On peut dire que j'étais sur une pente assez glissante depuis quelques mois, mais je suis en train de me relever tout doucement. C'est rare que je me mette dans un tel état. Pour être honnête, je crois que c'est la première fois qu'une rupture me fait aussi mal. Genre vraiment, vraiment mal. Et c'est quand je remonte la pente qu'il m'arrive encore une couille. Y'a trois jours, j'ai été cambriolé. J'l'ai dis à personne pour ne pas inquiéter mes amis, mais ces connards m'ont bien amoché. Comme une conne j'ai ouvert ma grande gueule, j'me suis pas laissée faire et le résultat est maintenant visible sur mon visage. J'essaie de le cacher comme je peux, mais c'est encore pas mal à vif alors je ne peux pas mettre trois tonnes de make up dessus. J'voulais du changement, je l'ai non ? La coloration de mes cheveux et maintenant une belle trace sur mon visage. Histoire de me changer les idées, je décide de passer à la bibliothèque de Boston. J'arrive donc là-bas avec au moins six livres que je devais rendre la semaine d'avant. Je pose la pile à l'entrée, faisant presque trembler le bureau sous le poids de ceux-ci, « Je saiiis je devais les rendre la semaine dernière j'suis vraiment désolée mais..  » Je lève la tête et je vois Lincoln. Je souris en coin et j'ajoute, « Bordel faut que ça soit toi. Écoutes j'ai eu des soucis j'ai pas pu les rendre avant, tu veux être sympa et fermer les yeux sur le fait que j'les ai rendu en retard ? »  Le connaissant, il ne le fera pas. J'sais qu'il a encore les boules pour ce concours que j'ai gagné.

C'était bientôt le Summer Camp et forcément, j'avais besoin d'argent pour passer les vacances sans bosser. Je m'étais même tâté à ne pas y aller, mais j'avais envie de voir mes potes et de passer du bon temps. Donc on oublie le boulot cet été et on le reprendra à la rentrée, voilà tout. Du coup, je faisais du temps plein jusqu'au départ pour l'Arizona. Maaais il ne se passait rien. Genre vraiment rien. La plupart des étudiants faisaient du shopping pour se préparer pour les vacances mais plus personne n'étudiait donc.. ouais, la bibliothèque était vide. Ou presque. En fait, on trouvait principalement des vieux, toujours là pour s'instruire. J'étais donc en train de jouer à des jeux facebook sur l'ordinateur caché par le comptoir quand, ô miracle, on venait me déranger. Ouais enfin là, je m'en serai bien passé en fait. Une pile de livres m'attendait et la femme qui allait avec me sortait par les yeux. Ouais ouais, je m'en serai clairement passé. « C'est $5 par jour de retard donc.. $35 s'il te plait. » Je feintais un sourire, puisque c'était loin d'être naturel quand c'était celle qui devait le recevoir. Bon, elle était pas censée savoir que c'était faux. Une taquinerie, plus que quoique ce soit d'autre. Mais c'était pas si grave, tant qu'elle marchait un peu au début, ça pourrait faire une petite vengeance.

Je dois être une des meilleures clientes de la bibliothèque de Boston, j'vous jure. La bibli d'Harvard est bien remplie en livres, mais elle ne vaut pas celle de la ville ça c'est clair. J'ai une carte d'abonnée et j'empreinte plusieurs livres toutes les deux semaines environ. Avant de partir au Summer Camp, il faut que je rende mes livres et n'ayant pas l'habitude de les rendre en retard, j'espère bien qu'on va accepter de fermer les yeux sur mon petit retard. Sauf qu'en voyant qui est à la reception, je désespère un peu et je tente tout de même une approche amicale, même si ça n'est pas dans notre habitude. « C'est $5 par jour de retard donc.. $35 s'il te plait. » Je fronce les sourcils en le regardant, sérieusement ? Je soupire et je passe une main sur mon front en secouant la tête, « Non mais.. s'te plait. C'est la première fois que ça arrive, allez soit sympa. »  Je lève les yeux au ciel, « Si c'est ta manière de te venger, c'est vraiment petit tu sais. »  Et d'un coup, j'ai une idée. Je me penche vers lui et je lui dis, « J'ai connu un gars de la famille Hoover. Descendant de Lincoln, et du président Hoover, il m'avait filé des documents officiels de sa famille. J'suis sûre que t'hallucinerais autant que j'ai halluciné quand j'les ai eu entre les mains. J'te les montre si tu fermes les yeux sur le retard. »  Allez, j'te connais Lincoln, j'suis sûre que ton petit coeur a fait boum boum rien qu'en pensant à toi en train de tenir des documents officiels de ce genre.

Non mais en vrai, j'avais tellement envie de la faire chier parce que j'aimais pas sa présence, qui me rappelait à chaque fois qu'elle avait fait mieux que moi à un stupide concours. Du coup, je me vengeais. Enfin c'était pas tellement une vengeance... parce que normalement c'est qu'un dollar par semaine. Moi, je l'ai monté à 5 par jour. « Qui te parle de vengeance, je ne fais que respecter les règles. Tu veux vraiment que je perde mon boulot pour tes beaux yeux ? Désolé mais ils ne valent pas tant que ça » Non mais ouais, je respecte le règlement et donc c'était à elle de s'adapter, pas à moi. Mais là, elle se penchait vers moi, tentant de marchander. Wait... c'était vrai son histoire là ? « Tu les as pas, tu bluffes. » Je cherchais dans son regard un signe, un tout petit signe de sa part qui me montrait qu'elle bluffait parce que je ne voyais aucune autre solution. « En fait tu les as volé, c'est pour ça que t'as des bleus sur tout le visage. Ou alors tu racontes des conneries à tout bout de champ, comme maintenant, et du coup quelqu'un s'en est pris à toi. Non, c'est pas possible tu peux pas les avoir. » Woah, j'avais dit tout ça d'une traite. C'était presque hallucinant. Mais on parlait de la famille Hoover là. Genre... woaw.

« Qui te parle de vengeance, je ne fais que respecter les règles. Tu veux vraiment que je perde mon boulot pour tes beaux yeux ? Désolé mais ils ne valent pas tant que ça » J’arque un sourcil en le regardant sans trop savoir quoi répondre. Je ne connais pas énormément Lincoln. A vrai dire, on se connaît plus de vue qu’autre chose. On se balance des pics, on aime bien se charrier mais ça s’arrête là. Ce que je sais le plus à propos de lui, c’est qu’il est aussi passionné (peut-être un peu moins (a)) que moi d’histoire, alors je sais que ce que j’ai en ma possession peut l’intéresser. « Tu les as pas, tu bluffes. » J’esquisse un sourire, silencieuse en le regardant dans les yeux. « En fait tu les as volé, c'est pour ça que t'as des bleus sur tout le visage. Ou alors tu racontes des conneries à tout bout de champ, comme maintenant, et du coup quelqu'un s'en est pris à toi. Non, c'est pas possible tu peux pas les avoir. » J’explose de rire et je me penche sur son comptoir pour le regarder, « Tu dois connaître  Dwight Jefferson-Hoover si tu connais bien tes arbres généalogiques des présidents non ? Il étudie à Harvard et j’le connais, il a épousé une amie à moi l’année dernière.  C’est aussi un bon ami à mon ex. »  Je sors mon téléphone et je lui montre le contact, « J’peux même te le présenter si tu veux. Enfin.. si tu veux bien être compréhensif. A son mariage l’année dernière, j’suis allée à Washington j’ai même pu visiter la maison des Hoover. »   Ça me fait chier de partager un truc aussi big avec lui, mais si ça peut me faire économiser, pourquoi pas.

Okay, elle voulait éviter de payer et tout ça, mais c'était pas une raison de sortir un mensonge plus gros qu'elle. Parler de la famille Hoover, c'était gros quand même. Non mais ouais non, fallait qu'elle arrête tout de suite parce que c'était juste pour sauver son cul, sachant très bien que j'étais quand même plus qu'enclin à vouloir en savoir plus à propos de tout ça. Je ne pouvais pas m'empêcher de froncer les sourcils quand elle venait m'expliquer la raison du pourquoi du comment et forcément, j'aimais pas tellement ça. Pourquoi elle et pas moi ? « T'es en train de me dire que si j'reprends tes bouquins comme si la semaine n'était pas passée... tu m'présenteras à un membre de la famille Hoover ? Genre.. pour si peu ? Me prends pas pour un con, elle est où l'arnaque ? » Y'en avait clairement une, sinon, elle ne ferait pas tout ça. Sauf que j'arrivais pas à m'empêcher de ressentir cette poussée d'adrénaline rien qu'à l'idée de pouvoir parler à un membre de la famille Hoover. Quand j'étais petit, j'allais dans les quartiers politiques de Washington rien que pour voir où habitaient les gens qui me passionnaient tant. Mais jamais je n'ai pu entrer dedans. Et elle, elle a réussi à faire ce qui me semblait impossible. Je la déteste, sérieux. Je la déteste.

Si quelqu'un avait débarqué comme ça en me racontant qu'il connait quelqu'un de la famille Hoover, je crois que ma réaction serait la même que celle que Lincoln a en ce moment. Il ne me croit pas, et je peux le comprendre mais je dis la vérité, et je suis prête à lui prouver. « T'es en train de me dire que si j'reprends tes bouquins comme si la semaine n'était pas passée... tu m'présenteras à un membre de la famille Hoover ? Genre.. pour si peu ? Me prends pas pour un con, elle est où l'arnaque ? » Je soupire et je me redresse, passant une main sur mon front en la regardant, « Je sais.. ça a l'air gros. Mais j'ai eu pas mal de problèmes en ce moment, comme t'as pu.. le remarquer. »  Je grimace légèrement, « $35 c'est déjà beaucoup alors si j'peux économiser ça, j'le ferai. J'te raconte pas de bobards Lincoln. Et puis, si t'es aussi passionné que moi, tu sais quelle valeur ça a ce que j'te propose. On est pas obligés d'être ennemis toute notre vie, j'veux dire.. on se connait à peine. Tout ce qu'on sait, c'est que j'suis meilleure que toi mais bon, c'pas un drame, si ?  » Je souris en coin et je croise les bras à ma poitrine en le regardant. Bon j'le charie un peu, mais j'pense être meilleure, sinon j'n'aurais pas gagné ce concours.

Non mais elle croit que je suis crédule à ce point ? Je pense pas que ça soit le cas non, je ne pouvais tout simplement pas avaler une telle histoire. Donc ouais, en gros, je la traitais de menteuse parce que c'était juste trop gros pour pouvoir y croire. Et puis merde quoi, pourquoi elle et pas moi ? Elle m'énerve c'est hallucinant. Elle m'horripilerait presque. « En vrai c'est que $7 » Ouais, moment d'égarement, je lui avouais donc la vérité. Elle me faisait légèrement pitié avec ses bleus là, sur le visage. « Et ouais, je sais ce que ça vaut, c'est bien pour ça que j'te crois pas. Quiconque d'assez lucide comprendrait que c'est des bobards ce que tu m'racontes » Mais en même temps... je pouvais lui laisser le bénéfice du doute. Disons que je pouvais voir ce qu'elle avait à m'offrir et puis je verrai si elle est digne de confiance ou pas à ce moment là. « Bon, ok. Deal. » J'avais cédé, faible que j'étais. Merde quoi, des documents officiels de la famille Hoover. Je ne pouvais pas cracher dessus, vraiment pas.

« En vrai c'est que $7 » J'arque un sourcil en le regardant. Sérieusement ? Mais quel asshole ce mec ! Si j'avais pas proposé ce deal, il m'aurait taxé $35 ! « Et ouais, je sais ce que ça vaut, c'est bien pour ça que j'te crois pas. Quiconque d'assez lucide comprendrait que c'est des bobards ce que tu m'racontes » Je soupire et je plonge ma main dans mon sac pour chopper mon portefeuille, convaincue que j'vais devoir payer puisqu'il ne me croit pas. Quand tout à coup, « Bon, ok. Deal. » Je relève le regard vers lui, très très surprise. « Sérieusement ? »  Je me mords la lèvre pour cacher mon sourire et je tends la main vers lui, signe de.. signe d'accord de deal ? « Alooooors. »  Je prends un bout de papier en face de lui et je note mon adresse, « Je sais pas à quelle heure tu finis, mais après ton boulot, viens me voir chez moi et j'vais tout te montrer, tu vas halluciner.  »

J'étais quand même un crétin, j'aurais pu me faire de l'argent facile là. Mais non, c'était de la fraude et j'avais pas tellement envie de me retrouver en prison. J'étais pas un mec fait pour aller en prison, j'ai une trop belle tête en vrai, sans aucune prétention ou quoi. Ouais non, c'était préférable pour moi de ne pas aller en taule. Et donc du coup, je lui disais quel était le véritable prix à payer de ce retard mais ça ne servait pas à grand chose puisque j'acceptais le deal. Non mais je pouvais pas refuser. En plus, les $7 je pouvais les sortir de ma poche à sa place... et ce que je verrai valait carrément plus. Donc ouais, je gagnais au change. J'attrapais le bout de papier qu'elle me tendait et j'esquissais un petit sourire. « Ok » Je regardais alors ma montre pour voir combien de temps il me restait avant de devoir débarquer chez elle. « J'y serai dans.. 3h30, ça t'va ? » Non mais peut-être qu'elle a d'autres trucs de prévu ou quoi. En gros, sois là dans 3h30 meuf, sinon tu payes.