ma main dans son dos d'une façon qui se voulait rassurante et franchement, c'était la seule chose qui avait l'air de fonctionner un tant soit peu. Je crus même apercevoir un sourire. Il me dit qu'il s'en voulait et qu'il n'était pas prêt. Je soupirai un bon coup et je restai silencieuse quelques secondes avant de reprendre. « Well... if there's no talking her out of it, you need to sack up and accept it. And I know you will. BUT. » Parce que quand même, il y avait un mais. « I think you have the right to take some time for yourself right now, to... you know, come to terms with this pregnancy. Otherwise, you won't ever be able to fully accept it. »

Tout ce que je souhaite, et tu le sais Rylie, c'était de retrouver une vie normale, basique, sans encombre. Mais tu vois, Kaya vit chez moi maintenant et elle porte notre enfant. Un bébé. UN BÉBÉ. Tu me vois moi, être papa ? Moi non, je ne me vois pas et je ne l'imagine même pas. Je ne sais pas comment je vais faire à l'avenir, tant ça me paralysait. Mais qu'est-ce que t'y peux toi dans tous les cas? Rien du tout. C'était moi qui avait merdé, oubliant cette satanée capote ce soir là, où Kaya et moi nous nous étions dits “bye bye, c'est la dernière fois”. Ouais, dernière fois sans protection en tout cas, parce que je ne me vois pas te redire encore une fois qu'elle est enceinte. Très peu probable. J'allais être méticuleux, tu me connais. « How do I do that? Accept it and all? » Tu vois comment j'suis perdu ? Et bien ça va être comme ça pendant neuf mois, j'te préviens. Et puis forcément, tu seras babysitter à un moment donné, parce que je pourrais pas être H24 avec le bébé non plus. J'aurais besoin de temps avec ma copine... putain, tu vois à quel point je suis dans la merde, je suis pas prêt à être père. « I don't understand why she doesn't want to abort, she's young and not ready either » Je soupire, parce que j'me triture l'esprit avec ça depuis que je le sais et si des fois j'arrive à ne pas y penser, le fait d'en parler me fait tout ressortir. Et c'est toi qui prend Rylie, j'suis désolé.

Je l'observai et le pauvre avait l'air complètement démuni. Ça se voyait même jusque dans sa posture, que sa tête était en vrac. Je le comprenais complètement, sachant pertinemment que dans la même situation que lui, j'aurais réagi exactement de la même façon. Là, il ne savait plus où il en était. Je pense qu'il était passé par tous les stades possibles du déni, allant peut-être même jusqu'à se demander s'il ne devrait pas juste faire ses valises et se tirer. Mais ce mec avait beau avoir la réputation d'être un connard, personnellement je savais de quoi il était capable. Là, je savais qu'il allait être capable de prendre ses responsabilités, mais putain, c'était dur à accepter. Et c'était normal, enfin du moins je pense. « Honestly, I have no fucking idea. Seriously, my head's as fucked up as yours right now. I just know that evenetually, you will. I'll help you find that out, but currently I'm just as lost as you are. » Savoir qu'il avait une épaule sur laquelle s'écrouler dès qu'il en aurait besoin, c'était tout ce que je pouvais lui apporter pour le moment. Je serais à ses côtés dès qu'il en aurait besoin, mais malheureusement je n'avais pas encore les réponses. « I don't know, mate. I already have a hard time understanding her faith, so understanding the pregnancy thing is impossible for me. Maybe she wants it, unconsciously ? » J'sais pas, c'était une énigme pour moi.